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Lutte contre l’enrichissement illicite : le président de l’OCLEI dit tout !
Publié le mercredi 8 septembre 2021  |  zireinfo
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© aBamako.com par FS
Table ronde sur l`accès des victimes à la justice organisée par Freedom House
Freedom House a organisé une table ronde sur l`accès des victimes à la justice le 24 Décembre 2015 à l`INRSP). Photo Moumouni Guindo
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‘’La Grande interview du mois’’, votre rubrique mensuelle de l’hebdomadaire d’analyses, d’enquêtes et d’informations générales ‘’Ziré’’, en collaboration avec le site d’informations générales ‘’www.afrikinfos-mali.com’’, reçoit en ce mois de septembre 2021 le docteur Moumouni Guindo, président de l’Office central de Lutte contre l’Enrichissement illicite (OCLEI). Dans cet entretien, nous abordons les missions de l’OCLEI ; les démarches relatives à la déclaration des biens ; les personnes assujetties à cette déclaration… Lisez donc !




Bonjour monsieur le président, présentez-vous à nos fidèles lecteurs.

Je m’appelle Moumouni GUINDO, magistrat, docteur en droit. Je suis le Président de l’Office central de Lutte contre l’Enrichissement illicite (OCLEI). Je fais partie des trois magistrats désignés par le Président de la République.

Parlez-nous des rôles et des missions de l’OCLEI !

L’OCLEI est une autorité administrative indépendante créée par l’Ordonnance n°2015-032 du 23 septembre 2015. C’est l’institution nationale de lutte contre la corruption. C’est un outil d’amélioration de la gouvernance publique. A ce titre, l’OCLEI a pour mission « de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de lutte envisagées au plan national, sous régional, régional et international contre l’enrichissement illicite ».

Il réalise des activités de prévention à travers l’information et la sensibilisation des populations et à travers des appuis aux services publics pour les aider à renforcer leurs procédures internes. Il mène aussi des enquêtes sur des cas présumés d’enrichissement illicite et transmet ses rapports d’enquête à la Justice. Il œuvre à l’amélioration de la coopération, de la collaboration et de la complémentarité des structures de lutte contre la corruption au niveau national et international. Enfin, l’OCLEI procède à des analyses et à des études qui lui permettent de proposer des mesures d’amélioration du système et des mécanismes de lutte contre l’enrichissement illicite au Mali.

L’OCLEI est-il vraiment efficace pour mener une lutte implacable contre l’enrichissement illicite au Mali ?

L’efficacité de l’OCLEI pour mener une lutte implacable contre l’enrichissement illicite tient à deux choses.

La première – qui est déjà un acquis – résulte de la loi qui a conféré à l’enrichissement illicite le caractère d’infraction en tenant compte du fait que la finalité de toutes les malversations financières et autres pratiques illicites dans l’administration publique est l’enrichissement de leurs auteurs. Quand on sait que l’enrichissement se traduit par la possession de divers biens par une personne et le train de vie que cette personne mène, donc des choses visibles en sa possession, il va sans dire qu’il est plus facile de faire le lien entre la richesse de cette personne et ses revenus légitimes. Donc, la spécificité de l’OCLEI est de traquer les biens illicites se trouvant entre les mains des délinquants financiers pour permettre à la justice de les saisir et de les confisquer au profit de l’Etat. Par conséquent, l’efficacité de l’OCLEI dans la lutte contre l’enrichissement illicite réside dans le recouvrement des biens dont la population a été spoliée.

La seconde chose dépend du soutien et de l’accompagnement des hautes autorités et de la population à l’OCLEI pour mener à bien sa mission.

Qu’en est-il avec la loi sur l’enrichissement illicite ?

La Loi n°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite est et demeure en vigueur. En 2018, le Gouvernement a mis en place une commission chargée de procéder à la relecture de la loi, afin d’identifier les éventuelles difficultés et insuffisances issues ou constatées dans sa mise en œuvre. La commission a élaboré des projets de lois et de décrets sur l’enrichissement illicite. Ces projets de textes sont sur la table du Gouvernement. Il faudrait signaler ici que l’OCLEI n’était pas membre de cette commission.

Quelles sont les différentes catégories de fonctionnaires et personnes concernées par la déclaration des biens ?

La déclaration de biens est une mesure préventive pour dissuader les personnalités assujetties à cette obligation de s’enrichir illicitement. Elle concerne essentiellement les agents publics, élus et fonctionnaires, désignés suivant leur responsabilité dans la gestion des ressources financières, dans l’exercice de l’autorité publique et dans l’exposition de leurs fonctions à des risques de corruption.

La liste des personnalités concernées est donnée par l’article 9 de la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. Elle concerne, entre autres, les ministres, les magistrats, les directeurs nationaux ou généraux, les membres de l’OCLEI, les chefs d’Etat major, les comptables publics, les ordonnateurs des budgets de l’Etat et des collectivités territoriales, etc.

Cette liste concerne environ 8.000 agents publics. Elle est relativement comparable à celle d’autres pays comme, par exemple, la Côte d’Ivoire (environ 7.000), le Sénégal (de 3.000 à 7.000) ou la France (environ 16.000).

Dites-nous monsieur le président, quelles sont les démarches à suivre pour la déclaration des biens ?

La personne assujettie à l’obligation de biens se procure le formulaire sur le site de l’OCLEI ou celui du Ministère de la Justice, qu’il renseigne avec ses informations personnelles et professionnelles ainsi que sa situation patrimoniale. Après avoir signé le formulaire, il y joint les pièces justificatives de ses revenus et de ses biens et il adresse le pli au Président de la Cour Suprême. Celui-ci lui délivre un récépissé.

