L’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme au Mali, Alioune Tine, vient d’effectuer une mission dans notre pays du 26 juillet au 5 août 2021. Un séjour marqué par plusieurs rencontres, notamment avec le Premier ministre le 4 août dernier et des membres du gouvernement. A la fin de sa mission, il s’est dit préoccupé par la détérioration continuelle des droits de l’Homme dans notre pays et il a indiqué avoir bon espoir que l’ancien président de la Transition et son Premier ministre, respectivement Bah N’Daw et Moctar Ouane, vont bientôt recouvrer toute leur liberté.
L’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, M. Alioune Tine, a manifesté sa préoccupation par rapport à leur détérioration continuelle dans une déclaration faite à la presse hier jeudi à la fin de sa mission d’évaluation dans notre pays confronté à une crise multidimensionnelle depuis 2012.
«Nous sommes très préoccupés par la détérioration grave et continue de la sécurité qui a dépassé un seuil critique», a déclaré M. Alioune Tine. L’expert indépendant des Nations unies a décrit, dans le rapport de cette mission d’évaluation de 11 jours (dont des extraits ont été publiés sur ONU Info le vendredi 6 août 2021), «un État affaibli et impuissant qui assume difficilement son rôle régalien de protection des populations civiles face aux groupes armés qui essaiment dans tout le pays». Il est souhaitable que cette situation change absolument. «Il faut un sursaut national et une volonté inébranlable des autorités maliennes, avec le soutien actif de leurs partenaires, pour restaurer l’autorité de l’Etat et assurer la protection des populations civiles», a-t-il souligné. Et cela est d’autant urgent que la faiblesse de la protection des civils par l’État menace l’existence du pays.
«Lors des rencontres avec les autorités maliennes nous avons présenté nos sérieuses préoccupations quant à la détérioration continue de la situation des droits de l’homme», a déclaré à la presse l’expert indépendant qui a séjourné au Mali du 26 juillet au 5 août 2021 pour évaluer la situation des droits humains. Selon lui, les cas de violation des droits humains documentés au cours des six premiers mois de 2021 (soit 258 cas), représentent 88 % du nombre des cas signalés pour toute l’année 2020.
L’expert a rappelé que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a recensé au moins 48 exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires commises par les Forces de défense et de sécurité (FDS) du Mali entre le 1er avril et le 30 juin 2021. Un chiffre en hausse de près 55 % par rapport aux trois premiers mois de l’année en cours avec 31 cas documentés. «Il est grave de constater que les populations civiles subissent des violences aussi de la part des forces de défense et de sécurité du Mali qui sont sensées les protéger», a regretté M. Tine. «L’augmentation des atteintes aux droits de l’homme commises par les groupes armés et les milices communautaires est encore pire», a-t-il indiqué.
Au cours des six premiers mois de cette année, a déploré l’expert de l’ONU, la mission onusienne a documenté 474 enlèvements, soit six fois plus que l’année 2019 durant laquelle elle a enregistré 82 cas. Il a souligné que les ravisseurs sont principalement des groupes armés et des milices communautaires du centre du Mali (notamment la milice Dan Nan Ambassagou), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et d’autres groupes terroristes.
Au cours de cette mission, Alioune Tine a déclaré avoir constaté également une augmentation des «viols collectifs et autres violences à l’encontre des femmes… ainsi que l’esclavage par ascendance» dont les victimes sont de plus en plus nombreuses dans les régions de Kayes et Nioro. Pour lui, «la détérioration du respect de l’homme s’inscrit dans un contexte d’impunité généralisé des auteurs de ces violations et atteintes».
A la fin de sa rencontre avec le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga mercredi dernier, Alioune Tine a exhorté les autorités de transition à prendre des mesures rigoureuses contre l’impunité qu’il a comparé à «un fléau» qui crée un «cercle vicieux et décroche les populations de la confiance de l’État et des institutions».
«Certaines personnes rencontrées lors de cette mission ont exprimé de sérieux doutes sur la volonté politique des autorités maliennes de prendre des mesures concrètes pour garantir la sécurité des populations civiles», a indiqué Alioune Tine à la presse.
Et, a-t-il souligné, les autorités maliennes se sont engagées à prendre des mesures pour répondre à ces préoccupations et pour améliorer la situation des droits de l’homme. «Nous invitons donc les autorités maliennes à honorer leurs engagements. Cela permettra de rassurer et de restaurer la confiance des populations civiles et des nombreux interlocuteurs face aux institutions de l’Etat. Une priorité absolue doit être réservée par les autorités au traitement de la question préoccupante de l’impunité au Mali», a souhaité M. Tine.
Par rapport à l’assignation à résidence de certaines personnalités, notamment de l’ancien président de transition (Bah N’Daw) et de son Premier ministre (Moctar Ouane), l’expert de l’ONU a révélé qu’il les a rencontrés et qu’il espère une rapide levée de cette mesure. «Nous avons pu rencontrer l’ancien président Bah N’Daw et l’ancien Premier ministre Moctar Ouane qui sont toujours en résidence surveillée… Nous avons discuté avec les autorités maliennes sur le caractère illégal de cette situation et la nécessité d’y mettre fin dans les meilleurs délais. Nous avons pris bonne note des dispositions concrètes prises par les autorités maliennes allant dans le sens d’une prochaine libération».
L’Expert a également discuté avec les autorités sur le décès en détention dans des conditions non encore élucidées de l’individu arrêté pour tentative d’assassinat du Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, le jour de la tabaski (20 juillet 2021) à la Grande mosquée de Bamako. «Nous demandons aux autorités maliennes d’ouvrir une enquête approfondie, rapide et impartiale conformément aux obligations internationales pertinentes du Mali en matière de droits humains», a souhaité M. Tine.
Pour ce qui est des réformes envisagées dans le document (PAG), Alioune Tine a indiqué que la question de la refondation et des assises nationales pour «réinventer un nouveau Mali», lui semble «l’une des voies originales pour rebondir». Ainsi, a-il indiqué, «nous sommes aujourd’hui dans une très forte attente de la mise en œuvre des résultats de ces assises de la refondation», a déclaré Alioune Tine.
L’expert a souhaité que tous les acteurs fassent des efforts en synergie pour renforcer l’autorité de l’État. Il a également souhaité une mise en œuvre intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Pour lui, il est important de diagnostiquer les défis sur le terrain afin de trouver des réponses au fur et à mesure afin d’avoir une paix durable dans le pays.