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Corruption et délinquance financière : Fin d’impunité pour les pilleurs ?
Publié le lundi 2 aout 2021  |  L’aube
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© aBamako.com par FS
Conseil de cabinet du nouveau gouvernement de Transition du Dr Choguel Maïga
Bamako, le 13 juin 2021. Le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, a présidé son premier conseil de cabinet, le dimanche, à la primature avec tous les membres de son nouveau gouvernement réunis au grand complet.
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Depuis le coup d’état d’août 2020, les Maliens attendent l’ouverture d’enquêtes sur certains dossiers de scandales financiers et autres détournements de deniers publics qui ont jalonné les 7 années du mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta. Il s’agit notamment le scandale de l’achat de l’avion présidentiel avec la complicité du Corse Michel Tomi (ami d’IBK), l’achat d’équipements militaires à coût de milliards de francs CFA, ou encore la sulfureuse affaire dite des « blindés en carton » et la rénovation du palais de Koulouba, dont le marché a été attribué à un membre de l’ex famille présidentielle… L’attente de nos compatriotes est-elle en passe d’être comblée ? Les auteurs de ces différents détournements seront-ils poursuivis ? Le Premier ministre, Choguel K Maïga a, lors de la présentation du plan d’action du gouvernement 2021-2022, promis une « gouvernance de rupture et d’exemplarité », fondée sur la lutte contre la corruption et l’impunité.
Deux mois après sa nomination à la tête du gouvernement de la transition, Dr Choguel K Maïga était face aux membres du Conseil national de la transition, le vendredi dernier, pour présenter le plan d’action du gouvernement conformément à l’engagement qu’il avait pris. Parmi les grands axes de cet ambitieux plan, la promotion de la bonne gouvernance. À cet effet, le PM a promis une « gouvernance de rupture et d’exemplarité », fondée sur la lutte contre la corruption et l’impunité, « à la base de la déliquescence de notre État ». Le chef du gouvernement a aussi annoncé des audits sur la vente des bâtiments publics… Une affaire qui remonte à la gestion d’IBK.

S’agissant toujours de la lutte contre la corruption, Choguel Maïga s’était déjà engagé, dès sa prise de fonction, de mener une lutte implacable contre la corruption « Ceux qui sont appelés à servir l’Etat ne peuvent se servir de l’Etat en pillant les maigres ressources de notre pays, au vu et su de tous sans conséquence. A leur encontre, le gouvernement insufflera une politique de lutte implacable contre la corruption en appuyant de façon systématique les actions judiciaires dans tous les dossiers de détournement de deniers publics », assurait le Premier Ministre. Si cette promesse est tenue cela marquera une rupture totale avec le régime précédent. En effet, de nombreux scandales ont éclaboussé de hauts responsables de l’Etat sous le régime défunt. Jusqu’ici les auteurs des détournements de deniers publics ne nullement inquiétés.



Cascades de scandales

En effet, de nombreux Maliens attendent impatiemment l’audit de la gestion de l’ancien Régime, à commencer par certaines Institutions de la République qui, 7 ans durant, ont été au centre de plusieurs affaires sulfureuses.

Aussi, pendant les 7 dernières années (sous le régime calamiteux d’IBK) ce ne sont pas les scandales qui ont manqué. De l’achat de l’avion présidentiel à l’acquisition des équipements militaires pour l’Armée malienne en passant par les affaires non moins sulfureuses de « blindés en carton »… Des détournements du fonds public qui ont mis la République dans un gouffre financier sans précédent dans l’Histoire de notre pays.

Aussi, plusieurs milliards de FCFA sont détournés par an à cause de la corruption. C’est selon plusieurs Rapports dont celui du Bureau de Vérificateur Général qui élabore périodiquement un document de contrôle sur la gestion des deniers publics. Tous les secteurs sont infestés : santé, éducation, emploi, sécurité, justice, …

Mais au-delà des rapports du Bureau de Vérificateur Général plusieurs autres sandales ont ébranlé le Mali ces dernières années. Les affaires sombres les plus emblématiques restent celles liées à l’achat de l’avion présidentiel, acquis à la suite d’un montage financier opaque mêlant sociétés-écrans et hommes d’affaires douteux. Hors de toute inscription budgétaire, 20 milliards de francs CFA ont été sortis des caisses de l’Etat pour acquérir un Boeing 737 non encore immatriculé au nom du Mali. Le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale étaient sortis de leur réserve pour exprimer leur mécontentement. Le Bureau du Vérificateur général a été commis par le Fmi pour auditer cette affaire, ainsi que la section des comptes de la Cour suprême par le gouvernement malien. Les rapports de ces deux structures de contrôle sont accablants : des surfacturations comprises entre 29 milliards et 38 milliards sont décelées. Pis, aujourd’hui encore, nul ne sait si l’avion appartient au Mali.

