Si l’esclavage persiste à Gao, à Kidal, à Tombouctou et dans certaines parties de la région de Mopti, la région de Kayes a enregistré ces dernières années des attaques très violentes. Les individus ou groupes d’individus qui rejettent l’appellation « esclaves » et tentent de défendre leurs droits, font l’objet d’attaques violentes. Des responsables d’associations anti-esclavagistes ne sont pas épargnés. Certains ont quitté leurs villages sous la menace. D’autres sont victimes d’autres formes de privations. Et avec souvent des morts d’hommes ! Des vidéos tournées dans certaines communes du cercle de Bafoulabé, dans la région de Kayes, ont choqué toute âme éprise de paix et de justice. Des scènes atroces, humiliantes et dégradantes ! Des atrocités commises au nom de ce système « d’esclavage par ascendance ».
Des dénonciations sont faites mais la réponse des autorités judiciaires et administratives n’est pas toujours à la hauteur de la gravité de la situation. Jusque-là, la machine judiciaire semble plus lente à s’engager dans la répression de ces atteintes graves à la dignité humaine et de ces violations flagrantes et graves des droits de l’homme qui constituent des crimes ou des délits selon la législation pénale.
Selon Alioune Tine, expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali et Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, « l’augmentation spectaculaire des attaques cette année montre l’incapacité flagrante du gouvernement à protéger sa population, en particulier celle qui souffre déjà le plus de la discrimination et de la violence ». Si pour Alioune Tine, « les attaques constantes et systématiques contre les personnes considérées comme « esclaves » sont inacceptables et doivent cesser immédiatement », Tomoya Obokata, estime que « de telles attaques vicieuses sont incompatibles avec une société inclusive » et ajoute, péremptoire : « Nous les condamnons dans les termes les plus forts ».
Le risque immédiat, si l’Etat ne s’assume pas pour circonscrire ce phénomène gravissime, est une possible récupération de ces tensions par les groupes armés extrémistes qui surfent sur des situations de ce genre. C’est pourquoi il faut vite agir, surtout que certaines zones de cette partie du pays commencent à enregistrer des attaques violentes des groupes armés extrémistes. Le 28 septembre dernier, cinq éléments de la Forsat de la gendarmerie qui escortaient un convoi d’une société minière ont été tués dans une attaque revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Le 11 septembre, deux routiers marocains et un policier de la brigade anti-criminalité (BAC) ont perdu la vie dans des attaques similaires. Il faut des actions urgentes et vigoureuses sur plusieurs plans, de la part de l’Etat. Les autorités ne peuvent plus continuer à afficher une sorte d’indifférence vis-à-vis de cette situation. C’est le temps d’agir ! Car l’inaction de l’Etat pourrait déboucher sur des tensions, lesquelles tensions, nous le répétons à dessein, pourraient être facilement exploitées par les groupes armés extrémistes, pour créer une situation de belligérance entre les communautés. Gouverner, c’est prévoir !
Par Chiaka Doumbia
L’esclavage, le Coran et les musulmans
Note de l’auteur : je ne suis ni exégète, ni expert en science islamique. Mais en tant que chercheur et musulman pratiquant, je peux me permettre d’évoquer ma vision et ma perception de l’esclavage et de l’islam. Cela fait quatorze ans que je milite activement au sein de l’association Temedt. Une association qui lutte courageusement contre les pratiques de l’esclavage dans notre société. L’esclavage, cet héritage têtu, qui inhibe notre progrès social, économique, politique et culturel. Il constitue sans nul doute un des freins à l’évolution de notre société.
La production du présent article fait suite à deux situations qui m’ont profondément marqué en 2019.
La première : au cours de nos campagnes de sensibilisation sur l’abandon des pratiques de l’esclavage par ascendance, j’ai plusieurs fois entendu dire cette assertion : « Dieu créa chaque chose et son contraire : le bien et le mal, la vie et la mort, le paradis et l’enfer, le ciel et la terre, le croyant et le mécréant, l’homme et la femme, et enfin le noble et l’esclave. »
Observation : Comme il est aisé de le comprendre, ces argumentations très répandues chez ceux qui continuent de faire l’apologie de l’esclavage, ne sont qu’une ruse pour que les esclaves continuent à se soumettre à leurs maîtres. Aux attributs divins qui sont le ciel et la terre, la vie et la mort, on fait intelligemment l’amalgame de l’esclavage qui est une construction humaine.
