L’ailier gauche de charme de l’AS Réal, l’international Mamadou Coulibaly dit Benny, atterrit dans le temple de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” Le mérite de notre entretien avec lui revient à Amadou Pathé Vieux Diallo. Notre héros de la semaine par principe se méfie des médias, pour des raisons que nous n’avons pas creusées. Quand nous l’avions informé des rendez-vous sans suite avec son ancien coéquipier, il s’est investi afin que Benny nous accorde l’interview tant attendue. Informé des suites infructueuses des demandes passées, Vieux Diallo s’est investi et l’a convaincu tout en précisant que notre démarche, désintéressée, vise à sortir les anciennes gloires de l’ombre. Voilà que Benny nous donne rendez-vous chez lui le dimanche dernier dans l’après-midi. Vêtu de tissu basin bleu ciel, il nous conduit dans un grand salon avec tous les honneurs. Colosse de 1,90 m, l’homme n’a pas visiblement changé alors que nous l’avions perdu de vue depuis le début de la saison 1986-1987, date à laquelle il prit sa retraite footballistique. Qui est ce joueur, animateur de la “Dream Team” de l’AS Réal ? Benny avait des qualités d’attaquant recherchées par tout bon recruteur : la taille, la technicité, la rapidité. Il était l’élément déclencheur de l’efficacité offensive du Réal, et sonnait l’alerte grâce à sa vitesse de pénétration, son slalom. Imbattable dans les duels aériens, rares étaient les défenseurs qui pouvaient l’arrêter dans ses chevauchées, soutenues par des potentialités : coup de pied, précision chirurgicale, frappe puissante. Parler de l’histoire de Mamadou Coulibaly dit Benny nous plonge dans une nostalgie des années 1970-1980, où les ailiers gauches constituaient des denrées rares. Parce que l’animation du couloir gauche était fastidieuse en l’absence d’un pied gauche de charme. C’est plutôt le flanc droit qui ravissait la vedette. Bref, Benny a marqué les esprits dans ce secteur du jeu. A cet attaquant, on peut ajouter d’autres pieds gauches du football malien, qui incarnaient l’intelligence sur le terrain : Fagnery Diarra du Djoliba AC, Abdoulaye Kaloga du Stade malien de Bamako, Mohamed Koné du COB. Dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, l’enfant de Bozola retrace son histoire.
e 29 juin 1980 en finale de la Coupe du Mali, dans les ultimes minutes sur une ouverture du régulateur Ousmane Doumbia dit Man, Benny démarre en trombe, sème dans son allure le défenseur djolibiste Fantamady Diarra dit Gaubert et d’un tir d’au moins 30 m crucifie le portier Sory Kourouma. Perdu dans un cyclone de joie, l’attaquant réaliste continue sa course derrière les buts adverses pour manifester son but. Hélas ! L’arbitre Modibo Ndiaye invalide le but.
poignée de mains entre Le Gl Moussa et Benny Coulibaly
Le journal Podium n°142 du mercredi 02 juillet 1980, vendu à 100 francs maliens, titrait en une “Finale de la Coupe du Mali : Réal 1 Djoliba 0, Baraka, bourreau des Rouges”. L’avant-centre réaliste a marqué l’unique but de la rencontre. Il est évident que le journal Podium n’aurait pas manqué de titre plus explosif si l’arbitre central Modibo Ndiaye avait accordé le but somme toute valable de Mamadou Coulibaly dit Benny. Malheureusement l’homme en noir l’a refusé à cause d’un deal avec la Fédération malienne de football. Tous les billets du match ont été vendus jusqu’aux souches, et le président de la Fédération a demandé à Modibo Ndiaye de tout faire pour négocier une nouvelle édition. Donc, c’est dans l’espoir d’une égalisation du Djoliba que l’ancien arbitre international n’a pas validé le deuxième but réaliste. Sinon dans cette même rubrique, il nous a affirmé que le but de Benny n’était pas comparable à celui de Baraka tant il fut anthologique.
Plus de quatre décennies après, nous avons rencontré l’ailier gauche de charme du Réal, le plat de résistance de notre entretien est logiquement cette finale du 29 juin 1980, qui a consacré le septième titre des Scorpions. Mamadou Coulibaly dit Benny affirme qu’il se rappelle tout le temps de ce grand match dont il a été l’un des meilleurs joueurs. Bien évidemment la décision de l’arbitre Modibo l’a choqué, mais que pouvait-il faire mieux que la résignation, au risque de prendre un carton rouge ? C’est surtout la victoire de son club qui l’a soulagé.