Au même moment, était révélée aux Maliens et au monde entier la nature d’un marché de gré à gré de 69 milliards de F CFA attribué, en violation des règles des marchés publics, à un proche de la famille présidentielle. Avec l’avenant, le marché a finalement porté sur 108 milliards de FCFA. Le fait que le marché soit attribué de gré à gré est un piétinement flagrant des principes élémentaires de passation de marché public. Pire, dans le même contrat, les Maliens apprendront que le ministre des Finances de l’époque a couvert ce marché par une garantie de 100 milliards de francs CFA. Des personnalités, l’on se souvient, avaient profité de ces affaires en se livrant à des surfacturations dont seules les Républiques bananières ont le secret.

Bien d’autres marchés de ce genre existent, surfacturés et couverts par l’impunité. En avril 2016, le gouvernement a remis au MOC (Mécanisme opérationnel de coordination) 42 véhicules destinés aux patrouilles mixtes. La presse a rapporté que lesdits véhicules ont coûté à l’État 2 milliards 300 millions de FCFA, soit plus de 50 millions l’unité.

Après l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires surfacturés, le Malien lambda était loin de s’imaginer qu’un autre scandale, portant lui aussi sur des milliards de FCFA, éclaterait. Ce énième scandale portait sur une soixantaine de milliards F CFA destinés à l’achat de l’engrais pour les paysans, sous forme de prêts à rembourser dès la fin des récoltes dans les opérations de développement rural.

C’est un minuscule GIE (Groupement d’intérêt économique) qui était chargé de l’attribution, à travers un avis d’appel fort douteux, de ce gros et juteux marché à des fournisseurs, parfois sans foi ni loi. Il a fallu qu’un concurrent mécontent crache dans la soupe, en soumettant au test de conformité l’engrais d’un rival à un laboratoire de la place, pour que le pot aux roses soit découvert et que la vérité dans toute son horreur commence à être étalée sur la place publique. Le président de la République a promis la fermeté dans ce dossier, au cours de la session du Conseil supérieur de l’agriculture qu’il a présidée le 16 mai 2016. L’opinion a longtemps attendu sa réaction. En vain !

L’impunité encourageant de nouvelles atteintes à la morale publique, une nouvelle affaire dite « des 1000 tracteurs » a été révélée à l’opinion malienne.

Un autre scandale qui a éclaboussé le mandat d’IBK : l’attribution des 1552 logements sociaux de Tabacoro, dans laquelle il a été orchestré une véritable magouille à ciel ouvert. En plus des ministres de la République et des cadres de l’administration Ainsi, sous IBK, le Mali est entré dans une nouvelle ère des logements sociaux. Désormais, tous les bénéficiaires doivent avoir un caractère particulier : être militant ou sympathisant d’un parti de la mouvance présidentielle, ou avoir un lien avec un président ou un membre des institutions de la République. Un autre scandale qui a marqué le règne d’IBK est l’achat de 2 hélicos Puma, en 2017. Cette affaire sombre a éclaté après que l’ancien président de la République IBK ait confirmé dans un entretien à Jeune Afrique que les avions achetés sous son magistère sont cloués au sol « faute de maintenance appropriée ». Apres c’était au tour du président de la commission défense de l’Assemblée nationale de l’époque, Karim Keïta, de déclarer, lors d’un colloque à Paris : « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat, je me demande si, on n’a pas été floué à l’achat »…

Cette déclaration a réveillé les forts soupçons de surfacturation et les malversations portant sur les ressources financières destinées à acquérir des équipements pour l’armée.

Il urge donc pour la Justice de donner suite sur un certain nombre de dossiers qui ont mis à mal notre pays. . C’est dans, notamment, l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, des engrais frelatés… dont les présumés coupables n’ont nullement été pour le moment inquiétés. Ces affaires sont aujourd’hui pendantes au niveau de la Justice.

Pourtant tous les scandales dissimulés jusque-là se dévoilent facilement après un audit anodin. Ceux qui avaient été découverts par les institutions habilitées et organes de contrôle, mais mis dans les tiroirs par l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita, durant tout le temps qu’il était aux affaires, commencent à apparaitre au grand jour. Mais les Auteurs des détournements de deniers publics (nullement inquiétés) se pavanent toujours dans les rues à l’intérieur et extérieur du pays. Curieusement depuis le coup d’Etat du 18 août 2020, aucun d’entre eux n’a été inquiété.

En 2018, un Rapport canadien sur le traitement judiciaire des cas d’irrégularités financières précise que « près de la moitié des dossiers font l’objet d’un classement sans suite ; donc, pas de poursuites, faute d’infraction pénale ». Ce qui amène à un « niveau très bas de recouvrement de 6,5 % du montant total des irrégularités financières ». En clair, les Autorités maliennes n’auraient récupéré qu’environ 48 milliards de francs CFA (73,2 millions d’euros) sur les 741,5 milliards de francs CFA d’irrégularités financières constatées par le BVG entre 2005 et 2017. On attend, en somme, plus de rigueur de la part des Autorités de la Transition dans le recouvrement des irrégularités financières.

Mohamed Sylla
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