La seconde expérience est plus pathétique. Un homme d’un âge avancé en provenance du nord du pays, est venu à Bamako dans le but de rencontrer des responsables de Temedt. Au premier responsable qu’il rencontra il se confia à lui en ces termes : « J’ai un esclave que j’ai hérité de mes parents. Nous avons à peu près le même âge. Il a été fidèle toute sa vie. Cependant, depuis quelques années, je n’avais pas la conscience tranquille. L’idée de maintenir Mouda dans l’esclavage me hante et continue de me troubler. C’est ainsi que j’ai décidé l’année dernière de l’affranchir, lui et toute sa famille. Un soir, je lui ai fait savoir qu’il est désormais libre. Et que ma décision est valable pour tous les membres de sa famille. Et, en conséquence j’ai décidé de lui céder le tiers de chacun de mes deux troupeaux de vaches et de chèvres. Surpris, Mouda après un long silence, m’a demandé de lui donner un temps pour réfléchir. Le lendemain il s’approcha de moi et s’exprima en ces termes, je cite : ‘’Toi et moi, on a grandi ensemble. On s’est mariés à la même période. Tu es mon maître. Tu es noble et moi, je suis ton esclave. On a toujours vécu ainsi. Aujourd’hui, nous sommes tous âgés. Peut-être qu’il nous reste très peu de temps à vivre. C’est aujourd’hui que tu veux me rendre ma liberté après m’avoir exploité, moi et ma famille, toute notre vie. Je n’ai que faire de ta décision. Toi et moi, nous allons nous retrouver devant Dieu, avec chacun son statut : tu es le maître et moi l’esclave. Tu vas te justifier devant l’Eternel. Je comprends que tu veuilles soulager ta conscience, mais c’est trop tard. Je n’en ai que faire, de la liberté.
Suite à mon insistance, il ajouta avec gravité les mots suivants : ‘’Adolescent, je fus battu par toi plusieurs fois sans broncher. Cependant, si tu m’enquiquines avec cette histoire d’affranchissement, prépare-toi au pire. Car un d’entre nous sera obligé de tuer l’autre.’’
Le connaissant, j’ai pris sa réaction très au sérieux. Et j’ai cessé mes démarches auprès de lui. Je demande à votre association de m’aider à trouver la solution. Je pense que mon intention est louable ! »
Après l’avoir attentivement écouté, le camarade de Temedt, le conseilla de voir le fils ainé de Mouda qui est en Côte d’Ivoire. Peut-être qu’il pourra convaincre son père d’accepter son offre. Et comme on dit, il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Observation : Si certains font l’apologie de l’esclavage, d’autres par contre éprouvent des remords. Et tous ont pour référence le Coran.
I-Aperçu historique
Il est simple aujourd’hui, de juger a posteriori, plusieurs siècles après que les faits ont été commis, les auteurs de violations de ce qui nous apparaît aujourd’hui comme des droits fondamentaux. Les Romains de l’Antiquité, par exemple, ont été élevés dans la certitude de la légitimité de l’esclavage.
Le fait que certains aient moins de droits que d’autres était à leurs yeux une certitude sincère.
C’était la vérité de leurs aïeux, des parents qui les ont élevés et cela devenait la leur, aussi sûrement que deux et deux font quatre.
Peut-on s’effrayer aujourd’hui d’actes qui ne sont abominables que sous notre regard mais qui, dans le contexte de l’époque, obéissaient à la perception d’alors du droit naturel ?
Le colon français a décrété l’abolition de l’esclavage sans une volonté politique de son éradication. Cependant on assista à la mobilité d’esclaves libérés ou fugitifs agglutinés à proximité des villes et villages où résidaient les colons, entrainant la formation de quartiers de liberté. Malgré cela, jusqu’à son départ, la question de l’esclavage demeura une préoccupation du colon français.
Après l’indépendance, le régime socialiste de Modibo Keïta en mettant fin aux tribus et aux cantons, a permis d’autres vagues de libération massive d’esclaves qui se sont constitués en villages ou fractions autonomes. Ils se sont plus ou moins émancipés par rapport à leurs anciens maîtres.
Après la chute du régime de Modibo Keïta en 1968, l’esclavage a disparu du langage politique. Mais il n’a pas disparu des réalités et des pratiques sociales.
L’Etat ne reconnaît pas l’esclavage. Aucun document officiel ne doit y faire référence. Cette attitude a fait la part belle à des notabilités et chefs traditionnels associés, d’une part au pouvoir politique, et d’autre part aux juges coutumiers. Ainsi la doctrine de l’esclavage se perpétua à des degrés différents à travers notre pays.
Après soixante ans d’indépendance, l’esclavage persiste et les mentalités esclavagistes plus encore. Ainsi, des milliers d’esclaves par ascendance vivent encore de nos jours dans nos villes, villages et nos fractions dans des conditions misérables, condamnés à subir les travaux les plus infamants, à l’analphabétisme et à des conditions de vie indignes. Ceux qui échappent à cette situation, sont souvent exclus ou obligés de se confiner dans les souffrances d’un complexe qui leur impose la réserve au sein de la société.
