À défaut d’avoir un accord de partenariat militaire entre le Mali et la Russie, les autorités de la transition, du moins la junte au pouvoir, serait tentées d’engager le pays dans un partenariat entre une organisation paramilitaire russe, Wagner, pour, dit-il, «la formation et la sécurité de nos militaires» à 6 milliards de nos francs par mois, selon les médias occidentaux. «À défaut de sa mère on tète sa grand-mère», selon un adage.
Selon plusieurs médias internationaux, la junte malienne serait en passe de signer un accord avec le groupe de sécurité russe, Wagner. Une milice qui, selon plusieurs sources, servirait d’armée secrète là où Moscou ne souhaite pas envoyer de troupes régulières, comme elle l’aurait fait en Syrie en 2020. Pourtant les militaires au pouvoir et leurs soutiens avaient donné la garantie au peuple malien de trouver un accord avec la Russie pour aider les Forces de défense et sécurité à reconquérir le pays dans lequel, malgré la présence des militaires français et leurs alliés, les groupes terroristes continuent de progresser.
Rumeurs ou pas, la nouvelle enflamme les réseaux sociaux
En effet, c’est une nouvelle qui défraye la chronique surtout sur les réseaux sociaux. Les avis sont partagés. Pour certains le recours aux mercenaires est une erreur monumentale que les autorités de la transition ne doivent pas commettre. Pour d’autres, c’est une bonne chose vue que la France et ses alliés, pendant 9 ans, n’ont pas pu assurer la sécurité voulue par les citoyens. Il y en a ceux qui pensent aussi que c’est une rumeur.
Cependant, une source au département en charge de la Défense et des Anciens combattants a reconnu qu’ils sont en pourparlers avec la société russe Wagner pour le déploiement de 1000 mercenaires formateurs. Mais que jusque-là, rien n’a été décidé. « Le Mali entend désormais diversifier ses relations pour assurer la sécurité du pays. Nous n’avons rien signé avec Wagner, mais nous discutons avec tout le monde », a-t-elle fait savoir.
L’inquiétude de la France
Depuis le second coup d’Etat au mois de mai dernier, les relations se sont tendues avec la France et les militaires au pouvoir. Ce pays partenaire avait annoncé d’abord le retrait de ses troupes, avant de procéder à la diminution de ses effectifs. Chose qui a encouragé la junte à multiplier les signes de rapprochement avec la Russie. La visite du ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Colonel Sadio Camara, à Moscou, le 4 septembre, en dit long.
Cet accord pour la France permettrait à Moscou d’étendre son influence en Afrique de l’Ouest. À ses yeux, c’est un projet qui «pourrait remettre en cause son engagement militaire au Mali». Pour bon nombre de Maliens, bon débarras!
Est-ce une position objective ou simplement un ‘’sentiment antifrançais’’?
Des Maliens favorables à cet accord
Pour certains, il faut soutenir les décideurs dans leurs décisions. Car ils estiment que trop de sang des nôtres a coulé. Pour eux, ce temps permettra de réformer l’armée et assurer la défense au centimètre carré de ce pays par nous-mêmes. Mieux, ils soutiennent qu’en République centrafricaine, grâce à Wagner le gouvernement a pu libérer toutes les villes stratégiques, organiser les élections, prendre des décisions souveraines sans interférence française. Est-ce la même situation qu’au Mali? «Quel est le groupe terroriste qui opère en RCA? C’est plus facile de combattre des rebelles (guerre classique, ligne de front connu) qu’une armée fantôme. La Russie et les USA ont échoué en Afghanistan, la Minusma qui est multinationale échoue au Mali, ce sont des mercenaires qui vont réussir là où ces grandes puissances militaires ont échoué ?», s’interroge Moussa Djombana. D’autres estiment qu’en soutenant sérieusement les Donsos, Gatia, Gandakoy et Dana Ambassagou, on aurait beaucoup progressé.
Certes, l’opinion publique malienne est favorable à une coopération avec la Russie vu la situation sécuritaire, mais est-ce qu’elle mesure la portée de ce genre de contrat avec une société privée, même si elle est russe? En tout cas, les avis sont diversifiés.
