Après la seconde guerre mondiale, il a été reconnu à tous les peuples, en théorie, un droit de disposer d’eux-mêmes. Les nations Unies se sont alors fixées comme objectif de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et de prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix dans le monde ». Pour atteindre l’ambition affichée, l’article 1 de la Charte des Nations Unies, consacrant le principe du droit à l’autodétermination, fut adopté par les instances de l’ONU.
Cette charte venait donc d’introduire une plus grande humanité dans les relations internationales et relations entre différents peuples. Bien évidemment les nouveaux États, accédant à l’indépendance dans les années 60, ne pouvaient qu’apprécier la reconnaissance officielle d’un droit naturel.
Pourtant, encore de nos jours la question du respect de ce droit naturel se pose. Les États décolonisés, pour divers motifs, demeurent sous joug de l’ancien colon. Le fait n’est pas reconnu, l’ancien colon se gardant bien d’avouer l’existence d’un néocolonialisme. La France (par exemple) a toujours nié à avoir un pré-carré en Afrique de l’Ouest. Mais l’indépendance acquise par les anciennes colonies, le cas du Mali, demeurant une indépendance de façade, le néocolonialisme apparait de plus en plus pesant.
En réalité, la relation franco-malienne est assez complexe. Le Mali est un État dont la souveraineté n’est pas contestée par la France. Toutefois, les faiblesses de l’économie nationale, l’insécurité récurrente et la mauvaise gouvernance incitent une ingérence française. Si elle n’est pas voulue dans tous les cas, cette ingérence est dans certains cas recherchée, dans d’autres cas elle est provoquée.
Ainsi, le peuple malien est perdu dans les méandres des relations franco-maliennes. Les voies s’élèvent pour scander « à bas la France » et les extrémistes vont jusqu’à brûler le drapeau français lorsqu’éclate entre les autorités respectives des deux pays un conflit d’intérêts. Très souvent, la société civile comprend mal et encaisse mal les positions prises par la France. Les tensions montent car les maliens ont le sentiment d’être méprisés par une France qu’elle a pu qualifier « d’arrogance et d’ingrate ».
Paris, accusé d’avoir importé le terrorisme au sahel pour s’approprier les richesses du sous sol, se défend tant bien que mal. Scandalisé par une telle accusation alors même que les fils de la nation française meurent tous les jours pour la défense du Mali, Paris multiplie les communiqués. Le couple France-Mali se dispute mais le divorce n’est pas envisageable en dépit des frustrations ressenties par les enfants.
Au fond, si les maliens réclament le droit de disposer d’eux-mêmes de la façon qu’ils jugent la plus appropriée, la France doit comprendre cela. D’ailleurs, elle nie avoir un quelconque intérêt au Mali qui pourrait justifier une ingérence. Ses troupes ne sont sur le son malien que parce que les autorités locales l’ont voulu. Il suffit donc que ces dernières l’invitent à retirer ses troupes pour qu’elle le fasse. Le peuple malien, selon le président Macron, demeure libre du choix de se défendre sans la France et notamment en ayant recours à d’autres partenaires.
Mais en brandissant la menace de son départ du champ de bataille si le Mali fait appel à des mercenaires, ne contraint-elle pas l’État malien à limiter ses options ? Les maliens ne sont-ils pas en droit de rechercher la sécurité de leur territoire sans se soucier des convenances de l’Etat français ? Toute opposition de la France au projet de diversification des partenaires de lutte ne constitue-t-elle pas une négation implicite du droit du peuple malien à disposer de lui-même ?
Si le refus de Paris de côtoyer des « mercenaires » est en principe légitime, la préservation de l’Etat, Barkhane n’ayant remporté que de timides batailles, doit primer. Les maliens s’attendaient à ce que Paris propose une alternative au recours à un groupe privé de sécurité au lieu d’un rejet en bloc d’une solution destinée à pallier les inconvénients d’une diminution des troupes françaises. Le peuple malien lui sait gré pour les investissements (humains, matériels et financiers) que la France fait au quotidien dans cette lutte. Mais elle ne saurait se substituer à l’Etat souverain du Mali pour la prise de décision concernant la conservation de l’intégrité du territoire malien. Paris a un devoir de conseil et d’assistance mais en aucun un droit d’ingérence en dépit de l’incongruité de la décision envisagée par les autorités maliennes.
Il faut faire place à une diplomatie raisonnée qui serait plus conforme au principe de la liberté de choix des peuples. Le bras de fer doit cesser. Emmanuel Macron, en position de force, doit revenir à de meilleur sentiment et se rappeler les enjeux sécuritaires en cause. Un sahel déstabilisé sert mal les intérêts français. Les autorités maliennes ne peuvent se permettre de perdre ce partenaire incontournable. L’émotion doit faire place à la raison….