Jusqu’à la création de Temedt en 2006, la question de l’esclavage demeurait un tabou dont personne ne voulait ou ne devait parler.
II-Les doctrines de l’esclavage
Certes les choses ont beaucoup évolué. Cependant nous pouvons résumer culturellement les doctrines des esclavagistes dans la société malienne par les éléments suivants :
L’esclave n’a aucun droit de participer à la vie citoyenne ;
L’esclave n’est pas une personne humaine totale : c’est un éternel mineur toute sa vie. En milieu songhaï on utilise le chiffre impair 9 pour désigner l’esclavage. Le chiffre pair 10 désigne le noble, c’est-à-dire l’homme entier ;
L’esclave n’a pas ses propres terres qu’il exploite ;
L’esclave n’a pas son propre bétail, lui-même étant un bien meuble appartenant à d’autres ;
L’esclave ne peut se marier qu’avec une esclave pour enfanter des esclaves ;
L’esclave ne peut diriger une prière quelle que soit son érudition ;
Les sévices exercés sur un esclave ne sont pas réprimés sous quelque forme que ce soit ;
L’esclave a un statut de bête de somme, dont on dispose à volonté y compris pour assouvir des besoins sexuels ;
La durée du veuvage de la femme noble quatre mois et dix jours, et la femme esclave observe deux mois et cinq jours soit la moitié de la durée du veuvage de la femme noble ;
Pendant la prière la femme noble couvre sa tête, ce qui n’est pas le cas de la femme esclave ;
La femme noble ne cache pas sa nudité à son esclave homme, parce qu’elle considère comme un être incomplet ;
On appelle l’esclave rarement par son prénom, mais par son statut d’esclave ;
L’esclave est prêté, loué ou même donné en cadeau de mariage pour la fille ou le fils du maître ;
L’esclave n’a pas son mot à dire dans le mariage de ses enfants, c’est le maître qui s’en charge ;
Les enfants nés d’une femme esclave ne sont pas les enfants de leur père mais la propriété du maître de leur mère ;
Dans certaines zones on n’enterre un esclave qu’avec l’autorisation de son maître…
Aussi, nos traditions et nos coutumes ne laissent-ils aucune chance de libération aux descendants d’esclaves. On veut maintenir en permanence dans la dépendance ceux que le hasard a voulu qu’ils naissent dans des foyers « asservis ».
L’esclavage pratiqué dans nos sociétés n’a rien à voir avec l’esclavage dont parle le coran ou le prophète de l’Islam (PSL). Sa justification comme le prône certains religieux, est dénuée de tout fondement comme le démontre le chapitre suivant : le Coran et la pratique de l’esclavage.
III-Le Coran et la pratique de l’esclavage
L’approche coranique fait preuve d’intelligence contextuelle.
Or, il eût été totalement irréaliste de vouloir sans transition faire passer ce monde d’une économie de servitude à une économie de marché. Aussi, l’esclavage reposant intrinsèquement sur l’inhumanité prêtée et imposée à l’autre, le Coran, comme nous allons le constater, va mettre l’accent sur l’humanité commune à tous les hommes et sur la nécessité de son respect.
On peut repartir la démarche coranique en six étapes : humanisation de la pratique de l’esclavage, le libre arbitre, égalité entre les êtres humains, égalité morale des esclaves, mesures en faveur de l’émancipation des esclaves et suppression de l’esclavage à la source.
1-Humanisation de la pratique de l’esclavage
D’abord il y a une incitation coranique qui vise à protéger les esclaves de la cruauté de leurs maîtres.
En quelque sorte, une mesure de protection en attendant que, conformément à l’objectif coranique, l’esclavage soit éradiqué des sociétés en fonction de l’évolution des mentalités et des systèmes socio-économiques
« Adorez Dieu et ne Lui associez rien ! Envers père et mère : bienfaisance, ainsi qu’à l’égard des proches, des orphelins, des pauvres, du proche voisin et du voisin éloigné, du compagnon à vos côtés, du fils de la route et de ce que possèdent vos mains droites… », S4.V36.
Sous prétexte que l’on devait bien traiter les esclaves, l’exégèse islamique n’avait pas à envisager l’abolition possible de l’esclavage.
