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Autour du 22 septembre 1960 : des dates, des événements
Publié le lundi 20 septembre 2021  |  le sursaut
Défilé
© aBamako.com par A S
Défilé militaire à Kati
Un défilé militaire a eu lieu à Kati à l`occasion de la fête de l`indépendance.
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Le 22 septembre, pour beaucoup de Maliens, est la date de l’indépendance du Mali. Pourtant, les choses ne sont pas aussi simples que cela. Le Soudan Français, colonie de 1820 à 1945, puis Territoire d’Outre-mer de 1945 à 1958, est devenu indépendant le 24 novembre 1958 sous le nom de la République soudanaise. Il s’associe avec le Sénégal pour former la Fédération du Mali. Le 4 avril 1959, la Fédération s’émancipe de la France en obtenant un transfert de compétences. Elle proclame son indépendance le 20 juin 1960 et se disloque dans la nuit du 18 au 20 août de la même année. Le Sénégal fait sécession, proclame son indépendance la même nuit. La République Soudanaise n’entérinera la fin de la Fédération qu’un mois après, presque jour pour jour, le 22 septembre 1960. Parler du 22 septembre 1960 offre l’occasion de revivre un pan de l’histoire du Mali, celui qui couvre la période allant de la fin du XIXè siècle à l’année 1960. Trois faits majeurs caractérisent la période : les ébauches de restructurations politiques, la colonisation française et l’accession à l’indépendance nationale.
Les ébauches de restructurations politiques
Le 12 mars 1591, trahi par le courtisan Bokar Lambar et un ancien gouverneur de Tondibi, Ould Krinfil, l’askia Ishaq II perd la bataille de Tondibi. L’empire songhaï s’effondre. Le Soudan nigérien va connaître trois siècles d’anarchie. Des hors-la-loi aux divers noms, tékéré, sobolilaw, djatow, adoucalpé écument les contrées, semant la désolation au sein des populations. Avec l’apparition des premiers Européens sur les côtes atlantiques d’Afrique occidentale, l’esclavage de traite connaît ses premières manifestations, ajoutant à l’instabilité et à l’insécurité. La nécessité de se protéger finit par l’emporter sur la peur grégaire. Les populations se donnent des chefs pour les défendre.



Ainsi, dans le dernier quart du XIXè siècle, l’espace politique soudano-sahélien se restructure. Dans la vallée du Niger, les Bamanans fondent les royaumes de Ségou et du Kaarta, les Dioulas sénoufoisés (l’expression est de l’historien Joseph Ki-Zerbo, elle est avalisée par le patriarche Kélétigui Berthé dans son Mémorial), le royaume du Kénédougou, le Malinké Samory Touré se taille l’empire du Ouassoulou et les Peuls du Macina, sous la conduite de Sékou Ahmadou Barry fondent la Dina. Derniers arrivés, les Toucouleurs, déferlant de la Guinée et du Sénégal, annexent le Kaarta, Ségou et le Macina à leur empire, avec El Hadj Omar. Vers l’ouest, ce sont plutôt des principautés et des chefferies qui s’organisent : le Khasso, des Peuls malinkéisés, le Bambouk, le Kaméra, le Niambia, le Niataga, le Logo… des Malinkés. Le long du Niger, entre Tombouctou et Assongo, de puissantes confédérations touarègues se créent, à côté de solides tribus arabe et maure.

Mais, ce début de restructuration de l’espace politique connaîtra un frein avec l’agression coloniale française contre notre patrie. L’entreprise de déstructuration débutera avec la création de la colonie du Haut-Fleuve et se poursuivra avec celle du Soudan français.

Le Haut-Fleuve, terrain d’affrontement entre deux expansionnismes
A la même époque, les Français sont fermement établis à l’embouchure du Sénégal. Faidherbe y est « gouverneur de Saint-Louis et dépendances ». Reconnaissant son autorité sur la région, les Ouolofs le surnomment Borom Ndar (le maître de Ndar), Ndar étant le nom originel de la localité baptisée Saint-Louis, en hommage au roi de France, Louis XIV. L’ambition de Faidherbe est de faire, des voies d’eau que sont le Sénégal et le Niger, des voies commerciales, pas de pénétration coloniale. A cette fin, les Français sécurisent la navigation sur les cours inférieur et moyen du Sénégal en les jalonnant de forts, dont le dernier et le plus important est le fort de Médine.