Quelles sont les difficultés inhérentes ?

Les difficultés inhérentes à la déclaration de biens tiennent à divers facteurs parmi lesquels la non-adhésion de certains agents publics à la mise en œuvre de la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. Il y a aussi le fait que toutes les déclarations sont adressées à la Cour suprême, même celles qui viennent de l’intérieur et qui sont, donc, confrontées à des problèmes d’accessibilité et de sécurité. Il y a, en outre, le coût des expertises immobilières pour ceux qui souhaitent faire une évaluation rigoureuse de leurs biens.

L’OCLEI a-t-il actuellement des moyens de répression contre les récalcitrants ?

La loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite a dévolu à l’autorité de nomination ou d’investiture le rôle de sanctionner les personnes qui refusent de procéder à leur déclaration de biens. L’OCLEI n’est pas cette autorité. Son rôle se limite à transmettre la situation au chef de l’administration.

Parlons des autorités de la transition qui ont promis d’amorcer un nouveau Mali. Dites-nous monsieur le président, quels sont ceux qui doivent déclarer leurs biens et qui ne l’ont pas encore fait ?

La réponse à cette question relève de la confidentialité. La loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite a rendu confidentiel tout le processus lié à la déclaration de biens. L’OCLEI n’est délié de cette confidentialité qu’à l’occasion de la publication de son rapport annuel d’activités.

L’OCLEI dispose-t-il des moyens lui permettant de vérifier l’exactitude des biens déclarés ?

L’OCLEI a développé des outils notamment informatiques qui lui permettent de s’assurer de l’exactitude, de l’exhaustivité et de la sincérité des déclarations de biens. L’OCLEI dispose d’enquêteurs et d’auditeurs professionnels pour chercher les éléments et documents probants. Il compte également sur le concours des citoyens qui sont les victimes de l’enrichissement illicite pour lui dénoncer les cas présumés de biens illicites dont ils ont connaissance dans leur environnement.

En cas de fausse déclaration, que faites-vous ?

Il est bon de savoir que l’OCLEI n’est pas un organe de répression c’est à dire qu’il n’arrête pas et ne sanctionne pas un agent public.

Périodiquement, l’OCLEI informe le Premier ministre du respect et du non-respect, par les personnes visées par l’article 9 de la loi, de l’obligation de déclaration de biens.

12- Monsieur le président, comment se passent les déclarations des biens après service rendu. C’est-à-dire une personne qui a fait sa déclaration avant sa prise de fonction, des années après, elle a été relevée. Comment se passe la déclaration de ses nouveaux biens pour savoir s’il n’y a pas enrichissement illicite ?

Il faut signaler ici que la déclaration de biens se fait en trois périodes : d’abord à l’entrée en fonction ou de mandat, ensuite le renouvellement (ou mise à jour) de la déclaration à la fin de chaque année pendant la fonction, puis à la cessation de la fonction ou du mandat.

Après la déclaration initiale, en l’absence de déclarations ultérieures, il est difficile d’évaluer l’évolution des biens d’une telle personne. C’est pourquoi, il est important que les agents publics comprennent et acceptent le principe et le mécanisme de la déclaration de biens, une fois par an, car en définitive c’est un moyen de les protéger contre les soupçons et les accusations à tort.

Une personne qui a déclaré par exemple dix millions de francs CFA comme valeur de ses biens au moment de sa prise de fonction, à la fin de son service, il faut combien de francs CFA pour que l’on puisse parler d’enrichissement illicite.

La définition de l’enrichissement illicite met l’accent sur trois éléments constitutifs de cette infraction, à savoir l’augmentation substantielle du patrimoine d’une personne, le train de vie de cette personne et ses revenus légitimes. C’est à partir d’une appréciation de ces trois éléments qu’il est possible de parler d’enrichissement illicite. La loi n’a pas fixé de seuil pour l’appréciation de l’enrichissement illicite. Le Conseil de l’OCLEI applique une méthode systématique et objective définie au début de chaque année. Tous ceux qui entrent dans les critères prédéterminés feront l’objet d’enquête. Je rappelle que le Conseil est l’instance de délibération de l’OCLEI. Il prend ses décisions par vote à la majorité simple. Il comprend douze (12) membres dont six (6) représentent l’Etat (trois (3) magistrats, un (1) policier, un (1) gendarme et un (1) cadre financier) et six (6) sont désignés par diverses entités (Conseil national de la société civile, patronat, ordre des experts comptables, commission nationale des droits de l’homme, Haute autorité de la Communication, Autorité de régulation des marché publics).

Monsieur le président, comment l’OCLEI compte-t-il mettre fin à l’enrichissement illicite au Mali ?

L’enrichissement illicite est un phénomène qui a gangréné la sphère publique, voire la société malienne. La lutte contre ce phénomène est un processus long et fastidieux. Elle nécessite une forte volonté politique, une justice dynamique et une réelle participation de tous les segments de la société. C’est à ce prix que le Mali pourra réduire considérablement l’enrichissement illicite, voire y mettre fin.

Votre mot de la fin.

La presse a un rôle central dans l’efficacité de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Elle doit mener des investigations, lever des lièvres, réveiller les cas dormants, approfondir les cas dans l’air du temps, interpeller et, toujours, agir avec un professionnalisme indiscutable. La contribution attendue de la presse est inestimable, incomparable. Je vous remercie.

Ousmane BALLO

Source : Afrikinfos-Mali
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