Mi-juillet, mettant fin à de nombreuses semaines de spéculations, le chef de l’État français Emmanuel Macron a donc tranché en annonçant les grandes lignes du retrait partiel des quelque 5 100 soldats français de l’opération Barkhane, déployés au Sahel depuis 2014. Un retrait logique, mais à hauts risque. S’agit-il de la fin des illusions pour Barkhane?
Ce revirement qualifié « d’inéluctable et pragmatique » qui remet donc fondamentalement en cause l’engagement français au Sahel suscite en tout cas questions et incompréhension dans la région d’autant que les dernières attaques jihadistes le 4 août dernier dans la province de l’Oudalan sur les frontières entre Burkina Faso et Niger qui ont fait trente morts parmi les milices qui interviennent aux côtés de l’armée burkinabé, montre bien, s’il en était besoin, la volatilité de la situation sur le terrain.
Quelques jours auparavant déjà, le 31 juillet, dans la zone dite des « trois frontières », entre Mali, Burkina Faso et Niger, une attaque avait fait quinze victimes et six disparus parmi les forces de sécurité nigériennes. La guerre conjointe contre le terrorisme est loin d’être gagnée et le rêve de la création d’un vaste califat au Sahel semble de nouveau à portée de fusils des groupes armés.
Comment le retrait français va-t-il s’opérer ?
Malvenu ou non, le calendrier de la refonte drastique de Barkhane a été précisé par Emmanuel Macron en juillet parce que « nous n’avons pas vocation à rester éternellement au Sahel », a-t-il justifié, et ce retrait va commencer par la fermeture des bases du Nord-Mali, à Kidal, Tessalit et Tombouctou entre la fin 2021 et le début de l’année 2022. Le changement de paradigme militaire français devrait « à terme » conduire à réduire les effectifs d’au moins 40 % pour les ramener à 2 500 hommes dès 2022.
Il n’échappe à personne que cette stratégie du sauve-qui-peut est un pari risqué. Il consiste en l’abandon, ou presque, de toute une partie du Mali pour pouvoir se concentrer sur la progression des groupes armés au Sud notamment et, à terme, pour protéger les pays du golfe de Guinée - Côte d’Ivoire, Nigeria, Togo, par exemple - qui concentrent d’importants intérêts économiques. Bien plus important que le Mali.
Quel avenir opérationnel sur le terrain après ce décrochage important ?
Sur le terrain, à court terme, le relai va être remis entre les mains des Casques bleus de la Minusma dont les limites structurelle et juridique relèvent du secret de polichinelle à tel point qu’il est notoire qu’ils ne sortent que très rarement de leurs bases fortifiées.
La transformation de la stratégie antiterroriste pensée dès 2013 pour empêcher que le Sahel ne devienne un vaste camp d’entraînement jihadiste va donc reposer sur les opérations de forces spéciales Sabre et le balbutiant projet européen Takuba appuyés en théorie par la force conjointe du G5 Sahel, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mali et Mauritanie.
Si la stratégie des trois « D » « Diplomatie, Défense, Développement » a donc fait long feu au Sahel il était sans doute écrit que les 5 000 soldats français déployés sur un territoire de 5 millions de kilomètres carrés n’y pourraient cependant pas grand-chose.