La poussée de fièvre dans les rangs de la police, vendredi après-midi, suite à l’arrestation du chef de la Forsat est une conséquence du corporatisme exacerbé auquel nous assistons depuis quelques années dans notre pays. Plusieurs corporations ont créé des syndicats puissants, exclusivement dédiés à la «défense des intérêts matériels et moraux» de leurs adhérents. Après avoir réussi à imposer des statuts taillés sur mesure, ils en arrivent à des affrontements qui paraissent inéluctables.
Car la puissance recherche toujours une opportunité pour se manifester et, à l’occasion, s’imposer. Aux syndicats des magistrats exigeant le retour du commissaire divisionnaire en prison, ceux des policiers répondent en pointant «une erreur judiciaire» et affichent leur détermination à défendre leur corporation.
Le Mali a-t-il sauté de plain-pied dans la République des syndicats ? Difficile de répondre catégoriquement par l’affirmative. Même si le pouvoir politique semble marcher sur des œufs pour trouver une solution au face-à-face de ces syndicats représentant certains piliers de la puissance publique. La crise du corporatisme est très profonde dans notre pays. En sortir, n’est pas un travail d’un seul jour. C’est pourquoi, les autorités actuelles ont du pain sur la planche.
Les syndicats semblent voir pris goût, depuis fort longtemps, à la toute-puissance face à des pouvoirs politiques, très souvent, peu portés sur la volonté de trancher dans le vif. L’action syndicale n’a presque personne à qui parler pour brider ses ardeurs.
Or, une puissance qui n’a rien en face résiste difficilement à des excès. D’où la propension des corporatistes à faire peu de cas des conséquences de leurs actes sur la population. Dans leurs communiqués, au ton très souvent comminatoire, difficile de trouver une seule ligne exprimant le souci pour la qualité du service rendu à la population. Tant pis pour le caractère sacerdotal du service public.
Certains en oublient même qu’ils sont au servide de la communauté nationale à laquelle ils doivent tout : études, salaires, instruments qui leur donnent le sentiment d’être tout puissants.
À propos des grèves qu’ils déclenchent régulièrement, le qualificatif de «sauvage» s’impose immanquablement à l’esprit. Comment la population perçoit ces arrêts de travail au long cours ? C’est le cadet des soucis. Et les griefs régulièrement formulés par les citoyens contre les mauvais comportements de certains ? De simples récriminations ne méritant pas une attention particulière.
Il est utile de rappeler que le ressentiment du peuple contre les injustices et les brimades constitue un volcan qui peut sommeiller pendant longtemps. Avant une violente éruption inéluctable. Il n’est pas non plus superflu de rappeler que travailler pour la communauté nationale et s’exonérer de son appréciation est une posture pas très convenable.
La crise dans notre pays se caractérise par des divisions profondes qui semblent s’être installées à demeure. Le cœur battant de l’État n’est pas épargné. Pour que force reste à la puissance publique et pour assurer la cohésion de la communauté nationale, certaines corporations sont dotées de moyens de coercition qu’elles n’hésitent pas à mettre au service de la défense de leurs «intérêts matériels et moraux». C’est chacun pour sa corporation et personne pour la communauté. En oubliant qu’une communauté forte et soudée est une garantie pour la prospérité des corporations.
Nos divisions ne font qu’affaiblir l’État au moment où celui-ci a besoin de se renforcer, avec la contribution de tous les citoyens, pour faire face à un autre péril qui menace dangereusement la République dans sa forme garantissant la liberté de culte à chaque Malien. Pendant que l’on se crêpe les chignons à Bamako, des pans entiers de l’arrière-pays passent sous le joug des groupes armés adeptes d’un islam rigoriste.
Des populations, sans défense, sont contraintes de faire allégeance aux porteurs d’un projet d’obédience islamiste. Ces derniers ferraillent inlassablement contre l’État républicain et se sentent pousser des ailes par l’actualité.