J’ai d’abord échappé au funeste bien que comique sort d’un personnage de la chanson de Brel (Jacques), «Ces gens-là», à savoir la mort par glissade. Mon petit compagnon de marche lui est encore marqué par ma capacité de me ressaisir, de ne pas tomber, par ma maîtrise de mouvements incontrôlés.
Je suis sûre que ça a déjà ou va alimenter la légende sur «la mamie en forme» qui tape dans le ballon, escalade, saute ; dont le chat parle et qui n’aime pas qu’on coupe les feuilles des arbres ; mais qui a toujours des bonbons et dont la bonne humeur est légendaire. Même si ses colères sont également «mémorables et rigolotes». Il faut dire que, la sueur séchée et le mouvement de panique passé, j’ai fait la brave. Tiens, mon papa me qualifiait souvent de brave ! Après cet épisode et alors que mon petit compagnon et moi cheminions gaiement, nous passons devant une banque.
Le petit, tout en s’appliquant, lit «EDM» ! J’ai frissonné, j’ai cherché le logo d’EDM (Energie du Mali) avant de voir le doigt du petit pointer vers le logo d’une banque, que je ne citerai pas, mais qui a juste le M en commun avec EDM. Rien d’autre. Sourire amer ! Puis je l’ai juste corrigé, comme si de rien n’était, et nous avons continué notre chemin aux multiples embûches
Nous nous sommes faits asperger d’eau sale par un motocycliste qui tentait d’éviter les trous tout en échappant à une voiture qui elle-même avait les mêmes objectifs que le motocycliste, mais qui tentait d’échapper à un camion. Pendant que nous marchions, mes pensées m’ont mené à mon parcours, à ma vie, à mon quotidien. Aussi chaotiques parfois que la marche du jour. Je me suis certes sentie forte, courageuse et brave comme dirait mon papa, mais j’ai eu du mal à comprendre, que la vie, le quotidien, soient semés de tant d’embûches pour quiconque a un peu de lucidité.
Si j’étais morte par glissage, certains auraient souri et dit : ah oui, KKS elle n’aurait pas pu nous réserver une mort plus marrante ! Effaçant ainsi les bêtises des uns et des autres, ayant directement causé ma mort. Il parait que lors de l’aménagement des routes, des budgets sont prévus pour les trottoirs et les caniveaux, mais que cet argent, ajouté à celui ôté au goudron, est transformé en grosses voitures, en appartements au Canada, en séjours dans des 5 étoiles ou plus dont rien que la robinetterie de la salle de bain intimide.
Aussi si la glissade m’avait été fatale, pour prouver leur respect et leur amour, certains choisiraient une de mes nombreuses photos et en feraient provisoirement celle de leur profil. On se demanderait où elle habite, où allons-nous présenter les condoléances en comité plein de curieux. Mes proches découvriraient, le temps des obsèques, que mine de rien Tétou avait une petite célébrité et même en des lieux et au sein de milieux semblant aux antipodes de ce que fut sa vie.
Des personnes, que je ne vais pas citer et que je ne vois jamais, qui ne connaissent ni mes joies ni mes peines, se présenteraient en organisatrices de mes funérailles et montreraient aux VIP qui viendraient éventuellement à mes obsèques qu’elles ont «toujours été là pour moi» alors que ni elles ni les VIP ne l’auraient jamais été. Mais, en cas de glissade fatale, mes pensées iraient surtout vers ces personnes avec qui j’ai un lien si fort que leur tristesse me toucherait dans l’au-delà. Des proches ?
Oui, mais parfois et souvent des inconnus dont pourtant l’amour et l’estime sont si fort qu’ils sont palpables. Vous savez, ceux-là grâce à qui, de temps en temps, mon plus beau souvenir revivrait. Oups, je m’égare dans mes funérailles suite à une glissade fatale !