Comme attendu, dans l’après-midi de ce vendredi 30 juillet, le Premier ministre de la transition, Choguel K. Maïga, dans un récital aux accents anecdotiques imagés dont il a le secret, a présenté devant les membres du CNT le Plan d’action du gouvernement (PAG) qu’il a l’entière responsabilité de mettre en route. Fait inédit : il a parlé de plus de deux mille milliards de francs CFA comme coût de ce gigantesque plan, sans exactement dire sur comment les avoir, tout en occultant sciemment de se prononcer sur le chronogramme des élections de fin de la transition. Un pis-aller verbal qui est le reflet de l’homme tout craché, donnant dans le spectacle et l’effet d’annonce.
Tout de blanc vêtu, comme à son accoutumée, le Premier ministre de la transition, Choguel Maïga, a donné devant les membres du CNT, l’organe législatif de la transition, le ton du Plan d’actions du gouvernement (PAG), dont il a la charge d’actionner d’ici la fin de la transition. Moment de grande ferveur oratoire qui lui a permis de disséquer son PAG en quatre points essentiels ainsi fragmentés : renforcement de la sécurité ; réformes politiques ; élections et bonne gouvernance.
D’entrée de jeu, le maître de la Primature, qui a dit avoir pris son boulot très au sérieux, à la mesure de la confiance en lui placée par le président de la transition, a eu des mots très forts pour articuler son PAG dans l’esprit des citoyens, en parlant du Mali « d’un grand corps malade qui a besoin d’une thérapie » de choc.
Ainsi, pour lui, les maîtres mots de l’action du gouvernement qu’il dirige s’articulent désormais autour du « sens des responsabilités » et « l’exigence de l’engagement », le tout baignant dans « la gouvernance de rupture » et « d’exemplarité ».
Pour soigner le corps malade, il a annoncé, comme il l’a déclaré, une thérapie de choc qui prend en compte les actions nécessaires pour y faire face. Il l’a dit lui-même (et c’est justement la première fois qu’un plan est ainsi budgétisé pour sa réalisation), il devra disposer de quelque deux mille milliards soixante-trois millions de francs CFA pour financer son PAG.
Du point de vu des analystes politiques, le présent Plan d’action du gouvernement est trop ambitieux et très coûteux par rapport au temps restant de la transition, si tant est que la volonté de Choguel K. Maïga est de respecter le délai imparti à la transition, comme il l’a promis de s’y conformer.
Si le plan Choguel, à la différence des autres jusqu’ici présentés dans notre pays, est détaillé en termes monétaires pour son coût de réalisation, il n’en est rien quant à la manière, pour lui et son gouvernement, dont cette manne financière sera recouvrée pour y faire face. Choguel K. Maïga, futé comme il est, ne pipe pas un mot de comment ce budget se réalisera, ni quel chapitre de cet énorme plan engloutira quel montant, dans combien de temps de réalisation et sur quel indicateur précis, pour le temps restant de la transition.
Voilà qui fait que le PAG de Choguel K. Maïga, au-delà de l’effet d’annonce, n’innove en rien, par rapport aux autres plans gouvernementaux jusqu’ici présentés ; en ce sens que le montant colossal qu’il a lui-même présenté, comme le coût de réalisation de ses actions, paraît en réalité tombé du ciel, tout droit sorti de son chapeau, car ne reposant sur aucun élément d’appréciation pouvant justifier une telle énonciation de chiffres.
Choguel K. Maïga, comme cela lui est classique, est dans le tape-à-œil dans cette articulation de montant chiffré pour, dit-il, faire la différence avec les autres. S’il voulait convaincre sur la gouvernance de rupture et d’exemplarité qu’il veut désormais incarner, dans le pays, il lui était alors judicieux de préciser, centime par centime, quel montant réel sera alloué à quelle action précise du PAG. C’est cela la clarté de l’action publique et c’est cela la marque de la transparence ; en somme la clef de voûte de la gouvernance vertueuse.
Ce n’est pas le cas pour lui : le montant chiffré est ainsi lancé en l’air, comme un fétichisme budgétaire, n’obéissant à aucune orthodoxie financière, ni comptable, en matière de financement d’actions publiques.
Pour les élections, autre chantier non achevé du PAG de Choguel K. Maïga, le même effet d’annonce est de mise. Le PM, devant les membres du CNT, passe le plus clair de son temps à parler de la nécessité de la création d’un organe unique de gestion des élections qu’à évoquer l’architecture technique et matérielle de ces élections qui doivent se dérouler dans un temps requis pour être crédibles et transparentes.
Si l’organe unique de gestion des élections, vœu si cher au PM de la transition, est un outil nécessaire pour la sincérité et la régularité des opérations de vote au Mali, il reste toutefois entendu que l’organisation des scrutins, étant dévolue toujours au ministère de l’Administration territoriale, une clarification précieuse devrait être faite par le PM entre les rôles et les responsabilités de ces deux entités concernées par l’organisation des futures joutes électorales.
Ce ne fut pas le cas. Par l’effet d’une pirouette, le PM n’en dit pas un seul mot de cette démarcation entre les deux entités et se contente seulement d’évoquer, sous forme de vœux pieux, la volonté de son gouvernement de mettre sur pied ledit organe dont on sait de lui, il n’y a pas encore longtemps, que son illustre devancier à la Primature avait déclaré dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que le restant de la transition ne permettait pas l’opérationnalité d’un tel outil, dont par ailleurs personne ne remet en cause la pertinence.
En tout état de cause, si Choguel K. Maïga est aujourd’hui, en toute sérénité, devant le CNT, c’est parce qu’il a fait semblant d’oublier, en enfuyant dans son subconscient, le fait qu’il avait lui-même déclaré à qui veut l’entendre que cet organe de la transition était « illégal » et «illégitime ». Aucune feinte politique ne fera effacer cela de l’esprit du citoyen lambda qui a assimilé cette nouvelle volte-face primatoriale à une marque déposée de l’homme, dont l’agissement, quoique paré des plus rayonnants maquillages, ne peut et ne saurait être dédié à la cause collective.
Puisque Choguel K. Maïga retrouve aujourd’hui, grâce à la générosité du président de la transition, le fauteuil de chef de gouvernement, subitement alors, comme par l’effet d’un reniement dont il est devenu le champion incontesté, le CNT, cet organe législatif de la transition, jadis banni et honni par un Choguel frondeur, devient fréquentable et se trouve du coup réhabilité, comme un organe digne de son prestige et de sa configuration. Devant lequel, il lui est loisible, en que PM, de présenter, sans cire ni fard, et dans l’intérêt bien compris de la nation, le nouveau PAG qui porte en lui-même les germes du Mali Kura.