SociétéMama Sampana, marabout et leader d’association, sur la situation sécuritaire dans le cercle de Djenné : « Nous nous sentons abandonnés par l’Etat… »
C’est à Mama Sampana, marabout, membre du Conseil local de la jeunesse de Djenné que nous avons tendu notre micro dans le cadre de notre rubrique « A vous la parole ». Avec lui, il a été question de la situation sécuritaire dans le cercle de Djenné.
Le Pays : Vous êtes Mama Sampana, marabout très connu dans le cercle de Djenné. Vous êtes membre du Conseil local de la jeunesse de Djenné. Vous êtes également un des soutiens phares aux chasseurs (Dozos) dans le cercle de Djenné. Vous avez joué et vous continuez à jouer un rôle prépondérant dans la stabilisation de Djenné. Alors comment est la situation sécuritaire aujourd’hui dans votre cercle ?
Mama Sampana : Avant tout propos, je tiens à préciser que le cercle de Djenné est composé de 12 communes, à savoir : Djenné ; Dandougou Fakala ; Dérary ; Fakala ; Femaye ; Kewa ; Madiama, Néma Badenyakafo, Niansanari ; Ouro Ali ; Pondori et Togué Mourari. Aujourd’hui, la situation sécuritaire est catastrophique à Djenné. Presque toutes ces communes sont en insécurité grandissante du fait des groupes terroristes. Chaque jour, ce sont des villages qui sont attaqués. Les terroristes attaquent les paisibles citoyens, même dans les mosquées. Ils tuent, volent et détruisent des biens.
Les personnalités connues sont leurs cibles principales. Elles sont tuées jusque chez elles. Parmi les 12 communes, seules Djenné et Ponderi sont fonctionnelles. Toutes les autres sont invivables à cause de l’insécurité. On peut dire que c’est tout Djenné qui ne fonctionne pas, car même ceux qui sont dans la ville de Djenné ont leurs biens dans les autres communes inaccessibles. Du coup, ils perdent tout. Ces trois derniers mois, plus de 3000 bœufs des habitants de Djenné ont été emportés par les terroristes. A Sirimou, un village situé à 5 kilomètres de Djenné, plus 400 bœufs ont été emportés. Aujourd’hui, les agriculteurs ne peuvent pas aller dans leur champ par peur d’être tués par les forces du mal. Le commerce est presqu’à l’arrêt. Aucun commerçant n’ose aller de commune en commune. La pêche aussi ne fonctionne plus. L’élevage est presqu’impossible, car les terroristes sont en train de voler les animaux des populations. Bref tout est à l’arrêt. La famine est à notre porte. Nous ne sentons pas l’Etat.
Les terroristes sont-ils de la localité ?
Nous ne connaissons pas qui sont les terroristes. Ils sont venus pour nous imposer cette insécurité. Ils ne parlent que la langue peulhe. Mais je tiens à préciser que dans le cercle de Djenné, il n’y pas de conflits intercommunautaires. Nous ne sommes victimes que de l’insécurité imposée par les terroristes et de l’absence de l’État. Sinon la jeunesse de Djenné est soudée, elle est unie et travaille comme un seul homme. Tout ce dont nous souffrons aujourd’hui, c’est le refus de l’armée malienne de combattre les terroristes dans notre zone.
La jeunesse de Djenné a marché, il y a semaine. Quelles sont les raisons de cette manifestation ?
Nous avons marché parce que nous nous sentons abandonnés. Les terroristes attaquent les populations, tuent les gens, volent leur bétail, détruisent leurs biens sans que l’État qui est censé sécuriser les populations et leurs biens, n’interviennent. C’est l’armée qui est censée nous sécuriser, mais ce n’est pas le cas chez nous, à Djenné. Notre sécurité aujourd’hui, nous la devons aux chasseurs qui, malgré leur maigre moyen, se battent pour nous.
Il est regrettable mais je vais vous le dire : lors de certaines attaques contre des villages, on fait appel à l’armée malienne, mais celle-ci refuse d’intervenir, elle refuse de se battre contre les forces terroristes. Nous avons dénoncé ce comportement au cours de notre marche. Ce n’est pas tout, nous avons également demandé, pour la réussite de la lutte contre l’insécurité, la collaboration entre l’armée malienne et les chasseurs. Ils doivent travailler ensemble. Si le terrorisme est vaincu demain, les chasseurs retourneront dans leur champ pour cultiver. Il faut que l’État comprenne cela. Nous avons également demandé aux autorités de prendre aux sérieux la situation à Marrébougou. Ce village a été attaqué à une dizaine de fois. C’est là où se trouve le danger. Si les terroristes arrivent à dominer ce village, ils vont entrer à Djenné. C’est pourquoi, nous sollicitons l’installation urgente d’un camp militaire à Marrébougou. On n’aura la paix dans le cercle de Djenné que lorsqu’on aura un camp dans cette localité. Il faut que l’État songe à cela. L’installation de ce camp est nécessaire. Nous avons également fait une autre demande, c’est l’équipement des chasseurs. Si les militaires n’arrivent pas à assurer notre sécurité et s’ils refusent de collaborer avec les chasseurs, il faut que l’État donne les moyens nécessaires à ces chasseurs pour qu’ils assurent notre sécurité.
Et si vos doléances ne sont pas prises en compte ?
Nos revendications sont légitimes et nous sommes dans notre plein droit de réclamer la sécurité. Nous sommes sortis pour la première fois sans casses ni injures. Si nous ne sommes pas écoutés, nous allons encore sortir pour réclamer notre droit. Et si nous ne sommes pas écoutés, nous allons bloquer la RN15 à partir du carrefour de Djenné. Personne ne pourra partir à Bamako ni à Mopti, en tout cas pas en traversant le carrefour de Djenné. Nous n’allons pas accepter que l’Etat continue à nous ignorer. Nous voulons la sécurité. La sécurisation des populations et leurs biens reviennent à l’Etat, et non aux chasseurs.
Dernier mot
La jeunesse de Djenné est soudée. Il n’y a pas d’amalgame entre les communautés. Notre seul problème, c’est que nous sommes victimes de l’insécurité et nous sommes abandonnés par l’Etat. Le gouvernement n’assume pas ses responsabilités. Et nous demandons à ce qu’il joue complément son rôle.