Cela fait des années qu’il n’y a pas d’école ou presque pour les enfants du Mali à cause, non seulement, de l’insécurité, mais aussi et surtout en raison des revendications des enseignants. La situation a atteint son paroxysme, obligeant les enfants à lancer des cris de détresse. Mais ils semblent prêcher dans le désert.
Depuis les évènements de 2012, bon nombre des enfants du Mali sont privés d’école à cause de l’insécurité. Dans certaines localités du nord, du centre et même du sud, les écoles sont fermées. Les différents rapports fournis par des partenaires sur la situation font froid dans le dos. Les quelques écoles restées ouvertes sont prises en otage par des enseignants à cause de leurs revendications salariales : « La satisfaction de nos revendications ou rien ». Les autorités en charge des questions éducatives, elles, se contentent de sauver les années scolaires, en lieu et place du salut de l’école malienne et de l’avenir de la nation. Tant pis pour les élèves puisque ce n’est la faute à personne. Pardon, c’est la faute du seul «gouvernement ».
Dans cette histoire, les parents d’élèves sont restés longtemps observateurs, comme si nul ne constate la gravité de la situation. Aujourd’hui, la crise a atteint des proportions inquiétantes, poussant les enfants eux-mêmes à lancer un appel de détresse. Ils se sont rendus à la Maison de l’enseignant pour défendre leur droit à l’éducation. Dans une déclaration, les enfants demandent au gouvernement plus de dialogue et plus de réflexion. « Nous demandons en larmes à nos papas et mamans de s’apitoyer sur notre sort. Oui, depuis bientôt trois ans, nous ne connaissons plus une année scolaire normale. On dit que l’avenir d’un pays repose sur ses enfants et si cet avenir est mis en danger pour un conflit d’intérêt, que deviendrions-nous ?
À cause de cette grève, nous sommes devenus des délinquants et de mauvais citoyens en raison de notre déscolarisation. Nous vous supplions de ne pas nous immiscer dans une lutte dans laquelle on ne connaît ni les tenants ni les aboutissants, de ne pas nous exposer aux dangers en nous mettant au-devant des meetings, de ne pas juste voir votre position actuelle, mais la nôtre, car ministres ou enseignants, députés ou directeurs, tous autant que vous êtes, avez déjà fini; nous vous prions de nous prendre en considération et de nous aider à garder le concept de l’année blanche comme mythe », déclarent les enfants.
Aussi, ils demandent à leurs parents de jouer un rôle de conciliation et de médiation. « Nous vous supplions de ne pas faire de parti pris dans cette affaire et aussi de nous maintenir à la maison lors des différentes manifestations pour nous éviter d’éventuelles blessures et agressions», plaident-ils
Un cri de détresse dans le désert
Les enfants semblent prêcher dans un vide. Avec l’adoption le mercredi, 30 juin 2021, en conseil des ministres de la loi portant grille indiciaire unifiée des militaires et des personnels relevant des statuts des fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et des statuts autonomes par le gouvernement, la Synergie des syndicats de l’éducation a décidé de boycotter les épreuves avancées des examens de fin d’année.
« L’adoption de ce projet de loi s’inscrit dans le cadre du respect des engagements pris par le gouvernement, participe de l’apaisement du climat social et de la volonté de rétablir l’équité entre les agents de l’État », se défend le gouvernement.
Pour les enseignants, l’application de cette loi met en cause l’article 39 de la loi n°2018-007 du 16 janvier 2018, portant statut du personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale. Ce qui justifie les décisions des enseignants.
À travers des lettres circulaires, les syndicats de l’éducation demandent aux enseignants de se tenir prêts pour la lutte. Comme première action, la Synergie demande aux militants de boycotter les épreuves anticipées des examens de fin d’années et de retenir les notes des compositions.
En plus, la Synergie des syndicats de l’éducation a déposé un préavis de grève de 228 heures, soit 12 jours, selon la lettre n° 2021-042/SES adressée au ministre du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social, Diawara Aoua Paul Diallo.
« Les syndicats de l’éducation, bien que disposés au dialogue, se réservent le droit d’observer une grève de 12 jours, soit 288 heures allant du lundi 09 au jeudi 12 août, du lundi 16 au mercredi 18 août et du lundi 23 au vendredi 27 août 2021 inclus, si la revendication ci-dessus citée n’est pas satisfaite», explique le préavis.
Les parents d’élèves sortent de leur mutisme
Suite à l’échec des négociations entre le ministère du Travail et de la Fonction publique et les enseignants qui n’ont pas abouti à un compromis, le jeudi 22 juillet 2021, des parents d’élèves se proposent de faire recours à la Cour constitutionnelle pour résoudre le problème.
Daouda Sacko, secrétaire général adjoint de l’Association des parents d’élèves, propose que « la Cour constitutionnelle soit consultée ». On verra, ainsi, « dans quelle mesure cet article 39 va amener un peu d’accalmie sur le front scolaire afin que nos enfants puissent trouver un enseignement de qualité », explique-t-il aux micros des confrères de Studio Tamani,
Quant au pédagogue Morikè Dembélé, enseignant chercheur à l’Université de Bamako, il demande aux deux parties de réfléchir à des alternatives pour résoudre le problème.
« Ce n’est pas bon de dire qu’on va faire les examens sans les enseignants, ce n’est pas une bonne chose non plus de reporter les examens. L’année est au bout du gouffre, donc il ne faut plus reculer. Il faut négocier avec les enseignants en leur proposant des alternatives pour leurs revendications », plaide-t-il.