Mais, les événements vont en décider autrement et faire des Français des envahisseurs. En effet, parti de Dinguiraye (Guinée)où, chassé de son Fouta natal, il s’était installé en 1848, en fin stratège, El Hadj Omar (Cheikh Oumar Tall-al-Foutyou ; 1797-1864) se rend maître des mines d’or du Bouré, du Bondou, du Galam, achète des armes aux Anglais établis en Sierra-Leone, descend le cours du fleuve, noue des alliances avec le royaume du Khasso, les principautés et chefferies malinkés du haut-Sénégal. Le heurt avec les Français devient inévitable. Face à l’inéluctable choc entre deux impérialismes en puissance, le français et le toucouleur, le roi du Khasso, Dioukha Samballa Diallo choisit son camp. Il rallie les Français, imité en cela par la plupart des princes et chefs malinkés, à l’exception notoire de Niamodi Sissoko, prince du Logo, qui reste fidèle à l’alliance conclue avec Hadj Omar.

Le choc a finalement lieu en 1857. Profitant de la baisse des eaux isolant Médine de tout renfort susceptible d’être dépêché depuis Saint-Louis, El Hadj Omar s’attaque au fort de Médine le 28 avril. Défendue par Paul Holle, la place forte résiste. El Hadj Omar choisit de la réduire par la fin et l’assiège. Le sort des armes ne lui est pas favorable. Mettant à profit le début de la crue, Faidherbe accourt de Saint-Louis sur un aviso et, au prix d’une manœuvre périlleuse, brise l’étau autour du fort le 18 juillet. Le siège a duré 97 jours. Un second affrontement l’oppose aux Français à Matam. De nouveau, il est battu.

El hadj Omar tire les conséquences de ses défaites, en arrive à conclure qu’affronter les Français serait contreproductif. Il signe avec eux un traité le 10 septembre 1860 qui lui donne des coudées franches vers l’est : le Kaarta, le Bélédougou, Ségou et le Macina. Il fait la conquête de ces différentes régions entre 1858 et le 16 mars 1862, créant, du coup, un empire s’étendant de Dinguiraye à Hamdallaye.

Il prend soin d’organiser cet empire aux plans stratégique et administratif : il installe son fils Aguibou à Dinguiraye, un esclave, Moustapha, à Nioro du Sahel. L’aîné des enfants est sacré roi de Ségou et est pressenti pour devenir également celui du Macina. Au plan stratégique, quatre tatas sont édifiées comme pour constituer un rempart contre toute agression venant de l’ouest ; ce sont les tatas de Koniakary, de Sabouciré, de Koundia et de Mourgoula.

El Hadj Omar s’en est allé vers l’est, mais les conséquences de ses alliances avec les princes et chefs, khassonkés et malinkés, du haut-Sénégal allaient être déterminantes pour le devenir de cette région et, partant, de l’ensemble du Soudan.

III. Le 22 septembre 1898 : l’agression française et la résistance malienne

Les Français se sont présentés en Afrique comme chargés d’une mission civilisatrice. A eux s’offrent d’immenses terres à mettre en valeur. Aussi, méthodique, Faidherbe nourrit de grandes ambitions. En particulier, il veut relier, par la voie ferrée, Saint-Louis à Dakar, Saint-Louis à Médine et Médine à Bamako. Saint-Louis-Dakar est réalisé après la défaite et la mort du damel du Cayor, Lat Dior Ngoné Latyr Diop à Dékheulé. Jugé inutile et trop cher à réaliser, Saint-louis-Médine est abandonné. Reste à réaliser Médine-Bamako. Cela se fera en trois phases.

D’abord, un terrain est acheté au roi du Khasso, Dioukha Samballa Diallo. Un fort est édifié sur le terrain. Une colonie, le Haut-Fleuve est créée et Médine en devient la capitale. Ensuite, une ambassade est envoyée à Ségou auprès d’El Hadj Omar pour lui demander d’autoriser le commerce sur le Niger ? Enfin, la décision est prise de construire une ligne de forts distants les uns des autres de 40 kilomètres et une ligne télégraphique le long des rails de la future voie ferrée.

