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Difficultés de vie et cumul des frustrations : Le cauchemar des mariages à distance
Publié le vendredi 24 septembre 2021  |  LE Wagadu
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Il y a mariage à distance lorsque les conjoints vivent en des endroits différents donc physiquement éloignés l’un de l’autre. Cette situation arrive le plus souvent suite à un voyage, une mutation, ou tout autre évènement contraignant le conjoint ou la conjointe à quitter temporairement ou durablement le foyer.
Il est fréquent chez certaines ethnies du Mali à fort taux d’immigration. Mais ces derniers temps, il prend de l’ampleur chez d’autres, devenant ainsi un phénomène dont presque tout le monde parle tant en mal qu’en bien. Cela n’est pas fortuit. Il résulterait de nombreuses difficultés dans ce type de mariage, mais mal connues.



Ce sont ces zones d’ombre autour de ces unions que nous voulons percer, révéler à travers l’histoire de femmes et d’hommes concernés directement ou indirectement. Ces types de mariage habituellement endogames, tantôt arrangés, tantôt forcés, ne seraient pas fondés sur le devoir et l’amour mais sur des calculs intéressés, des motivations ostensiblement économiques. Lisez plutôt notre enquête.

Belle-mère et grand-mère en deal contre moi

Fanta, raconte : « il se trouve que ma belle-mère est aussi ma grand-mère. Elle fait partie d’un groupe venu de France pour le mariage de l’une de ses filles. J’étais restée auprès de la nouvelle mariée, m’occupant d’elle depuis la chambre nuptiale jusqu’à son départ pour la France. C’est ainsi que ma photo a été montrée au grand-frère du marié, qui du coup dit vouloir de moi comme épouse. Alors, ses parents lui proposent de m’épouser et que je suis une bonne personne.

Ils lui ont donné mon numéro de téléphone. Un jour, il m’envoie un message. Et après, ce fut un long moment de silence. Au même moment, ses parents sont allés dire à mon oncle résidant en France qu’ils veulent de moi comme épouse de leur enfant. En 4 mois tout a été ficelé sans que je ne sois au courant. C’est après les fiançailles qu’ils m’ont informée. Il commença alors à envoyer un message tous les deux ou trois jours. C’est du type « salut », « ça va », pas plus que cela.

Et après, plus rien durant quatre années ! Il n’y a rien entre nous. Et voilà qu’un jour, son grand-frère vient parler à ma famille de mariage. Mais, à moi, rien ne m’a été dit. Le fiancé même est venu pour la célébration du mariage. Une semaine après le mariage, il est rentré en France. On s’est marié en 2019, alors qu’on a été fiancé en 2015 ».

« Depuis ce mariage, j’ai assez de difficultés à pouvoir communiquer avec lui. C’est toujours à moi de lui envoyer un message, mais lui ne m’écrit pas du tout et ne m’appelle pas non plus. C’est toujours à moi de dire j’ai besoin de lui pour ceci ou cela. Il m’envoie quand même des crédits téléphoniques chaque fois que j’exprime le besoin, mais refuse de me parler et de répondre à mes appels. Quand je tombe malade et que ses parents l’informent, il envoie de l’argent. Si je l’appelle pour causer, il se moque plutôt de moi me prenant pour une folle.

Je vivais chez son grand-frère, mais finalement, il a décidé que je parte rester en famille, chez mes parents. Ainsi, j’ai résidé en famille pendant un an sans que personne ne réagisse. Et là où je suis en ce moment, je n’ai plus envie de cette histoire de mariage de plus en plus agaçant. Pourtant, au départ, il était prévu qu’après le mariage, je le rejoindrai en France. Ma vraie difficulté est que mon mari, j’ai comme l’impression qu’il se soucie peu de moi. C’est cela qui complique tout car dans un mariage, la considération, le respect et le dialogue au sein du couple comptent beaucoup.

