Avec la rentrée des classes qui se rapproche, les sinistrés seront logés sur un site aménagé sur le terrain de football communal
Nous sommes un matin dans la cour du groupe scolaire Aminata Diop de Lafiabougou en Commune IV de Bamako. Le petit Boubacar et ses camarades jouent à cache-cache. Le jeu est animé et les enfants ont l’air heureux. Ce n’est pourtant pas la récréation car nous sommes en pleines vacances scolaires. Les enfants qui sont en train de jouer sont ceux de familles victimes des inondations du 28 août passé. C’est une partie de ces familles que l’établissement scolaire héberge provisoirement. Les enfants semblent s’être rapidement adaptés à leur nouveau cadre familial. Ils ne se rendent sans doute pas compte de la détresse de leurs parents.
Quelques 808 familles totalisant 7077 personnes sont hébergées aux groupes scolaires Aminata Diop et Taliko A et B. Les deux sites ont été quelque peu aménagés pour la circonstance. Depuis les premiers jours de la catastrophe naturelle, les responsables de la mairie de la Commune IV portent assistance aux sinistrés. Mais les besoins dépassent largement les seuls moyens de la municipalité. Les sinistrés vivent dans des conditions précaires. Le manque d’hygiène et la trop grande promiscuité font désormais partie de leur quotidien. Ainsi au groupe scolaire Aminata Diop, les 545 familles utilisent 9 latrines sur lesquelles 6 sont pleines à déborder.
UN FARDEAU DE DIEU. Dans ce cadre de vie presque misérable, nombre de sinistrés prennent leur infortune avec fatalité. « C’est un fardeau de Dieu. Nous ne pouvons que le porter. S’il le veut dès aujourd’hui, nous trouverons de meilleures conditions de vie », dit Awa, une mère de famille qui vit avec son mari et ses trois enfants dans une salle de classe aux côtés de voisins du quartier.
Avec les aides qui viennent d’un peu partout, la nourriture n’est plus le premier souci des sinistrés. Une seule question les hantent tous : « où allons nous aller à la rentrée des classes ? ».
La mairie de la Commune IV a évidemment pris la mesure de la situation d’urgence. Elle explore actuellement d’autres moyens de reloger les sinistrés. « Nous sommes à pied d’œuvre pour cela. Il ne faut pas que la rentrée des classes soit prise otage par l’occupation des classes. Nous sommes en train de prendre des dispositions pour faire reloger les sinistrés ailleurs. Pour ce faire, nous avons demandé et obtenu des autorités le terrain de football communal », annonce Issa Sidibé, adjoint au maire et président du comité de pilotage de la crise à la mairie.
Le site, annonce-t-il, sera aménagé avant d’accueillir les sinistrés. Les besoins auraient été évalués et transmis aux autorités compétentes pour cela. Des bâches et des tentes seront installées et le site sera doté de toilettes et d’électricité. Pour ce qui est de l’eau potable, les sinistrés pourront s’approvisionner dans les cuves qui seront installées. La mairie aurait déjà élaboré son programme de relogement. Mais elle attend des fonds de l’Etat.
DES FAUX SINISTRES. Issa Sidibé reconnaît que le travail est énorme. L’une de ses inquiétudes est l’identification des sinistrés. Selon l’édile, de nombreuses personnes se sont fait passer pour des victimes des inondations et ont, à ce titre, bénéficié indûment des aides. « Elles ont été par la suite démasquées et une équipe a été mise en place pour recenser toutes les familles sinistrées », explique l’édile.
Il assure que le nouveau site qui sera aménagé sera réservé aux « vrais » sinistrés. « Nous allons séparer les vraies victimes des profiteurs. Nous envisageons à l’avenir de demander à l’Etat de nous octroyer des parcelles destinées à recaser d’éventuelles victimes de catastrophe. Ces parcelles seront réservées uniquement aux propriétaires des maisons détruites. Pas à ceux qui sont en location. Mais pour l’instant tous les sinistrés seront admis sur le nouveau site », poursuit Issa Sidibé, saluant au passage l’accompagnement des responsables scolaires qui ne semblent guère importunés par la compagnie forcée des sinistrés.
« Cela peut arriver à nous tous. De toutes façons, nous sommes encore en vacances. Nous ne nous sentons nullement envahis par ces gens. Nous apportons notre part à l’élan de solidarité auquel ils ont droit », indique Djélimady Diabaté, directeur d’école au groupe scolaire Aminata Diop VIII.
De son côté, Issa Sidibé se réjouit de la dynamique solidaire que les inondations ont suscitée, tant du côté des autorités que des sociétés publiques ou privées et des Ong et autres organismes d’aide. L’aide est venue de partout en espèces comme en nature : de l’argent liquide, des vivres et des ustensiles de ménage, des habits pour enfants, des draps, etc.
A la date du 9 septembre, le comité de pilotage de la crise mis en place le lendemain par l’équipe communale avait enregistré 5,9 millions de Fcfa d’argent liquide et plusieurs tonnes de céréales composées de mil, de riz et maïs, d’importantes quantités de lait en poudre.
UN BON CLIMAT. La mairie n’est évidemment pas demeurée en marge de ce mouvement. Son apport dès les premières heures de l’inondation est estimé par ses responsables à plus de 20 millions de Fcfa. Ce budget a servi à l’achat de produits pour secourir les sinistrés dans l’urgence. « Des vivres ont été achetés et distribués la nuit même aux sinistrés par les services de la municipalité. Il y avait urgence. On ne pouvait pas attendre le lendemain pour cela. Un comité de crise fut aussitôt mis en place. Il est chargé de collecter les dons et de les acheminer vers les sinistrés. Ce comité est composé de toutes les sensibilités et des forces vives de la société, des représentant des sinistrés, du Haut conseil islamique, de la communauté chrétienne, de la Protection civile et de la Police également », détaille Issa Sidibé.
La distribution des dons est hebdomadaire à raison de 6 kg de mil, la même quantité de riz, de maïs et du sucre et du lait par personne. Dans les centres d’hébergement, un bon climat semble régner entre les familles. Celles-ci sont reparties en fonction de leurs affinités. Par exemple, celles qui étaient voisines ont été mises ensemble dans la même classe. Ce mode de répartition découle de la volonté des familles elles-mêmes, précise le sous-lieutenant Modibo Camara de la direction générale de la Protection civile. Des séances de sensibilisation sont organisées par Mme Diarra Kadiatou Traoré, animatrice de l’Ong Imadel (Initiative malienne d’appui au développement local) sur l’hygiène, l’eau potable et l’assainissement.