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Lu pour vous / Une histoire de l’enseignement au Mali, Inattaquable inapplicable réforme de 1962 ? d’Oumar Issiaka Bâ
Publié le lundi 16 aout 2021  |  le sursaut
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© aBamako.com par FS
Conseil de cabinet du nouveau gouvernement de Transition du Dr Choguel Maïga
Bamako, le 13 juin 2021. Le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, a présidé son premier conseil de cabinet, le dimanche, à la primature avec tous les membres de son nouveau gouvernement réunis au grand complet.
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En nous le procurant, nous aurons, entre nos mains, un livre qui, à propos du débat sur notre système éducatif, propose une approche novatrice, tranchant nettement avec ce qui, d’habitude, se dit sur ce système. Le titre ne manque pas d’être suggestif : Une histoire de l’enseignement au Mali, Inattaquable inapplicable réforme de 1962 ?
Son auteur, Oumar Issiaka Bâ, le présente comme le tome 2 de son « mémoire de carrière » ; tome 2, car, en 2009, il avait publié Une histoire de l’enseignement au Mali – entre réforme et références. Cependant, à y regarder de près, le lecteur se rend compte qu’il ne s’agit pas d’une suite, mais, plutôt, d’une édition revue et augmentée.

L’auteur, quand il est question de l’enseignement au Mali, fait autorité, constitue une référence sûre. En effet, instituteur, professeur, inspecteur, directeur de l’enseignement fondamental, il a terminé une brillante carrière comme ministre de l’Education nationale. Admis à faire valoir ses droits à la retraite, il n’a pas, pour autant, cessé de mener des activités dans le domaine qu’il a choisi de faire sien : la formation de l’homme.

Parallèlement à ses réflexions sur notre système éducatif, dont, avec attention, il suit l’évolution, il a ouvert l’école fondamentale Mama Thiam prolongée, par la suite, par un lycée du même nom : deux établissements qui se veulent centre d’application de certaines innovations pédagogiques qu’il préconise.

Une Histoire de l’enseignement au Mali – Inattaquable inapplicable réforme de 1962 ? Comporte cinq parties précédées par une série de rappels historiques à travers lesquels l’auteur fait état « De la gestation d’une colonie à la naissance d’un Etat ». Il y est question d’un certain nombre de décrets informant sur la constitution de la fédération de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.), des modifications qu’elle a connues dans sa configuration notamment quand il s’est agi de déterminer les frontières du Soudan Français, des conflits que ces modifications n’ont pas manqué de provoquer ultérieurement.

Ces rappels sont d’une utilité certaine si l’on sait que notre jeunesse, ardente et avide de savoir, est, aujourd’hui à la recherche de repères. La lecture de ces pages lui permet de se ressourcer pour mieux connaître son pays. Du reste, ces rappels se terminent par un souhait : que le livre puisse servir de source d’inspiration, de « pistes novatrices originales de recherche », l’intention étant « d’améliorer […] le système d’éducation au Mali issu de la réforme de 1962 ».

Avant d’informer sur le contenu de cette réforme, l’auteur rappelle quelques réalités qui ont précédé son adoption : le « cadre politique et idéologique », les origines, « les caractéristiques d’un enseignement général répondant aux exigences de la formation technique et professionnelle spécialisée ».

Le rappel de ces réalités se conclut par deux interrogations : « Réforme et option socialiste ? », « Eduquer, pourquoi ˀ». Les deux interrogations sont suivies d’un premier constat relatif à une déviation par rapport à ce qui aurait dû être le but de l’éducation au Mali ; d’où le sous-titre « Ecole pour être fonctionnaire, pour apprendre une langue universelle ».

La deuxième partie s’intéresse à une étude approfondie de la réforme de 1962 : ce qu’elle est, ce que recèle son corpus, ses caractères généraux ; mais, surtout, les conséquences de son adoption et de sa mise en œuvre en termes d’acquis et d’inconvénients. Parmi les inconvénients : la précipitation de sa mise en œuvre, le relâchement de la discipline, le rôle négatif joué par les partis politiques, la fuite des cerveaux…

La troisième partie est consacrée à ce que l’auteur nomme « la Réforme Ré». Elle se présente comme le prolongement de la première mais avec de nouvelles orientations consécutives aux évènements survenus en novembre 1968.