Mais rien de tout ça. C’est toujours ses parents qui font l’intermédiaire. Si ce n’est pas à cause de mes parents, j’allais y mettre fin. En réalité, c’est eux qui m’encouragent à rester dans l’espoir qu’il m’amènera en France. C’est leur position, pas la mienne car je ne souhaite pas qu’un jour qu’il dise, elle a subi tout ça sans broncher juste pour aller en France. C’est pourquoi, en dépit de la pression de la famille, j’envisage beaucoup de choses pour moi-même y compris la fin de ce mariage dont je n’ai plus envie vraiment… ».

Le récit de Fanta est éloquent quant à ses diverses souffrances. Elle est néanmoins restée digne aussi pour faire honneur à sa famille. Mais pour combien de temps, elle pourra encore tenir ? Elle-même, avoue faire de la résilience par rapport à plusieurs de ses copines qui sont dans le même cas. Une s’est mariée en novembre dernier à 20 ans, alors qu’elle a été fiancée à l’âge de 8 ans et deux mois après elle a divorcé. D’après Fanta, elle s’est mariée au même moment que 3 de ses amies, mais elles sont déjà toutes trois divorcées. Et cela lui fait dire que le mariage à distance n’a pas d’avenir.

Père absent, besoins des enfants et de la femme !

Diaba, enseignante, se confie : « C’est à travers les parents que nous nous sommes connus. Il est mon cousin et c’est sa maman qui est venue demander ma main. Il m’a été demandé d’accepter. Évidemment, je n’ai pas refusé comme cela venait des parents. Je me suis mariée religieusement en 2007 et en 2010, nous avons fait le mariage civil. J’ai eu deux enfants de cette union. Mais en 2013 déjà, nous nous sommes séparés car il est parti à l’aventure et jusqu’à nos jours il n’est pas revenu. J’ai fait deux ans en train de lui demander de revenir ou bien qu’il me libère. Il ne m’appelle pas et ne m’envoie rien non plus. Finalement, il m’a demandée de me remarier si c’est mon souhait.

Ainsi, verbalement, il m’a libérée, mais nous sommes mariés civilement et avons un acte de mariage. Alors, j’ai engagé une procédure de divorce et il est d’accord. Durant ce mariage, j’ai eu d’énormes problèmes avec ses parents parce que je ne m’entends pas avec eux. Ils ne croyaient pas que j’allais à l’école après mon boulot. Ils pensaient que j’allais juste me promener au sens le plus mauvais du terme. Eux voulaient que je reste à la maison à ne rien faire alors même qu’ils ne subvenaient pas à mes besoins.

Ma belle-mère colportait que j’étais tombée enceinte et que j’avais dû avorter. Depuis ce mensonge, mon mari coupa tout lien avec moi, sans même demander ma version. Cela dure quatre ans maintenant. Heureusement, peut-être pour moi, j’ai demandé le divorce et il a accepté sans problème ».

Mari fragile et manipulé

« Je suis Kadidia, 32 ans. J’ai fait la connaissance de mon mari par le biais de notre griot de famille en 2012. Notre mariage était ainsi un arrangement entre les parents après une réticence de ma part alors que je venais juste de terminer mes études. Dans notre société, il est très difficile de dire non aux parents. Je me suis alors mariée à 22 ans.

Mon mari est de nationalité française, mais d’origine malienne et souffrait d’une trisomie 21, ce que j’ignorais et que les parents ont caché avant les fiançailles et même jusqu’au mariage. Nous n’avons fait qu’une semaine ensemble, la semaine du mariage. Ensuite, il rentra en France en me laissant dans sa grande famille maternelle qui vit au Mali. Quelques mois plus tard, étant donné que l’établissement de mes dossiers traînait pour le rejoindre, j’ai pris la permission de rentrer en famille. Ainsi, durant trois ans, je suis restée dans une attente infernale.

