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Agression du président de la transition: Les inquiétudes
Publié le samedi 31 juillet 2021  |  Mali Tribune
Assimi
© Autre presse par Nipah Dennis / AFP
Assimi Goïta, désormais président de la transition au Mali, lors d`un sommet de la Cédéao à Accra
le 15 septembre 2020
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Si un périmètre aussi réduit que la grande mosquée n’est pas sécurisée, inutile de parler de sécurisation du territoire national.


Coïncidence ou hasard des calendriers, le premier conseil des ministres tenu après la fête de tabaski au cours de laquelle le chef de la transition a été agressé, a adopté le projet de plan d’action gouvernemental avec 4 axes prioritaires dont l’axe 1er s’intitule « Renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ». Mais le conseil a omis d’ajouter « d’abord sécuriser le Président de la Transition et son gouvernement ». Si un périmètre aussi réduit que la grande mosquée n’est pas sécurisé, inutile de parler de sécurisation du territoire national.

En tous les cas, l’opinion depuis l’annonce de cette agression du chef de la Transition est ballotée entre deux pôles : les sceptiques qui ne croient en rien pensant à une mise en scène, les révoltés, très remontés contre l’amateurisme voire la légèreté qui a caractérisé le bouclier sécuritaire étonnement poreux et perméable autour de son chef.

Observez simplement les images, la sécurité autour des chefs d’Etat des grandes puissances (comparaison n’est pas raison) est presqu’invisible, voire absente. La sécurité la plus efficace, c’est celle qui se fait oublier. Ce n’est pas le cas chez nous où la sécurité rapprochée donne l’impression de vouloir se faire remarquer à tout prix.

En la matière, les spécialistes conseillent les armes légères adaptées au corps à corps et à une riposte rapide au lieu d’armes d’assaut.

Entre un président ayant pris une gifle et un président pris au collet, quelles différences ?

Le 1er s’est livré au galop à son agresseur, le second s’est retourné pour repousser son agresseur agrippé à son cou face à des croyants médusés devant une scène irréaliste à leurs yeux et un dispositif sécuritaire totalement dépassé qui a juste constaté les dégâts, le médecin après la mort. Or son rôle, c’est de prévenir, empêcher voire déjouer toute tentative d’atteinte à l’intégrité physique de leur protégé.

En interrogeant notre histoire contemporaine, quelques constats s’imposent : deux chefs d’Etat ont été victimes d’agression : la 1ère perpétrée par une horde d’individus connus mais non identifiés jusqu’à nos jours ; la 2ème par un individu à l’identité non encore relevée même s’il a été maîtrisé, avant d’être annoncé mort. Les deux agressions ont pour cadre des hauts lieux symboliques : la 1ère dans le palais respectable de Koulouba ; la 2ème dans la grande mosquée de Bamako, haut lieu saint, les deux agressions ont été perpétrées sous des régimes d’exception ayant la propension à user plus des muscles que du cerveau, plus de la contrainte que du droit.

En faisant appel massivement aux cousins, belles sœurs, amis, voisins des amis de la belle-mère du frère de l’épouse de la sœur, aux promotionnaires et autres engouffrés dans tous les compartiments de l’Etat, c’est la voie royale ouverte à tous les risques et dérapages pour celui -là même qui les a recrutés ou a laissé faire. L’incident de la grande mosquée en est l’illustration. Le mélange des genres est un cocktail explosif. Etre forsat ne prédispose pas à la sécurité rapprochée (SR). Le Mali dispose de spécialistes de la SR. Chaque régime en forme des dizaines pour se protéger, mais ils sont mis à la touche par corporatisme ou par clientélisme aussitôt que leur protégé quitte le pouvoir. A chaque coup d’Etat, le chef de la junte, n’ayant pas confiance aux autres corps s’entoure automatiquement des éléments de son corps. Les raisons pécuniaires n’y sont pas aussi totalement étrangères. La garde rapprochée bénéficiant de traitements de faveur.

Souvenez-vous de l’hymne à Samory, si vous n’avez pas la force de défendre votre patrie, faites appel aux femmes/hommes valeureux. Ils pullulent dans le pays mais évitent la lumière. Ils ne cherchent qu’à le servir, mais ils sont réduits au silence par le vacarme des tonneaux vides.

De façon globale, les nouveaux régimes ont la fâcheuse tendance à ignorer ou à vouloir effacer tout l’héritage de leurs prédécesseurs pour faire croire à l’opinion qu’ils ont trouvé un pays vierge où tout est reconstruire. Une façon malhabile d’assoir leur autorité.

C’est vrai, chaque régime a eu ses faiblesses, mais aussi ses acquis sur lesquels les pouvoirs nouveaux doivent bâtir pour ne pas reprendre, souvent très mal, ce qui a été bien réfléchi et exécuté auparavant avec succès. Sans être exhaustif, citons les semaines culturelles et sportives de la jeunesse, la mobilité obligataire des fonctionnaires et des militaires dans toutes les régions, l’orientation des élèves admis au DEF dans les écoles secondaires et professionnelles en dehors de leur localité d’origine… c’est ce qu’on peut appeler « les bonnes pratiques de gouvernance » à préserver et à réhabiliter si l’on veut rebâtir une nation forte.

Prochainement, nous vérifierons s’il n’y a pas plus d’enseignants, d’ingénieurs d’agriculture et d’élevage, de médecins, de sages-femmes, de soldats, de policiers… à Bamako que dans l’ensemble des régions du Mali.

Pour revenir sur notre sujet, l’Etat a perdu le contrôle sur plus de la moitié du territoire national. Ceux qui sont formés pour la lutte anti-terroriste seront bien inspirés et très utiles à la nation s’ils acceptent retourner au front. La nation leur sera reconnaissante. Ils pourront y faire valoir leurs talents « so flè, kènè flè ». Anga yan blan.



Ahmadou Sankaré

(Journaliste)

Mali Tribune
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