Il s’agit, plus concrètement, des tentatives gouvernementales entreprises en 1970, « des expériences de liaison de la théorie et de la pratique souhaitée depuis 1962 et qui n’avaient pas pu être mises en pratique ».

Le souci de lier la théorie à la pratique se concrétise par la création de l’école ruralisée, « l’école de la Réforme Ré». L’auteur informe suffisamment sur « les tentatives d’amélioration de la qualité », « la politique d’éducation par le travail ou ruralisation », « les objectifs de l’éducation, objectifs globaux comme immédiats ».

La quatrième partie est consacrée à ce qu’est devenue l’école malienne après les évènements de mars 1991. Elle s’intitule « Le jet du bébé avec son eau de bain ». Le titre est, en lui-même, suffisamment explicite. Sans aucune analyse critique de l’existant, les nouvelles autorités, totalement déconnectées des réalités nationales, ont cru bon de faire appel à l’expertise étrangère pour réfléchir sur notre système éducatif. Il en est sorti un « monstre » appelé Nouvelle Ecole Fondamentale (NEF).

La NEF est présentée par l’auteur comme l’école de « la Réforme D ». Cette troisième réforme « aurait consisté à relire les textes de la réforme en cours » pour « en extraire ce qui ne paraissait pas convenable ». La conséquence : « plusieurs voix à l’intérieur du pays se sont dressées contre le projet de réforme Dé… » et « elle vécut le temps d’un mandat ministériel, celui de son initiateur ».

La cinquième partie se veut contribution à la solution des problèmes que connaît l’enseignement au Mali. Pour l’auteur, ces solutions consistent à revoir la Réforme de 1962, à la revaloriser à la rendre dynamique. Il s’agit d’« une proposition de réforme complète telle qu’elle devrait l’être en 1962. En termes clairs, il s’agira d’une école de développement après nos échecs retentissants en matière d’éducation, d’instruction même ».

Après « soixante-cinq ans de peine perdue pour le Mali à vouloir bec et ongle, un « enseignement de masse et de qualité », les solutions passent par « l’acquisition de la langue d’enseignement », une langue nationale et « la ruralisation de l’enseignement fondamental ou l’introduction du travail manuel à l’école fondamentale ».

En définitive, la lecture du mémoire de carrière d’Oumar Issiaka Bâ, Une Histoire de l’enseignement au Mali – Inattaquable inapplicable réforme de 1962 ? Est stimulante pour plus d’une raison.

Avec courage, l’auteur s’est attaqué à un texte qui, sans être suffisamment lu, a fini par être consacré comme parole d’Evangile : le texte de la Réforme de 1962. Sur ce point, l’auteur démystifie et démythifie. Ensuite, (le) mémoire permet de se faire une idée sur les différentes politiques de l’enseignement dans notre pays, de la période coloniale à l’époque actuelle en faisant ressortir les raisons pour lesquelles, des tentatives d’assimilation aux tentatives d’une éducation qui décolonise les mentalités, les objectifs ne furent pas atteints.

La Réforme de 1962 a péché pour n’être pas allée jusqu’au bout des efforts à fournir afin d’atteindre les objectifs qu’elle s’était assignés.

La « Réforme Ré » qui aurait pu être la solution n’a pas atteint ses objectifs à cause du maintien du français comme langue d’enseignement, mais, surtout, de l’hostilité des autorités de la Troisième République vis-à-vis de tout ce qui a été conçu et mis en œuvre par les régimes qui se sont succédé de novembre 1968 à mars 1991.

Enfin, la « Réforme Dé » a été un fiasco parce que, conçue par des hommes non au courant des réalités nationales, elle a fait l’objet d’un rejet unanime de la part des populations.

L’intérêt majeur de la lecture de ce mémoire réside dans le fait que son auteur ne se limite pas à passer au crible les insuffisances des différentes réformes, il termine par deux propositions concrètes pour réussir la création de « l’Ecole du développement » : dispenser l’enseignement dans la langue déjà assimilée par les apprenants, faire de l’école le lieu où la théorie se prolonge par la pratique.

En un mot, faire des langues nationales, des langues d’enseignement ; ruraliser l’enseignement à l’école fondamentale et nous ajouterons : pourquoi ne pas les généraliser à l’enseignement secondaire où, une décennie durant, de 1980 à 1989, ils ont donné des résultats très encourageant ?



Issiaka Ahmadou Singaré

Docteur d’Etat-ès-Lettres

Professeur émérite de l’Université de Bamako
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