La coopération et l’assistance militaire doivent se faire entre Etats
«La coopération se conçoit d’Etat à Etat et non avec quelques groupuscule, y compris lorsque ces derniers sont des mercenaires en commandite. La vie d’un Etat va au-delà des mortels qui l’engagent même maladroitement», a tweeté Me Mamadou Konaté, ancien ministre de la Justice.
«L’armée malienne a trop de contraintes relatives à l’accord militaire avec la France qui ne joue pas franc-jeu. Avec des années de présence et de coopération sans résultats, avec un statuquo hilarant. Je pense que nous sommes au bord de l’effondrement. Nos alliés d’aujourd’hui ont montré leurs limites. Et on ne peut pas rester éternellement dans cette situation précaire. Tout calcul fait, le risque mérite d’être pris. Tout réside dans les termes dudit contrat. Notamment la garantie», a lancé Mamadou Maïga.
Le Mali pourra-t-il utiliser le groupe Wagner de façon intelligente?
«Privilégions la solution malienne pour en finir avec l’insécurité. Je suis d’accord par rapport aux termes du contrat ; seulement, nous n’avons pas affaire à un État, mais à des particuliers. C’est là tout le problème. La meilleure garantie, c’est nous-mêmes : reprenons notre armée en main! C’est évident que chacun veut le meilleur pour notre pays, mais est-ce la solution? Que Dieu éclaire nos décideurs pour qu’ils prennent les solutions idoines», s’inquiète Moussa Djombana, enseignant et analyste politique.
Le problème pour Djombana, est que si ça dérape, nous n’aurons aucun pouvoir pour les recadrer et nous ne pouvons faire appel au gouvernement russe qui n’est concerné en rien par les agissements de mercenaires, fut-ils agents d’une entreprise privée russe. D’après lui, si c’est pour faire appel aux milices russes, c’est mieux de soutenir et encadrer les groupes de sécurité communautaire.
«Si nous sommes incapables de recadrer les dérives de certains donzos sur le terrain, de certains groupes loyalistes également au nord du pays, ce ne sont pas des miliciens étrangers que nous pourrons contrôler et le risque que ceux-ci se retournent contre nous est réel. Ils bossent pour le plus offrant, c’est la loi du marché, sans oublier qu’ils pourront à terme plier l’État à leur volonté, parce que celui-ci sera faible face à leur puissance. Donc, réfléchissons bien avant de nous lancer dans cette nouvelle aventure», a-t-il prévenu.
Il préconise de mettre l’armée malienne soit au centre de notre stratégie de reconquête du pays et de sa sécurisation. « Rien ne nous interdit d’exiger le départ des pays qui ne font pas nos affaires si c’est ce que nous désirons. Mais, mettons ces nombreux milliards là dans l’armée malienne et les Maliens. Investissons dans les ressources humaines et matérielles de l’armée et notre pays sera libéré en 6 mois», a-t-il proposé.
«Groupe Wagner russe = Blackwater américain = armées privées sous-traitantes.
Le coût de l’intervention fait polémique
Six milliards par mois, des mines d’or et de magnésium: c’est la rançon pour l’intervention des mercenaires russes au Mali, selon Reuters. Selon une source, Barkhane coûte un million d’euros par jour, soit 20 milliards de nos francs par mois, et la Minusma, 56 milliards par mois.
