Sur la quarantaine d’affaires inscrites au rôle de cette session, 24 entrent dans cette catégorie
La cour d’Assises en transport à Ségou a ouvert sa session le lundi 9 septembre, en présence du gouverneur de la région, Thierno Boubacar Cissé et plusieurs hautes personnalités politiques, administratives et des représentants de la société civile. C’était dans la salle de conférences archi-comble du Conseil régional. Une quarantaine d’affaires sont inscrites au rôle de cette session. Dont 24 cas de crimes de sang, 15 cas d’atteinte aux mœurs et un cas d’intérêt civil.
Dans son intervention, le procureur général de la République, Daniel Amagouin Tessougué, après avoir fait observer une minute de silence à la mémoire de Mama Diarra président de la Cour correctionnelle et décédé il y a un mois, a rappelé que les assises sont l’expression de la voix du peuple souverain au nom de qui la justice est rendue. D’où un besoin de décisions de qualité de nos juridictions et surtout celle des présentes assises.
Quand les délinquants sont assurés de l’impunité, a rappelé le PG, ils empruntent le haut du pavé pour que les honnêtes citoyens rasent le mur. Pire, il n’est pas rare d’entendre les délinquants dire que « l’argent va tout régler » et ils se comportent en conséquence pour faire prospérer le phénomène de la justice privée à travers les vindictes populaires ou autres pogroms. Daniel Amagouin Tessougué a résumé sa réflexion en recourant à un proverbe chinois qui affirme : « quand le désordre est partout, la prospérité n’est nulle part ».
Parlant de la situation de notre pays depuis l’occupation dernière le Procureur général dira que « le Mali est devenu en l’espace de quelques années un pays de toutes les perversions : vendre le bien d’autrui, tuer, voler, prendre la place d’autrui, spolier sans risque d’être puni à condition d’avoir les bras longs ». Il a déploré les exactions subies par nos frères de Tombouctou, Bourem, Gao, Ansongo, Kidal, Douentza, Tenenkou et salué le sacrifice ultime consenti par les jeunes soldats pour la reconquête du Nord.
Daniel Amagouin Tessougué ne s’est pas privé de critiquer l’attitude de certains acteurs du pouvoir judiciaire, qui oublieux de leur serment et des simples règles de déontologie s’érigent en nouveaux terroristes à l’égard des pauvres et des faibles. Le premier président de la Cour d’assises, Moussa Sara Diallo a illustré son message par une exhortation bambara de Ségou qui dit « tu ne mangeras pas le tô de ton frangin ».
Autrement dit, « tu ne toucheras jamais frauduleusement aux biens d’autrui ». Me Issaka Kéita, bâtonnier, a mis l’accent sur la disponibilité des avocats à bien jouer leur partition au cours des différentes audiences.
C’est par une affaire de coups mortels que la session a débuté ses travaux. Elle a opposé le ministère public à Koniba Koné. L’audience était dirigée par le premier président de la Cour d’assises, Moussa Sara Diallo avec au banc du ministère public Idrissa Arizo Maiga. Nous sommes le 15 novembre 2010 dans le village de Kanguelabadala dans la commune rurale de Kadiana, cercle de Kolondiéba. Deux frères, Moumine Koné et son cadet Koniba, avaient acquis un filet de pêche et travaillaient ensemble pour renflouer la caisse familiale.
Tout marchait à merveille jusqu’au jour où Koniba s’en alla informer sa mère qu’il avait l’intention de réclamer sa part d’argent sur les recettes des opérations de pêche, estimées à 15.000 Fcfa. Il expliqua que la fête approchait et qu’il avait un besoin pressant d’argent. La mère a tenté de dissuader son fils, lui rappelant que l’amour de l’argent pouvait être très mauvaise conseillère. Mais les conseils de la maman tombèrent dans l’oreille d’un sourd. Le cadet s’arma d’un couteau et partit à la recherche de son frère. Il trouva ce dernier en train de causer avec ses amis.
Comme pour prendre ces derniers à témoin, Koniba exposa de manière abrupte et presque arrogante son problème. Cette attitude provocante mit le grand frère dans une colère noire. Il se leva brusquement avec l’intention d’infliger une correction mémorable à l’insolent. Koniba qui gardait les yeux braqués sur son frère attendit l’assaut de pied ferme. Il fallut l’interposition de l’assistance pour éviter une confrontation physique entre les deux frères. Mais ce ne fut que partie remise.
Moumine n’avait pas digéré ce qu’il considérait comme un défi intolérable. Il s’élança donc à nouveau et cette fois-ci, l’affrontement ne put être évité. Koniba porta plusieurs coups de couteau à son aîné qui s’écroula, blessé à mort. Koniba retourna en famille sans daigner même jeter un coup d’œil à son frère agonisant. Ce ne fut que lorsqu’il fut interpelé par les services de sécurité qu’il évaluera la gravité de son acte.
A la barre, la mère âgée de 50 ans a supplié la Cour à se montrer indulgente vis à vis de Koniba, le seul être cher qui lui reste. Elle a qualifié l’acte de son garçon comme un un fait de Dieu, car avant ce drame les deux frères ne s’étaient jamais disputé. La Cour l’a entendu et a condamné Koniba à trois ans de prison. Il devrait toutefois retrouver sa mère et ses camarades du village dans environ deux mois. Il a en effet déjà passé deux ans et dix mois derrière les barreaux.
La deuxième affaire a été renvoyée à la prochaine session pour raisons de citation et complément d’information. Elle concerne une atteinte aux biens publics opposant le ministère public à Zoumana Diaby pour un détournement de plus d’un milliard de francs CFA au préjudice de l’hôpital Gabriel Touré. La troisième affaire tranchée ce jour était un second cas de coups mortels incriminant Sidi Diallo.