Emmanuel Macron, président français, a invité 11 jeunes du continent noir pour le sommet Afrique-France qui se tient depuis 1973. 48 ans après son démarrage, cette rencontre se tient ce vendredi 8 octobre à Montpellier (France), pour la première fois sans les chefs d’Etat africains. Ils sont de jeunes entrepreneurs, créateurs, artistes, intellectuels issus de la société civile du continent africain à prendre place aux côtés de M. Macron et d’Achille M’Bembe, théoricien du post-colonialisme, politologue et historien de son état. Ce dernier, non moins universitaire camerounais, serait l’architecte de ce sommet.
«Découvrir, échanger, construire, réinventer les relations entre l’Afrique et la France Le 8 octobre 2021 à Montpellier. La construction de nouvelles relations Afrique-France ne peut se faire sans la réinvention de l’Afrique sur la base d’une nouvelle souveraineté (tant économique que populaire et sociétale)». C’est en substance ce qu’augure ce sommet, selon les responsables.
En effet, c’est Macron qui décide unilatéralement du format que doit pendre ce sommet. N’est-ce pas un sentiment de supériorité qui prouve que déjà l’Afrique n’aura rien à gagner. Certes une belle initiative, mais qui ne résout toujours pas le problème Afrique-France. Les solutions aux problèmes africains se trouvent en Afrique et non en France qui a toujours une méthode pour préserver ses intérêts sur le continent.
«Vous êtes les acteurs du changement. C’est vers vous que je me tourne pour écrire la nouvelle page des relations entre l’Afrique et la France, avec exigence et sincérité», s’est-t-il adressé aux 11 jeunes Africains choisis par eux pour représenter le continent. Il s’agit là, selon le président français, d’une nouvelle formule du Sommet Afrique-France sans chefs d’Etat ou autorités institutionnelles. Une première qui sera, dit-t-il, exclusivement consacré aux attentes de la jeunesse africaine. Le hic, c’est que ce sommet, nouvelle version, se tient au moment où il y a une brouille diplomatique entre le Mali et la France. Une situation qui fait polémique. Mieux, les jeunes choisis semblent être, aux yeux des citoyens, proches de l’Elysée. En tout cas, pour le cas du Mali, le choix de ceux qui vont parler au nom des jeunes fait polémique. Selon une source proche des organisations de jeunesse, le CNJ-Mali, organisation faîtière de la jeunesse malienne, n’a pas eu d’invitation de la part de l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer. Y compris les grandes fédérations représentatives de la jeunesse. «Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce sont plutôt des jeunes proches de Paris qui vont surtout caresser Macron dans le sens du poil ; sinon ce n’est pas pour parler au nom de la vaillante jeunesse du Mali. Il est incompréhensible de tenir de telles assises sans pourtant tenir compte de toutes les sensibilités sur la politique française au Mali», a confié notre source.
Peut-on discuter de partenariat, de l’avenir du continent sans les dirigeants? Ces jeunes ont quel impact sur la gouvernance de leurs pays? Sont-ils la voie autorisée? Que cherche la France en Afrique? Pourquoi continuer avec cette forme de colonialisme, pourquoi pas le sommet Afrique-Europe? Voici autant d’interrogations que suscite ce nouveau format du sommet Afrique-France.
Pour Abdoulaye Baba Touré, un élu communal, Président d’honneur de Siguida Yelen, un partenariat se discute entre responsables.
«Les autorités françaises ne peuvent pas déterminer le mode de partenariat avec la société civile malienne. J’ose espérer que les jeunes à qui ils s’adressent lui ont fait comprendre que notre pays est malgré tout assez ordonné pour qu’un dirigeant d’un autre pays passe par eux qui ne sont pas des représentants (élus) légaux pour décider de la trajectoire à donner à la relation entre l’Afrique et la France. S’il doit avoir relations, c’est aux autorités d’en déterminer les contenus. Sinon la France peut continuer à financer les projets des ONG, associations comme elle le fait d’ailleurs. Mais ces financements n’engagent qu’elle et les actions de ces ONG, associations devront être inscrites dans un cadre légal qui obéit aux règles tracées par les autorités légales du Mali», a-t-il réagi.
Pour Mahamane Mariko, président du parti Convention des réformateurs pour l’alternance et la justice (Craj Faso-Nyèta), depuis quelques années, les Français ont compris qu’ils sont en train de perdre leur influence sur les anciennes colonies. Il y a une forte présence chinoise, américaine, etc. D’après lui, certains dirigeants se retournent vers d’autres cieux comme au Rwanda, en Guinée Conakry.
«Puisqu’ils ont dans des prévisions futuristes pour tenter de préserver les intérêts économiques et culturels liés à ces anciennes colonies. D’où la détection de certains jeunes leaders qui se reconnaissent dans leur modèle. Ils cherchent à travers cette élite jeune le moyen de maintenir le cordon ombilical que certains appellent de tous les vœux à couper (Alpha Condé). Je pense que les Américains ont lancé il y a quelques années ce schéma à travers le “Yali” », a-t-il rappelé.
A en croire Mahamane Mariko, c’est évident, ils cherchent des nouveaux points d’ancrage. Ils pourraient compter sur le moyen et long terme. Mais le sentiment anti-français est poussé à un niveau qu’ils ont peu de chance de prospérer.
«Cette jeunesse doit pouvoir plaider ensemble la cause de l’unité nationale, un nouveau partenariat décomplexé et gagnant-gagnant», a-t-il conseillé.
En sommes, la jeunesse doit comprendre que la menace ne provient plus de nos chefs d’Etat qui sont la plupart sous le contrôle de ce soi-disant «pays ami», mais au sein de cette jeunesse, consciente, engagée déterminée à changer la donne. Pourquoi elle se tourne vers elle, chez qui le sentiment anti-néocolonialisme français ne fait qu’augmenter. Alors le combat légitime de cette jeunesse consciente africaine, c’est de faire savoir à la France que nous sommes en mesure de prendre nos propres décisions sur l’avenir de notre continent. Et cela, sur tous les plans. Aux Africains de savoir que quelle que soit la forme que la France donnera à ce sommet, c’est toujours la même image négative qu’elle renvoie à l’Afrique. Que l’on apprenne à se détacher du passé.