La première des difficultés que j’ai eu à subir était d’abord du côté de la mairie qui a célébré le mariage. Elle nous a attribué le numéro d’acte de mariage d’un autre couple. C’est même l’ambassade de France qui découvrit l’anomalie et nous exigea par une lettre d’amener le vrai. La procédure au Mali et en France a pris trois ans. Finalement, la seule option était l’annulation du mariage et le refaire. C’est ce que l’on a fait avec l’aide d’un avocat.

En 2015, il devait revenir pour le remariage et c’est là que les incompréhensions ont commencé entre son père, puis sa mère et moi sur une histoire de logement car, je voulais être en intimité avec mon mari. Or, ses parents lui ont bourré la tête, comme quoi s’il reste seul avec moi, je le kidnapperais et qu’il ne verrait plus sa famille. J’étais sous pression par son père et à la fin je leur ai dit qu’on arrête toutes les procédures que je n’étais plus partante. Et le père répondit que c’était ce qu’il recherchait d’ailleurs pour cette union.

Mais, dans l’espoir de sauver mon mariage, je cherchais toujours à rencontrer mon mari qui me boudait et que j’ai réussi à convaincre de me voir mais dans leur grande famille. Là, nous avons échangé, mais après, au lieu d’une réconciliation, c’est un mari remonté contre moi que je redécouvre qui me demande de l’oublier. C’est ce que j’ai fait et ce fut la fin de tout ».

Mariage à mi-temps versus mariage à plein temps

Coumba Bah, communicante sur les questions de la Cité, de la femme et des jeunes filles :

« Chez nous en Afrique spécifiquement au Mali, la décision de voir un couple vivre séparément émane en majeure partie de la volonté du mari. C’est vrai qu’il y a des femmes qui, à cause d’obligations professionnelles, prennent aussi cette décision. Heureusement qu’il existe des magistrates, des médecins, des enseignantes, des diplomates etc. qui de par leur fonction sont souvent appelées à être mutées dans une autre région, dans un autre pays. Évidemment ces cas sont moins compliqués ».

Ils diffèrent complètement des cas des Maliens de la diaspora. Pour Coumba Bah, ces derniers mariages sont le résultat des pourparlers, des ententes, des compromis qui font que l’homme va promettre de venir autant de fois dans l’année ou va promettre de faire en sorte que la femme le rejoigne. Pour elle, il y a des données que beaucoup ignorent. En réalité, tous ceux qui résident dehors ne sont pas au paradis. Certains chôment, d’autres n’ont pas de logements ou encore sont partis du pays pour échapper à certaines obligations.

Comme dans toute chose de la vie, il y a des côtés positifs et aussi des côtés négatifs, justifie Mme Bah. Aujourd’hui quand on parle avec certaines de nos filles, elles disent préférer se marier à un aventurier parce qu’au moins “il va me donner ma villa, ma voiture. Ensuite l’homme n’est pas là et je n’ai pas tout le temps à subir ses décisions.” Il y a donc des filles qui contractent ce genre de mariage car elles se disent qu’il y aura du matériel sans autres contraintes liées au mariage.

Mais après deux, trois ans, cinq ans, on voit que la première chose qui se pose à elles c’est le problème de fertilité parce que des fois l’homme ne vient qu’une seule fois dans l’année et même peut faire deux ans sans venir oubliant que la femme répond à une horloge biologique. Là, on se dit, il a déjà une femme à l’extérieur, il est en train de faire sa vie, moi, j’ai le matériel, mais sans l’émotion ou le soutien moral.

Un autre avantage que certaines ont est le fait que l’homme accepte de la mettre hors de la grande famille évitant ainsi de subir les violences qui s’y déroulent. Or, c’est là un couteau à double tranchant. En effet, beaucoup se retrouvent avec des promesses, mais lorsque le mariage est contracté, l’homme te dit que pour raison de moyens financiers ou sur pression de la famille, ce n’est pas possible, je ne peux pas avoir une femme qui se pavane par là et que personne ne s’occupe de ma maman.