A la phase 3 du projet, les difficultés surgissent. Il est prévu de construire un premier fort à Bafoulabé. Mais, pour atteindre cette localité, il faut traverser la chefferie malinké du Logo. Or, Niamody Sissoko, à la tête du Logo, est réfractaire à tout traité, toute alliance avec la France. Fort du soutien des Toucouleurs, il fixe les chutes du Félou comme frontière à ne pas dépasser par les Français. Pour ces derniers, Sabouciré devient un verrou, il faut le faire sauter. Deux prétextes sont évoqués pour justifier l’agression contre la principauté : sécuriser le commerce dans le Haut-Fleuve, imposer aux « indigènes » le respect de la France.

Ainsi, le 22 septembre 1878, le lieutenant-colonel Reybaud, parti de Saint-Louis le 11 septembre, remonte le cours du fleuve et arrive donne l’assaut contre le village fortifié. L’expédition est minutieusement préparée. Reybaud a, sous ses ordres, 585 hommes disposant de 80 chevaux et de 4 canons, sa colonne est appuyée par des alliés de la région. La bataille dure 5 heure. De l’avis de l’envahisseur, la résistance est acharnée. La devise des patriotes est ; « Plutôt la mort que la honte » ; « On nous tue, on ne nous déshonore pas ».

Niamody Sissoko, face à une défaite imminente, choisit de se faire sauter sur ce qui lui reste de poudre. Il en est empêché par son entourage qui, de force, l’entraîne vers le fleuve et l’embarque dans une pirogue. La manœuvre n’a pas échappé à Reybaud. D’un coup de canon, il envoie la frêle embarcation au fond du fleuve. Le corps du prince ne sera jamais retrouvé.

L’envahisseur finit par remporter la partie, mais au prix de lourdes pertes pour une expédition de ce genre à l’époque. Si une centaine de résistants restent sur le terrain, l’ennemi compte 13 morts dont deux officiers et 52 blessés. Et, signe d’une malédiction divine, on ne sait, ce qui reste de la troupe est décimée par la fièvre jaune sur le chemin du retour.

Le souvenir de la bataille de Sabouciré est resté dans les mémoires. Certains se fondent sur ce souvenir pour en faire la raison pour laquelle le 22 septembre 1960 a été choisi comme date de la fête de l’indépendance du Mali. En 2010, pour célébrer le cinquantenaire de notre avènement à l’indépendance, les autorités de l’époque, parmi les festivités retenues au programme, ont reconstitué la bataille de Sabouciré accréditant ainsi un plausible lien entre ce qui s’est passé en 1878 et ce qui s’est passé en 1960.

Le 22 septembre 1960 : l’hostilité française et la riposte malienne
Mais, entre le 22 septembre 1878 et le 22 septembre 1960, il n’existe aucun lien. Le 22 septembre 1960 est l’épilogue d’une lutte, celle menée par Modibo Keïta au nom du fédéralisme et du panafricanisme. Un rappel chronologique aide à en cerner les contours.

Tout est parti le 13 mai 1958. Ce jour, contestant la décision du président de la République française, René Coty, de confier à Pierre Pflimlin le soin de constituer un gouvernement, l’Armée d’Afrique (l’armée française basée en Algérie) opère un coup de force et impose Charles de Gaulle comme président du conseil. L’homme du 18 Juin obtient l’investiture des députés et propose aux Français, aussi bien es métropolitains que les ultramarins, une constitution.

Pour l’Outre-mer, il est demandé de choisir entre le « oui » et le « non ». Le « oui » consacre l’adhésion à la nouvelle association concoctée par de Gaulle et dénommée Communauté franco-africaine. L’option en faveur du « non » est présentée comme la manifestation d’une sécession d’une « sécession » dont « la France tirera les conséquences ».

Pour des raisons de politique intérieure, Modibo Keïta et ses compagnons de l’Union Soudanaise RDA optent pour le « oui ». Le 24 novembre 1958, le Soudan devient un Etat indépendant au sein de la Communauté. Mais, il s’agit d’une indépendance relative, une forme d’autonomie qui ne dit pas son nom : le drapeau est le bleu-blanc-rouge avec l’idéogramme de l’homme, les mains levées vers le centre sur le fond blanc, la devise reste Liberté-Egalité-fraternité, l’hymne, la Marseillaise ; la représentation à l’ONU et dans le système des Nations Unies reste assurée par la France.

