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Chronique du Mali – Lutte contre l’impunité: Volonté politique réelle ou saupoudrage ?
Publié le mardi 31 aout 2021  |  Le Républicain
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© aBamako.com par FS
Conseil de cabinet du nouveau gouvernement de Transition du Dr Choguel Maïga
Bamako, le 13 juin 2021. Le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, a présidé son premier conseil de cabinet, le dimanche, à la primature avec tous les membres de son nouveau gouvernement réunis au grand complet.
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« Quand la politique entre par la porte, le droit sort par la fenêtre », disent les avocats. Et Me Demba Diallo, dont j’ai eu la chance de suivre les envolées verbales, lors des conférence-débats que le centre Djoliba savait organiser, les années 1988-90, en prélude à la prise de conscience individuelle et collective qui se traduisit par l’éclosion des associations et organisations prônant le pluralisme démocratique, aimait dire et répéter que l’avocat, cet homme de droit, « est un animal politique ».
L’étroitesse entre politique et droit ne se limite pas à cette inclinaison politique de l’homme de droit, mieux, la justice est une dépendance de la volonté politique.



Les arrestations, inculpations et dépôts à la maison centrale d’arrêt (MCA) et au Centre spécialisé de détention, de rééducation et de réinsertion pour femmes et enfants de Bollé, semblent sonner l’ouverture d’une saison transitionnelle de lutte contre l’impunité, la corruption, l’enrichissement illicite et le blanchiment politique des biens mal acquis. Ces arrestations de personnalités militaires, politiques et membres du gouvernement, pour ne citer que les cas les plus emblématiques de l’ancien patron de la sécurité d’Etat Moussa Diawara, de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga (ancien ministre de la défense et des anciens combattants), et de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, traduisent-elles une volonté politique réelle ou un saupoudrage ? Adama Sangaré en prison, vive Adama libre… re-prison pour Adama, le peuple médusé reste perplexe sur ce jeu jugé « de dupe ».

Sur la liste noire des nominés pour la MCA de Bamako, et dont les enquêtes vont s’ouvrir figurent, selon des sources généralement bien informées, Dr Boubou Cissé, ancien Premier ministre du président IBK, notamment pour un marché de près 100 milliards de francs CFA portant sur la carte NINA, ainsi que pour une affaire foncière de Hady Niangadou dit Djo Walaki. Vrai ou faux ? Le nom de Amadou Cissé, qui serait un frère à Boubou Cissé, se rapportant à la société de gestion et d’intermédiaire (SGI) par laquelle aurait transité en 2019, environ 116 milliards de FCFA provenant des fonds de l’Etat malien. Vrai ou faux ? A cela s’ajoute le dossier sulfureux de B2Gold où l’ancien PM Boubou Cissé aurait nommé son cousin Mohamed Diarra : de conseiller au ministère des mines, en charge de ce dossier à DG de B2Gold au Mali. Vrai ou faux ? Si cela est avéré, c’est l’exemple type de conflit d’intérêt, un piétinement sans vergogne de l’intérêt général. Autre dossier impliquant Boubou Cissé, last but not the least, celui de l’Agence de Gestion du Fonds d’Accès Universel (AGEFAU) pour vérifier la gestion de Aguibou Tall, patron de cette structure. Selon des sources, des dossiers comme ceux des avions cloués au sol, ou des engrais dits « frelatés », ne sont qu’en stand by. On cite également des dossiers d’achat de véhicules au ministère de la défense, impliquant de hauts gradés dont le DFM de l’époque en complicité avec un commerçant du nom de Checkna Sylla, frère de feu Bakorè Sylla.

Tout cela parait incroyable pour le Malien lambda, le peuple qui observe et ne croit en rien qu’à la finalité. Comme d’habitude, arrestation… libération, et on recommence sans jugement sérieux, sans condamnation. Et certains vont plus loin, en soutenant que c’est une trouvaille de Choguel Kokalla Maïga pour prolonger la transition. Volonté politique réelle pour mettre fin à l’impunité ou propagande populiste? L’avenir le dira pour ceux qui seront encore là.

Le 28 décembre 2019, le Réseau Media et Droit de l’Homme (RMDH) procédait au lancement de sa commission Bonne Gouvernance et Justice sociale au Radisson Blu, où la question centrale était l’inquiétude des populations, qui s’interrogent sur la sincérité des autorités : « la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite est elle une volonté politique réelle ou une duperie ? ». Le duo Malick Coulibaly et Mamoudou Kassogué, respectivement ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et Garde des Sceaux, et procureur de la République près du Tribunal de Grandes Instances de la Commune III (Pôle économique) avait su en cette période, redorer le blason de la Justice malienne et faire renaitre l’espoir au sein de la population malienne en proie au fatalisme de l’injustice éternelle des pouvoirs publics. Non, répondait le procureur du pôle économique, Mamoudou Kassogué – en présence des représentants du Bureau du Vérificateur général (BVG), de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI), de feu le président de la Cellule Nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) l’ancien ministre Samoura Marimpa etc- « La lutte qui est engagée contre la corruption au Mali n’est pas une duperie, c’est une réelle volonté politique. Cela est patent en ce sens qu’on ne devrait pas faire de confusion entre les obstacles légaux et les obstacles opérationnels volontairement posés pour empêcher l’action d’aboutir », élucidait le procureur de l’épode, Mamoudou Kassogué, aujourd’hui ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux. « … Sans démagogie, il n’ya pas d’obstacles, nous arrivons à travailler sans aucune contrainte. A notre niveau, il n’y a pas de pression d’ordre politique, d’ordre social. Il n’y a pas de justice sélective. Au delà des obstacles légaux qui sont là, le reste du travail se fait de façon correcte. Il y a des gros poissons qui sont tombés, des moins gros qui sont tombés, d’autres continuent à tomber, d’autres sont dans les pipe-lines. Nous sommes dans une dynamique où nous ne choisissons pas l’affaire qui doit être traitée à l’instant ‘’T’’. Tout dépend de l’évolution des enquêtes. On gère les affaires qui arrivent à maturité à l’instant où on doit agir. Chaque dossier a sa réalité. Il n’ya pas de dossier sélectif. Tout dossier qui nous sera soumis sera l’objet d’un examen, s’il y a des charges, il y aura des poursuites, s’il n’y a rien on dira qu’il n’y a rien parce qu’on n’est pas dans l’acharnement. On ne cible pas que les gros poissons. Nous traitons les affaires qui sont sous les mains. On travaille tous les jours, il n’ ya pas de répit. Le mal est profond, la demande est forte », clarifie Mamoudou Kassogué, à l’époque procureur du Tribunal de la Commune III, en duo avec un ministre appelé Malick Coulibaly. A cœur ouvert, le procureur touche du doigt, l’imperfection des textes, objet des obstacles légaux : « Nos textes doivent être revus. Le Mali devrait aller à l’élaboration d’une politique nationale de lutte contre la corruption et à une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Parce qu’autant on aura besoin de recouvrer ce qui a été volé, autant on aura besoin de sanctionner pour l’exemplarité. La sanction est un acte de prévention », disait-il pour nous aider à comprendre certains actes de souplesse au regard des populations avides de justice sociale et de justice tout court. En tout cas, il n’y a pas pire obstacle à la cohésion sociale et à la réconciliation nationale que l’injustice et l’impunité, qui continuent de fournir un terreau fertile à l’insécurité par la radicalisation et le recours au terrorisme. Ces maux qui entrainent une insécurité rampante, plombent l’éducation, la production, le commerce et la croissance, ne nous coutent-ils pas plus chers que la justice ?

B. Daou
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