L’information selon laquelle les autorités de la transition s’apprêtent à signer un accord avec l’organisation paramilitaire russe Wagner a fait couler beaucoup d’encre de salive dans le pays. Pour savoir la position du peuple malien, nous avons tendu notre micro à des citoyens. Lisez leurs réactions !
« Je ne préfère pas le mot mercenaire ; je dirais plutôt un corps paramilitaire russe. Est-ce que quelqu’un peut me dire que travailler avec un corps paramilitaire est interdit par le droit international ? Le Mali n’est pas n’importe quel pays ; c’est un Etat indépendant et souverain. Que les dirigeants fassent ce qui est mieux pour nous. Si vous voyez que nous cherchons une nouvelle alliance, c’est que la première n’a pas été bonne. Aujourd’hui, on a l’armée mondiale au Mali, c’est triste et amère de constater que malgré la présence de Barkhane, Minusma, Eutm, bref on n’a pas pu résoudre le problème du Mali. Si l’arrivée de ces paramilitaires russes peut nous aider, on ne peut que leur souhaiter la bienvenue. Je ne vois pas d’inconvénient dans la mesure où ils seront tous là pour nous appuyer. L’annonce de leur arrivée fait couler beaucoup d’encre de salive, surtout du côté de la France. C’est elle qui est plutôt mercenaire car elle est à la base de l’instabilité dans notre pays. La force Barkhane c’est quoi? Elle est pire que des mercenaires. Doumbouya, l’homme qui vient de faire le coup d’Etat en Guinée est un mercenaire aussi car il a été légionnaire en France. Pour moi, c’est une nécessité d’avoir les Russes à nos côtés, qu’ils soient mercenaires, paramilitaires ou militaires.
On veut diversifier notre partenariat en matière de sécurité et de défense. Sinon, l’objectif ne sera jamais atteint avec Barkhane, Minusma,…au contraire la situation aggrave au jour et le jour. La quiétude se limite à seulement de 15 à 20 km des grandes agglomérations du pays. Apparemment, ce sont des mercenaires qui font peur aux mercenaires. C’est ça la réalité, c’est purement un conflit d’intérêts. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette arrivée qui nous fera plus de bien de que de mal. Donc, bon vent à cette nouvelle collaboration ».
Mahamadou Keita, Gestionnaire
« Je ne partage pas l’avis des autorités à ce sujet. Depuis 2012 le monde entier est chez nous, qu’est-ce qu’on a comme résultat ? Avec l’arrivée des Russes, est-ce qu’on est sûr que la situation va évoluer? Personnellement, je ne pense pas! Ce sont des genres de contrat qu’on va signer sans savoir quelle issue on aura. Même si on signe ce contrat, les autres forces étrangères vont-elles accepter de collaborer avec ces mercenaires? Je n’en suis pas si sûr.
Honnêtement, si on veut une intervention russe, je préfère que ça soit inter étatique, en définissant les clauses précises du contrat. Vous savez, la mission d’un mercenaire n’est pas formelle. En plus, on ne sait même pas quel sera le résultat. La question que je me pose: est-ce que ce n’est pas une manière pour les autorités de la transition de sécuriser eux-mêmes plutôt que le pays? Si réellement ils veulent un accord de sécurité ou de défense, qu’ils le fassent de façon formelle en s’adressant directement au Kremlin ».
Madimassa Edouar Hanne, Analyste politique
« Notre pays est en train de descendre trop bas. Beaucoup veulent que la Russie soit là mais ils oublient que les ‘’Blancs’’ ne vont jamais s’entretuer pour nous. Quand ils seront là, ce n’est pas parce qu’ils nous aiment, loin de là. C’est pour leurs intérêts, c’est tout! On peut se faire aider pour assurer la sécurité de son pays, mais il ne faut jamais la sous-traiter. Nous devons toujours être en première ligne, les autres viendront en appui.
Ce que nous pouvons faire, c’est voir comment réviser nos différents accords de défenses ou de partenariat militaires. La Russie peut bien venir de façon formelle, nous aider avec la formation et appui logistique, renseignements et équipements. Mais ce qui est de travailler avec les mercenaires ou toute autre structure privée en la matière…, serait dangereux pour nous, et je ne suis pas pour cette option.
Si c’était un président civil qui avait envisagé cette alternative d’amener les mercenaires, j’allais comprendre un peu. Mais ce sont des militaires, c’est vraiment une honte nationale. Je propose qu’on fasse des recrutements massifs dans l’armée, qu’on les dote en armes et équipements car personne d’autre ne va sécuriser notre pays à notre place. Il faut qu’on arrête de se leurrer, Barkhane, Minusma, ils sont là au minimum jusqu’en 2034, et en plus ils ne vont rien changer. C’est à nous de prendre à bras-le-corps notre destin sécuritaire.
Nous sommes dans un pays qui a trop souffert. Dépenser 6 à 9 milliards de nos francs par mois sera trop pour un pays comme le nôtre. Ce que la Russie peut faire, c’est de nous fournir en armement et nous allons nous battre. Au regard de cette situation, la transition ne rassure pas du tout ».
Ballibo Sow, Opérateur économique
« Qu’ils fassent tout ce qui est nécessaire pour sécuriser le pays. Mais attention, la population du Mali est sédentaire et nomade aussi ; les mercenaires ne savent pas faire la part des choses. Avec le cas de la Syrie, il y a eu trop de bavures de ces gens-là. Avant, il faut qu’on nous dise comment ils vont travailler avec les populations locales. Si la Russie nous appuie en armes et équipements, c’est mieux que des mercenaires ».