Du coup, la femme accepte étant dans un contrat : le mariage. Beaucoup de jeunes mariées se transforment ainsi en assistantes ménagères pour ne pas dire aide-ménagères pour la famille du mari expatrié.

La première chose qu’on peut dire dans le monde d’aujourd’hui, c’est qu’on doit se marier par amour car on estime que tout être humain qui est dans un mariage doit l’être de son plein gré. Malheureusement, il y a cette triste réalité qui fait que beaucoup de filles sont mariées avant 18 ans. Elles rentrent ainsi dans le mariage d’enfant. Ce mariage-là est synonyme de mariage forcé parce que l’enfant n’a pas de consentement.

Si on se marie parce qu’on aime quelqu’un, la difficulté du couple qui vit à distance c’est le fait de la séparation et de la nostalgie, insupportables à la longue. C’est connu que l’homme qui est à l’étranger se permet d’avoir des concubines ou d’autres épouses à l’insu ou même avec l’aval de la femme. Il comble ainsi ses besoins biologiques et émotionnels, du coup il peut se passer de sa femme un an, deux ans, même plus sans venir la voir au pays.

Je me rappelle dit Coumba Bah : « il y a trois ans, une de nos sœurs nous avait approchées. Elle s’était mariée avec un monsieur. Elle a eu un premier enfant et le mari est parti à l’expatriation, en Italie. Au bout de quelque temps, un message est tombé comme quoi l’homme est décédé. Elle a fait son veuvage et après, elle a été donnée en mariage au petit-frère de son mari. Elle a subi le fameux lévirat. Elle eut un enfant avec ce dernier et cinq ans plus tard, son premier mari est réapparu. Elle chercha alors une solution car elle aimait son premier mari. Alors, je me garde de trancher formellement sur le ratio inconvénients et avantages de cette union car les acteurs ne sont pas guidés par les mêmes motifs », confie Mme Bah.

Ce que voit l’église

Pasteur André Thera, Église évangélique Baptiste :

« En ma qualité de pasteur, ma compréhension du mariage est qu’il reste un engagement d’un homme et d’une femme de vivre ensemble leur vie durant. Selon la recommandation biblique faite aux époux, autant que c’est possible qu’ils ne se privent pas l’un de l’autre. Tant que ça dépend d’eux, qu’ils évitent de se séparer l’un de l’autre. S’agissant du mariage à distance, je suis Malien et je vis dans un milieu où le mariage comme tel est pratiqué. Et je sais qu’il y a souvent beaucoup de soucis.

Lorsqu’un homme se marie vivant hors du pays loin de la famille, loin de son épouse, toutes sortes de choses indésirables peuvent arriver. Nous avons vu des cas où des filles très jeunes ont été mariées et amenées hors du pays et il a fallu la grâce de Dieu pour que ces filles puissent revenir au pays et les choses que nous apprenons souvent sur leur séjour sont atroces. Un homme vient d’épouser une fille, le milieu où ils vont n’est pas forcément d’une épouse dont il a besoin, alors, il peut l’exposer à beaucoup d’autres choses.

Les parents n’étant pas là pour être garants du suivi de leur mariage. Ceux qui partent et laissent leur femme au pays, en famille ou en communauté sont autant responsables. Tout cela prouve que les mariages à distance sont si complexes qu’il faut autant que possible en diminuer, car il semble y avoir plus de conséquences que d’avantages ».

L’Islam pour un court délai de séparation des conjoints

Alassane Diabaté, enseignant et Imam par intermittence :

« En Islam, le mariage est sacré et c’est pourquoi il y a tout un rituel pour le sceller. Ainsi, selon les écrits et d’après les savants, le mariage est fait pour que les couples vivent ensemble, sous le même toit. Mais il arrive que le mari doive aller ailleurs et laisser la femme. C’était le cas à l’époque du Djihad, la guerre sainte. Entre-temps, sous le Califat d’Oumar le 2ème des successeurs du Prophète Muhammad, paix et salut sur lui, après Abu Bakr As-Siddiq pendant ses rondes, il a entendu certaines femmes qui parlaient de leur mari sous forme de plaintes.