Le quartier populaire de Bozola est réputé être le fief de l’AS Réal de Bamako. Quasiment tous ses enfants naissent réalistes et les voir intégrer ce club est la suite logique de cet amour presque inné. Mamadou Coulibaly dit Benny est natif de ce quartier et sociétaire du Hafia durant son adolescence entre 1971 et 1972. En plus des compétitions inter quartiers, il lui arrivait de faire le mercenariat à Bamako Coura avec Santos ou Flèche Noire.
Avec ses amis, il rendait régulièrement visite au gardien Seydou Traoré dit Guatigui. Cette idolâtrie a guidé ses pas vers le Réal en 1974, lorsqu’il atteignit la maturité junior.
Le malheur des uns…
Au terme de deux ans, il intègre l’équipe senior, avec des soucis. Comment gagner une place de titulaire devant les ténors comme Moctar Maïga, Alou Bagayoko, Ismaïla Diakité dit Pelé, Idrissa Maïga dit Métiou, Seydou Traoré n°2. En l’absence de championnat national (cette compétition n’avait pas encore vu le jour), la saison était animée par la Coupe du Mali et le championnat inter ligues. En 1977, l’élimination des Scorpions de la Coupe du Mali profite aux jeunes. Les titulaires désertent les entraînements. Benny joue son premier match contre le Bani de Mopti en championnat inter ligues, et s’impose du coup comme un titulaire.
L’année suivante il ne peut confirmer son potentiel à cause d’une blessure à la cheville, qui l’éloigne des terrains. A l’ouverture 1978-1979, Benny signe son retour, avec une sélection en équipe nationale, à la faveur d’un match amical contre le Sénégal. Avec les Scorpions, il remporte une Coupe du Mali, quatre titres de champion, sans compter les multiples matches de Coupes d’Afrique de clubs.
Il a participé à cinq tournois Cabral : Bamako (1981), Cap-Vert (1982), (1983), Mauritanie (1984), Gambie (1985). C’est à la suite de la suspension collective décrétée par les dirigeants du Réal que la carrière de Benny prend une douche froide. Qu’est-ce qui s’est passé ? Le Réal va au Burkina Faso pour un match amical finalement annulé.
L’équipe rencontre d’énormes difficultés. Il a même fallu l’implication de notre compatriote Drissa Kéita, à l’époque secrétaire général de la CEAO (Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest) pour que les joueurs soient hébergés. Les dirigeants ont négocié un autre match, les joueurs de leur côté ont demandé des retombées financières. Comment quitter Bamako pour Ouagadougou sans le minimum de primes ? Voilà la problématique posée par les joueurs.
Au terme d’intenses négociations, l’équipe livre le match. Mais les responsables n’apprécient pas le comportement des jeunes. Une fois à Bamako, les sanctions tombent à l’issue d’une réunion avec les frondeurs. Plusieurs cadres du club sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. Certains n’attendent pas la levée des sanctions pour manifester leur désapprobation. Boubacar Sidibé dit Jardin, Beïdy Sidibé dit Baraka, Ousmane Doumbia dit Man quittent le club.
La vague à l’âme
Cette situation casse le moral de Benny, qui conclut qu’en tant que fils du Réal, il n’est pas logique qu’il le quitte quel que soit le motif. En réalité il n’a pas l’intention de retourner sur un terrain de football. Mais des supporters mettent tout en œuvre afin qu’il reprenne les entraînements. L’enfant de Bozola ne joue qu’un seul match au début de la saison 1986-1987, avant de mettre un terme à sa carrière.
Dès lors il rompt avec le milieu sportif et s’occupe de son emploi à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS), où il commença à travailler en 1977. De façon inattendue, Benny s’envole pour la France en 1991. Embauché dans une entreprise privée, il parvient à gagner sa vie jusqu’à sa retraite l’année dernière.
Revenu au Mali depuis quelques mois, il s’occupe de son champ dans la Commune du Mandé. L’élevage est sa passion. De temps à autre, il passe au terrain d’entraînement du Réal. A l’instar d’anciens du club, Benny apporte son assistance à l’entraîneur Amadou Pathé Vieux Diallo.
Marié, il est père de deux garçons, dont le cadet, Kalifa Coulibaly, évolue au FC Nantes, en Ligue 1 française.
La carrière de notre héros de la semaine est aussi liée à de bons souvenirs, parmi lesquels il retient la Biennale de 1979, sanctionnée par la victoire du district de Bamako sur la région de Ségou en finale de football, la Coupe du Mali de 1980. Le tournoi Cabral perdu à Bamako par les Aigles face à la Guinée est son seul mauvais souvenir.
Dans la vie Mamadou Coulibaly dit Benny n’aime que le bon football. Il déteste l’infidélité dans l’amitié.