Depuis novembre 1973, sous la présidence de Pompidou, le sommet France-Afrique est une rencontre annuelle d’une haute importance. Cette rencontre, entre chefs d’États africains et les présidents français, aux allures d’un briefing entre patron et employés, a toujours été l’occasion pour l’Élysée de prendre la mesure des impacts des politiques menées dans le pré-carré français. Ainsi, le colon peut-il sonder, tout en écoutant les attentes des africains, le degré d’influence qu’il peut avoir sur ces « partenaires « qui font de lui une puissance mondiale.
C’est aussi l’occasion pour les invités de marque, sous une domination évidente mais non apparente, de faire le point sur les relations multilatérales qui les lient à la France et aux uns et autres. Mais cette année, le jeune président Macron a voulu innover. Il a porté son regard sur la société civile, peut-être pour entendre un autre son de cloche. Ce choix est-il motivé par une méfiance à l’égard des chefs d’Etat africains ou par une volonté d’être à l’écoute des générations futures plus concernées et plus impliquées dans la recherche de solutions à long terme pouvant aboutir à une libéralisation du continent ? Nul ne connait les vrais motifs de changement soudain.
En revanche ce que l’on sait c’est que les invités, des jeunes patriotes, n’ont pas manqué de poursuivre le président français jusque dans ses retranchements. Les adversaires ont été moins dociles qu’il espérait. Il avait l’habitude des échanges mielleux avec des politiciens soucieux d’être adoubés par la France mais il a découvert la fougue d’une jeunesse en ébullition. Il s’est bien prêté au jeu et cela lui a permis de prendre la mesure de la frustration des peuples africains.
Au sommet de son sommet, le président Macron a toutefois refusé de reconnaitre la nécessité de demander pardon car pour lui, l’heure est à la « reconnaissance ». Oui, il se dit président d’une France reconnaissante à l’Afrique pour le sacrifice d’hier et celui d’aujourd’hui. Pour tenter d’honorer cette dette, le président Macron a fait des annonces de solutions alternatives aux aides au développement qui n’ont profité jusqu’ici qu’aux dirigeants africains.
C’était donc une bonne idée de rencontrer ceux qui n’ont jamais pu faire entendre leurs mécontentements de la politique menée depuis l’indépendance des anciennes colonies françaises. Prions pour que désormais le sommet France-Afrique continue d’être une occasion de donner la parole aux plus concernés. Nous n’y irons plus à Paris pour nous gratter la tête ou peser nos mots pour éviter de vexer un hôte qui a plus à gagner que nous-mêmes. Ce sommet ne doit plus être une occasion de faire de la politique politicienne entre Chefs d’Etat cherchant la bénédiction de la toute puissante France.