« J’ai été choqué. Ses propos sont inadmissibles… Le Premier ministre malien est l’enfant de deux coups d’État… Donc, la légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle. C’est inadmissible ce qu’a dit le Premier ministre malien. C’est une honte. Et ça déshonore ce qui n’est même pas un gouvernement, les gens qui sont aujourd’hui à la tête du Mali. Je sais que le peuple malien ne pense pas ça…
Un tel mépris des dirigeants maliens actuels, à l’égard de nos soldats, des vies qui ont été laissées, c’est inadmissible.
Je n’attends rien des dirigeants maliens. J’attends qu’ils respectent leurs engagements ; qu’en février il y ait des élections… J’attends que le processus électoral soit fait ; que ceux qui sont là par le fruit d’un coup d’État respectent la vie démocratique et arrêtent de mettre en prison les dirigeants politiques ; qu’ils fassent leur travail qui consiste au retour de l’État à Kidal, dans le nord du pays… Nous, nous allons continuer à développer les projets en matière de développement et on va continuer la stabilisation… Mais, ce travail ne peut pas être fait si les dirigeants ne prennent pas leurs responsabilités. »
Ainsi réagissait, le 30 septembre 2021, le président français Emmanuel Macron, en réponse à une question posée par une journaliste de RFI en marge du dîner de clôture de la saison Africa 2020 à l’Elysée, à Paris. Entre Paris et Bamako, l’escalade verbale semble atteindre son paroxysme avec cette sortie du locataire de l’Elysée qui n’hésite jamais à cracher ses « vérités » sur les gouvernants maliens surtout ceux issus de ses « deux coups d’Etat ». En mai dernier, Emmanuel Macron avait violemment apostrophé la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour avoir cautionné le deuxième coup d’Etat du colonel Assimi Goïta contre Bah Ndaw et Moctar Ouane. Sur ce plan, le président Macron n’a rien changé de ses prises de position virulentes contre les auteurs du coup de force militaire du 18 août 2020 et leurs soutiens. Des attaques arrogantes comme celles-là constituent l’ossature de la « doctrine macronienne ».
On a beau considérer les propos du président Macron comme méprisants et insultants à l’égard des autorités maliennes de transition, il ne sert à rien de perdre le sens de la lucidité et du réalisme en engageant un inutile bras de fer avec la communauté internationale. Depuis les attaques lâches et ignobles des traîtres aventuriers du Mnla en janvier 2012, le Mali est un pays souverain sur le papier. Mais en réalité, c’est un pays sous tutelle internationale. Donc une souveraineté fictive ! A quoi sert de se bomber la poitrine à Bamako si on n’est pas capable d’exercer son contrôle sur des pans entiers du territoire national livrés à des groupes armés et djihadistes ? Quand on n’a pas les moyens de son orgueil, le réalisme voudrait qu’on s’éloigne des coups de gueule ou de prise de positions sentimentales dans la gestion des affaires publiques, surtout d’un pays comme le Mali. Comme l’a souligné un excellent confrère, « les Maliens sont trop dans l’émotion et feignent de voir la réalité en face ». Aujourd’hui, le Mali ne peut pas avoir sur son dos la France, l’Union Européenne, les USA, la Cedeao, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (Cma) et les groupes djihadistes et prétendre exister comme un pays un et indivisible.
Dans cette situation, c’est Dr Choguel Kokalla Maïga qui joue gros. Les compromis sur une éventuelle prorogation de la transition et d’un ré-rapprochement avec l’Occident risquent de se faire sur le dos du président du Comité stratégique du M5-RFP. Si la France a abandonné le Mali en plein vol, Dr Choguel Kokalla Maïga court donc le risque d’être lâché en pleine transition par les colonels du CNPS. En préférant le silence mais multipliant les contacts, le président de la Transition, Colonel Assimi Goïta se couvre et n’hésitera pas un seul instant à sacrifier son Premier ministre, si la situation devient menaçante pour la survie de son pouvoir.