«Qui a intérêt à essayer de créer une polémique avec un prétendu coût de l’intervention de Wagner au Mali ? Le montant du contrat de défense avec la France n’a jamais été rendu public. Les 1230 milliards d’IBK pour la défense bouffés entre 2015 et 2019 pour quel résultat ? Si on devrait payer Wagner à 6 milliards/mois, cela représente 205 mois, soit plus de 17 ans : sachant leur efficacité, il leur a fallu moins de 2 ans pour stabiliser certains pays (ex: Syrie, Centrafrique, Venezuela…) Ceux qu’on insiste à appeler mercenaires sont en fait des armées privées qui sous-traitent les guerres des puissances, comme Blackwater en Irak, Afghanistan, Syrie…pour les Américains, mais on évite soigneusement de les appeler mercenaires. Pourtant la France qui s’agite pour une éventuelle présence de Wagner russe au Mali ou Centrafrique collaborait avec Blackwater américain en Afghanistan, Irak, Libye, Syrie. Qui étaient Jacques Foccart et Bob Denard ? N’étaient-ils pas des mercenaires français utilisés par l’Etat français pour éliminer des chefs d’Etat et personnalités africains qui gênaient les intérêts de la France, ou déstabiliser des régimes ? Bob Denard a participé au génocide rwandais, et Jacques Foccart, le génocide biafrais et tant d’autres assassinats de chefs d’Etat. Vous interdisez aux autres ce que vous aviez toujours fait et continuez de faire ! La France a fait combien d’années sans pouvoir pacifier la Centrafrique ? Il a fallu combien de temps à Wagner pour le faire ? De 2013 à nos jours 2021, nous sommes aidés par la France et l’ONU, malgré tout la situation s’aggrave de jour en jour; ça nous coûte quoi d’essayer d’autres approches pour que les populations vivent en paix ? Comme on le dit : la paix n’a pas de prix ! Qui maintient le statuquo sur Kidal ? Qui interdit certaines zones à l’armée nationale ? Qui a installé le Mnla à Kidal ? Qui entretient l’embargo sur certaines armes sur le Mali ? Si une coopération est inefficace doit-on la conserver pour la forme ou la changer pour tenter de sauver des vies ? Essayons d’établir les palmarès des armées qui ont pu stabiliser un pays ou au contraire qui ont détruit complètement des pays ces dernières décennies (Libye, Syrie, Irak, Afghanistan, Rwanda, Yémen, Centrafrique, Biafra au Nigeria, guerre du Cameroun, en Algérie, en Angola, Vietnam, Yougoslavie, Soudan, Somalie…) ! De qui se moque-t-on ?», a défendu mordicus Kassoum Diané, un internaute.
«Avec 36 milliards de nos francs, soit un semestre de salaire évoqué au profit d’une sous-traitance extérieure, je poses les jalons d’une armée reconstituée, confiante et Républicaine. J’utiliserais ensuite les 36 milliards du semestre suivant pour l’opérationnaliser jusqu’à ce qu’elle n’ait plus besoin de penser à l’intérêt de procéder à des putschs militaires. Mais bon, de toutes les façons, ce sont les «rebelles» qui parlent et tout ce qu’ils diront est systématiquement compris de travers», a indiqué Attaye Ag Mohamed, membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad.
«Des Maliens peuvent rétablir la sécurité avec moins de milliards que Wagner. Si les autorités préfèrent donner des milliards aux mercenaires russes qu’à leurs compatriotes, ce pays n’a aucun avenir», s’exclame Fahad Ag Almahmoud, membre du Groupe autodéfense touareg Imghads et alliés.
«Lorsqu’il y a un obstacle qui vous empêche de vous armer pour vous sécuriser, la seule option qui vaille est de savoir avec qui on peut trouver la solution quelles que soient la condition et la manière. Une fois que c’est nettoyé, l’obstacle a disparu, vous pouvez faire ce que vous voulez. Mais lorsqu’on refuse que vous achetiez, si vous parvenez à acheter on vous empêche de les recevoir, ou lorsque vous les recevez on vous empêche de les utiliser, au nom d’un accord de paix alors que les ennemis s’en fichent de cet accord, le seul moyen qui prévaut est de faire appel à ceux qui peuvent vous sauver de cette situation à la centrafricaine, point. D’ailleurs, Fahad en sait quelque chose plus que quiconque. Qui les a empêchés de nettoyer la zone depuis 2015? Devrons-nous continuer avec cette politique de l’autruche qui nous fait perdre le terrain chaque jour que Dieu fait? Je ne croyais pas à cette histoire russe, mais en toute sincérité si cela est possible pour nettoyer les indésirables et ramener la tranquillité dans la zone pourquoi hésiter une seule seconde? Ou vouloir le remettre en cause?» a répliqué Mohamed Touré sur l’intervention du secrétaire général du Gatia.
En tout cas, que ça soit en Libye, en Irak, en Afghanistan et la Centrafrique qui, selon une source, n’a que Bangui sous contrôle, l’histoire retient que les mercenaires n’ont jamais réussi à reconquérir un pays déjà en crise.