Cette situation ne va pas durer. La république Soudanaise s’allie avec le Sénégal et forme avec elle la Fédération Mali. Grande surprise de Charles de Gaulle qui croyait qu’avec le « oui » au référendum, la question de l’Outre-mer était définitivement réglée : se fondant sur certaines dispositions de la Vè République, Modibo Keïta, accompagné de Léopold Sédar Senghor, se présente à l’Elysées pour demander l’indépendance de la Fédération du Mali. L’indépendance, avec tous les attributs de la souveraineté : le territoire, le drapeau, le timbre, la devise, l’hymne. Cela suppose un transfert de compétences de la Communauté Franco-Africaine à la Fédération du Mali.

Le transfert est obtenu le 4 avril 1960, date que retiendra le Sénégal comme jour anniversaire de son indépendance. Mais, à partir du mois de mai, la situation commence à se détériorer entre Sénégalais et Soudanais. Malgré tout, l’indépendance de la fédération est proclamée le 20 juin 1960. Dans le courant du mois d’août, deux faits précipitent le cours des événements et conduisent à la rupture.

Le premier fait est relatif à l’élection du président de la Fédération. Président du conseil des ministres, Modibo Keïta ne peut pas se porter candidat. Senghor est désigné par les Sénégalais. Les Soudanais rejettent cette candidature et marquent leur préférence pour ME Lamine Guèye qui est partant. En cas de vote, Senghor est perdant car tous les députés soudanais voteraient pour Lamine Guèye qui bénéficierait également de quelques voix de députés sénégalais. Le vote est prévu pour le 20 août. Il n’aura pas lieu.

En effet, ce jour, intervint le second fait. Lors du conseil des ministres, Modibo Keïta nomme le colonel Abdoulaye Soumaré chef d’état-major de l’armée de la Fédération contre le candidat de Mamadou Dia, ministre de la Défense, le colonel Fall. Face au refus de Dia de contresigner le décret de nomination, Modibo Keïta signe un second décret : Dia est destitué de ses fonctions de ministre de la Défense, Modibo Keïta est nommé ministre de la Défense de la Fédération.

Les Sénégalais crient à la tentative de coup d’Etat. Dans la nuit du 19 au 20 août l’assemblée législative du Sénégal est convoquée en session extraordinaire. Elle se transforme en assemblée nationale et vote quatre résolutions : le retrait du Sénégal de la Fédération, la proclamation de l’indépendance du Sénégal, l’élection de Léopold Sédar Senghor, président de la République du Sénégal, l’état d’urgence sur l’étendue du territoire sénégalais.

Les Soudanais sont isolés dans leurs villas dakaroises. Modibo Keïta, s’appuyant sur la constitution de la Fédération déclare illégale la sécession du Sénégal sollicite l’intervention française et celle de l’ONU pour l’empêcher. Mais l’éclatement est irrémédiable. Les Soudanais sont reconduits, par la suite, à la frontière, par train spécial. Pour les Sénégalais, la Fédération du Mali a vécu.

Pour les Sénégalais, pas pour les Soudanais. Il faudra le voyage de Modibo Keïta à Paris et le tête-à-tête avec Charles de Gaulle pour que Modibo Keïta se décide à reconnaître la fin de l’union. Il en tire les conséquences. Le temps lui est compté. En septembre s’ouvre la sécession annuelle de l’ONU. Les Etats africains nouvellement indépendants, y compris le Sénégal, vont demander leur adhésion. La situation d’ambiguïté dans laquelle se trouve la République Soudanaise l’exclut de cette demande.

Pour en sortir, le secrétaire général de l’US-RDA, Modibo Keïta, convoque un congrès extraordinaire du parti pour le 22 septembre 1960. C’est à l’issue de ce congrès que sera actée la fin de la Fédération du Mali par la République Soudanaise et proclamée la République du Mali, libre de tout lien avec la France.

Conclusion

Le 22 septembre 1878 et le 22 septembre 1960 sont deux dates hautement significatives pour nous Maliens. A ce titre, elles méritent une attention particulière dans l’enseignement de notre histoire. Cependant, entre elles se note, non un lien de cause à effet, mais une pure coïncidence.

Issiaka Ahmadou Singaré

Docteur d’Etat-ès-Lettres

Professeur émérite de l’Université de Bamako
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