Alors, Oumar alla demander à sa fille : « l’homme doit faire combien de temps sans sa femme » et elle lui a répondu que cette durée ne doit pas dépasser quatre mois et si c’est plus que cela, il peut y avoir des choses néfastes. À partir de là, on peut affirmer que la religion musulmane n’a pas fait d’ouverture pour faciliter le mariage à distance.

Donc, pour la religion musulmane, entre l’homme et la femme, le temps de séparation doit être 4 mois. Par consentement mutuel, ça peut aller jusqu’à une année même deux, mais s’il est exagéré c’est interdit car le mariage est fait pour certaines choses et si vous vous éloignez, il peut y avoir des tentations que la religion interdit ».

Rigueur de la loi

Oumar Touré, juge au tribunal de grande Instance de la Commune VI :

« Le mariage à distance a beaucoup de conséquences. Déjà par le fait que les deux époux ne vivent pas ensemble en est une. L’époux vivant dans un pays lointain, l’épouse dans un autre pays ou une autre ville généralement, ces mariages-là sont conçus selon les cultures de la famille.

Vous trouverez que ce sont des couples qui ne se connaissent pas. Tout est arrangé par les familles, les amis par téléphone et d’autres moyens. Et des années durant l’époux ne vient pas ou vient seulement une fois l’an pour une courte durée. Cela peut engendrer l’adultère parce que la femme qui est légalement mariée à un moment ou un autre va avoir des comportements en porte à faux avec les principes du mariage. L’homme également qui se trouve hors du pays, lui aussi, ne reste certainement pas tranquille et mène une autre vie là-bas.

Mais par rapport à l’homme, la société accepte plus ou moins qu’un homme marié ait une autre vie même s’il est marié sous le régime de la monogamie, mais pour la femme dans notre société, c’est inacceptable. Etant mariée même si ton mari n’est pas là durant des années, c’est inadmissible que tu sortes avec un autre homme. Généralement ces femmes-là font des enfants après plusieurs années d’attente. Comme juge, j’ai fait la région de Kayes où ce type de mariage est récurrent. L’essentiel des divorces concerne des couples qui sont restés cinq ans, six ans, sept ans jusqu’à huit ans sans que le mari ne vive avec la femme. Pendant ce temps d’absence prolongée, la femme connaît une autre vie, avec d’autres hommes, tombe enceinte et après c’est le divorce. Pour moi, c’est un non-mariage.

La loi dit qu’après trois ans, si le couple est séparé, l’un des époux est fondé à demander le divorce. Concrètement, il s’agit de l’Article 348 de la loi n°2011-087/ du 30 décembre 2011 portant code des personnes et de la famille qui dispose : « Un époux peut demander le divorce, en raison d’une rupture prolongée de la vie commune lorsqu’ils vivent séparés de fait, depuis trois ans ou en cas d’impossibilité de l’un de satisfaire à ses obligations conjugales ».

Sidy, ancien immigré :

« Je vis à Bamako et ma femme à Paris en France. On s’est marié voilà des années, lorsque j’étais à l’aventure au Congo. À l’époque, les travailleurs maliens en France se mariaient beaucoup avec des femmes vivant en Afrique. Évidemment, les femmes restées au pays souffrent de cette séparation, mais aussi les maris qui sont à l’étranger.

Dans le milieu soninké que je connais étant moi-même Soninké, les hommes résidant à l’étranger tant qu’ils envoient de l’argent pour supporter les charges, les femmes supportent silencieusement leur absence. Les choses se compliquent dès que ces envois cessent où se raréfient.

