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Esclavage en milieu soninké : Les habitants de Bagamabougou donnent leur version des faits
Publié le jeudi 5 aout 2021  |  Le Pays
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Situé à environ 350 Km de la capitale malienne, à quelques 273 km de la capitale régionale Kayes, le village de Bagamabougou est dans le cercle de Diema et dans la commune de Madina Sacko. Le 3 mai dernier, des habitants ont quitté le village pour Bamako, selon ces derniers, ils sont victimes d’esclavage par ascendance sous l’œil complice des autorités locales. Nous sommes allés, en fin mai dernier, sur le lieu pour nous nous imprégner de la situation.

Nous sommes à environ 20 km de la route Route Nationale 1 et à une trentaine de km de Madina. Ici les habitants ne parlent que deux choses : esclavage et déplacés. « Nous étions en paix et dans la cohésion sociale jusqu’au jour où une frange de la population du village a voulu installer ce climat de conflit. Ici, personne n’est appelé esclave, personne n’est forcé à faire quoique ce soit, seulement nous avons des coutumes et nous y tenons », nous confie Sanga Sacko, fils du chef du village et 2ème adjoint du maire de Djema.

Selon ce même interlocuteur, l’esclavage a existé dans cette zone du Kaarta jusqu’à l’indépendance. Depuis, dit-il, il n’existe entre famille d’anciens esclaves et familles de notables, qu’une relation de fraternité.

Les coutumes qui font débat

Tout au long de notre détour dans le village, la version de Sanga est corroborée par d’autres habitants. Chacun parle des coutumes appelées « Laada ». Ces coutumes seraient, pour eux, ce qui tiennent le village, notamment le fait que des anciens propriétaires d’esclaves célèbrent leurs événements avec la main d’œuvre des familles d’anciens esclaves et vice versa. « Nous nous marions entre nous, chacun possède son champ et en fait ce qu’il veut » nous lance un villageois qui défend la version selon laquelle il n’y avait pas l’esclavage.

Qu’en est-il de ces habitants venant des familles d’esclaves ? Certains sont de la même famille que les déplacés venus à Bamako. Selon l’un des chefs de famille Camara, cette histoire ne tient pas du bout. « Je leur ai dit que tout ça me semblait suspect, ce sont les ressortissants du village installés en France qui ont voulu nous mettre dos à dos pour de l’argent. Sinon, nous entendions à merveille avant que Gambana fasse son apparition », laisse entendre M. Camara.

Le mot clé, c’est l’association Gambana qui signifie en soninké « Nous sommes les mêmes ». Beaucoup pensent que cette association que cette association qui a divisé les villageois. « Nous ne sommes pas contre l’égalité, nous sommes déjà dans cela depuis l’indépendance avec Modibo Keita » déclare Sanga Sacko. L’association Gambana, faut-il le préciser, a pour but de promouvoir l’égalité et la fraternité surtout en milieu Soninké.

Fousseyni Diarra nous rappelle qu’il était là quand Gambana faisait son apparition dans le village de Gambana. «Soukoudoun Camara et Bandjougou Diallo sont venus me demander d’intégrer une nouvelle association sous prétexte que nos coutumes seraient de l’esclavage et contre la religion musulmane. Je leur ai dit que je ne me voyais pas en esclavage et personne ne m’avait appelé un jour esclave », a-t-il laissé entendre.

Pour comprendre la cette société captivante, très simple, selon les villageois, c’est d’y aller. En manque cruel d’aide sociale de l’État. C’est la structuration exemplaire de la gestion des affaires du village et cela même à l’extérieur du pays, notamment la cotisation mensuelle. Il faut comprendre que l’économie de ce village est soutenue par les aventuriers résident un peu partout dans le monde, notamment en France et en Espagne. Ces cotisations permettent aux familles de bénéficier des services que l’État n’a pas su mettre à leur portée. Nous pouvons citer le centre de santé, la boulangerie, l’école fondamentale et les forages d’eaux.

Ibrahim Diakité de Sourangerou dont la photo avait été utilisée sur les réseaux sociaux pour dire qu’il aurait été forcé à être esclave, a démenti l’information. « Personne ne m’a forcé à être esclave, ce jour-là, c’était un événement et j’avais décidé de porter une corde au cou et nous avons pris ça pour dire autre chose. Je n’ai pas honte de dire que mes ancêtres étaient des esclaves, mais j’ai aujourd’hui une famille, un champ et je suis libre de faire ce que je veux. » C’est surprenant mais vrai. Une villageoise du nom de Hawa Camara nous dit qu’elle n’accepte pas la coutume qui est d’aller servir de main d’œuvre dans les événements des ‘’horon’’, « personne ne m’a appelée ´´djon’’, et je suis toujours dans le village, ici nous ne connaissons que cohésion et entente.»

Pour les administrateurs Abdoul Karim Bagayoko, directeur de l’école et Djeri Touré, directeur technique de l’hôpital, rien à signaler comme stigmatisation dans leurs établissements pour des raisons liées à une origine.

La version des personnes victimes de la pratique de l’esclavage par ascendance à Bamako

De retour dans la capitale, les propos sont différents. « Nous avons des preuves que l’esclavage sévit jusqu’à présent dans la région de Kayes et ce qui est grave, c’est que certains, notamment des personnalités cautionnent ou essayent de cacher ces actes…Nous ferons tout pour mettre la lumière sur tous les décès signalés. Je pense que l’État est aussi fautif, puisqu’il n’est pas présent ». C’est au tour des déplacés de Bagamabougou, installés à la Cité des Enfants de Bamako de donner leur version des faits. Le doyen Lamissa Diarra dira qu’ils ne sont pas venus à Bamako avec des personnes âgées pour simple plaisir. « Des gens ont été tabassés à mort, privés d’eau et de nourriture pendant des jours pour la simple raison qu’ils sont dans l’association Gambana, une association qui milite pour la promotion. A un certain moment de notre parcours hors du pays, il nous a été évident que certaines de nos pratiques étaient en opposition avec l’islam, c’est pour cela que nous avons refusé de les appliquer. »

Les deux camps sont plus que jamais dos à dos. Difficile de penser à une réconciliation à l’amiable d’autant plus que des poursuites sont en cours, malgré tout, les notables du village de Bagamabougou n’ont pas caché leur volonté de revoir un jour leurs ressortissants s’installer à nouveau dans le village. Et ils appellent les ONG et Associations humanitaires à aller à Bagamabougou pour découvrir les réalités de leur vie quotidienne. Aujourd’hui, l’on peut dire que les autorités doivent s’impliquer pour une sortie de crise, même si l’ancien ministre de la justice, Malick Coulibaly, avait envoyé une délégation d’enquête dans le passé.

Mamadou Bilaly Coulibaly, Actuel Média
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