Il y a aussi des hommes comme moi dont la femme est à l’étranger et l’époux au pays. J’avoue que ce n’est pas facile. Nous ne communiquons que par téléphone pour nous soulager de la distance et de la nostalgie. Parfois, elle craque comme moi-même d’ailleurs sans compter les nuits blanches, les scènes de jalousie ». Sidy conclut que ce type de mariage n’en est vraiment pas un et qu’il faut être psychologiquement bien armé pour y entrer et y demeurer longtemps.

Mohamed, expatrié en Italie :

« Les Maliens qui épousent des femmes au pays et vont à l’aventure ne peuvent raconter tous les problèmes qu’ils vivent dans ces unions. Heureusement, nombreux sont les croyants parmi eux, respectueux de l’honneur et de la parole donnée ».

Vivant en Italie depuis quatre ans, Mohamed avoue avoir perdu beaucoup de choses dont la plus importante est d’avoir des enfants. « J’étais parti du pays juste après mon mariage religieux pensant faire le civil au retour et ensuite amener ma femme auprès de moi. Nous étions en 2012 et on a juste passé deux mois ensemble. Je suis venu à Bamako en 2014 et Dieu faisant bien les choses, nous avons eu un enfant. En 2015, me voilà en Algérie et deux ans plus tard en 2017, je rentre en Italie bien sûr sans ma femme, restée au pays ».

Mamadou lamine Bane, chargé des affaires sociales et des questions de migration et de l’information au Secrétariat exécutif du Haut conseil des Maliens de l’extérieur

Le mariage est l’une des valeurs sociétales qui compte dans nos sociétés. Le mariage à distance est beaucoup plus fondé sur le système traditionnel. Généralement dans certains milieux, la jeune fille était prédestinée à une personne avant même sa puberté. Ce système a quelque peu évolué aujourd’hui surtout dans des grandes villes, dans les cités cosmopolites. Les futurs époux peuvent se rencontrer à l’école, à l’université, ou sur les lieux de travail, ou tissent des liens d’amitié qui peuvent aboutir au mariage.

Ce type de mariage est différent de celui scellé à travers les correspondances, les téléphones, le visionnage d’images et les pressions de la famille ou de la communauté. C’est vrai aussi que la communauté et la famille sont souvent des soupapes de sécurité régulant en quelque sorte le système permettant un tant soit peu d’aplanir les difficultés par la médiation quand elles surviennent ».

Bane se dit bien placé pour s’exprimer ainsi. C’est pourquoi il évoque d’autres aspects en rappelant qu’à l’époque où l’immigration était une immigration de travail, les couples se rejoignaient sur la base de regroupement familial. Cela n’existe que rarement maintenant.

Lorsqu’il arrive que le mari abandonne sa femme, le seul soutien possible ne peut être que le recours aux services sociaux du pays d’accueil, les missions diplomatiques et consulaires et naturellement les conseils de base des Maliens établis à l’étranger à travers les bureaux des associations locales qui font la médiation.

Pour Mamadou Lamine Bane, toute femme ainsi abandonnée est rapatriée si évidemment elle le désire. La diaspora malienne, selon lui, intègre tout cet ensemble de problèmes dans ses missions.

Aussi, y a-t-il cette évidence que des difficultés subsistent au sujet des mariages à distance car en plus des besoins émotionnels et physiques non comblés, des frustrations naissent lorsque l’épouse se trouve obligée d’être seule responsable de l’éducation des enfants. Cette monoparentalité joue sur les enfants qui grandissent dans un environnement « sans père ».

L’idéal pour des conjoints, c’est de vivre physiquement ensemble, mais les aléas de la vie en décident autrement. Si cela arrive, il faut positiver et faire des concessions pour que le couple survive à la distance. Les sociologues pensent que la communication dans ce cas est le meilleur remède.

Enquête réalisée par Mariam dite Mama DIARRA avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO
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