2-Tous les hommes naissent libres
Dieu avait doté l’Homme de raison critique et de conscience, donc de libre arbitre. Cette condition de liberté intrinsèque était impérative puisque le sens téléologique de l’Homme est de pouvoir et devoir se bien-guider pour la finalité de son existence : le Jour du Jugement denier, c’est pourquoi le coran dit : « L’Homme était pourtant quant à son âme clairvoyant », S75.V14.
C’est du fait même qu’il est libre et indépendant que, corollairement, « nul ne portera le fardeau d’autrui » au Jour du Jugement, S17.V15, et, qu’inversement, la responsabilité individuelle est totale, ce qui suppose et impose que tout être humain naisse libre.
Cependant la responsabilité incombe à celui qui prive son prochain de liberté.
3-Egalité entre les êtres humains
L’Islam est une religion fondée sur l’égalité parfaite, renvoyant tous les hommes sur un pied d’égalité : « Vous êtes les enfants d’Adam, et Adam a été créé d’argile ».
Le Coran affirme avec force l’égalité de tous les êtres humains : « Ô Hommes ! Nous vous créons d’un mâle et d’une femelle et Nous vous avons fait peuples et tribus afin que vous vous entre-connaissiez. En vérité, le plus noble auprès de Dieu est le plus pieux ; Dieu est parfaitement savant et informé. », S49.V13. Egalité des peuples et des races. La piété est ici considérée comme le seul élément de distinction et que cette dernière n’ayant de valeur qu’« auprès de Dieu », nul ne saurait en tirer avantage Ici-bas.
Il n’y a pas de race ou de peuple supérieurs, il n’y a pas de race ou de peuple inférieurs.
Pour Allah, la piété est le seul critère d’hiérarchisation entre les hommes. A ce sujet, le prophète (PSL) a dit : « Un Arabe n’a strictement aucun mérite sur un non arabe, pas plus qu’un non Arabe n’en a sur un Arabe, ni un Noir sur un Blanc, ni un Blanc sur un Noir, si ce n’est par la piété. »
Si les êtres sont intrinsèquement égaux, aucun être humain se concevant libre ne peut donc priver son prochain de cette même liberté !
4-Égalité morale des esclaves
Dans le verset suivant Dieu fait un parallèle entre la foi en Dieu et le respect des parents, respect qu’Il va alors associer à la considération obligatoire due aux esclaves. « Adorez Dieu et ne Lui associez rien ! Envers père et mère : bienfaisance, ainsi qu’à l’égard des proches, des orphelins, des pauvres, du proche voisin et du voisin éloigné, du compagnon à vos côtés, du fils de la route et de ce que possèdent vos mains droites. En vérité, Dieu n’aime pas qui est infatué, vaniteux. », S4.V36.
D’après le Docteur Al Ajamî la locution « ce que possèdent vos mains droites » désigne les esclaves et la finale « Dieu n’aime pas qui est infatué, vaniteux » s’adresse directement et sèchement à leurs maîtres.
5-Mesures en faveur de l’émancipation des esclaves
Le Coran visa à mettre en œuvre l’émancipation des esclaves en leur facilitant l’accès à la société civile et économique : « Dieu a favorisé certains d’entre vous par rapport à d’autres en biens de subsistance. Qu’ont donc ceux qui ont été ainsi favorisés de ne pas vouloir restituer une partie de leurs biens à ce que possèdent leurs mains droites [leurs esclaves], car ils sont en cela à égalité. Les bienfaits de Dieu renieraient-ils ! », S16.V71
Le Coran prône de redistribuer une partie de ces biens afin que lesdits esclaves puissent posséder les moyens matériels d’assurer économiquement la transition vers leur libération.
D’après le Docteur Al Ajamî, l’idée est si révolutionnaire et égalitaire qu’une majorité des exégètes de l’islam s’évertua à en modifier le sens.
Le maître doit accompagner l’esclave candidat à sa propre libération pour sa réinsertion socioéconomique : « … quant à ceux de vos esclaves qui souhaitent un contrat d’affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous leur connaissez quelque bien et dotez-les d’une partie des biens que Dieu vous a donnés… », S24.V33.
Le Coran encourage l’homme libre à se marier avec une esclave : « Quant à celui d’entre vous qui n’a pas les moyens d’épouser les femmes croyantes de condition libre et de nobles mœurs, alors celles que vos mains droites possèdent parmi les jeunes femmes croyantes, Dieu connaît parfaitement votre foi, les uns comme les autres. Épousez-les donc avec la permission de leurs maîtres et donnez-leur dotation nuptiale selon les convenances, car ce sont des dames, et non des débauchés ni des preneuses d’amants », S4.V25.
Ce verset était lui aussi révolutionnaire pour la société de l’époque où l’homme utilisait la femme asservie comme esclave sexuelle, ce que le Coran interdit.
Le verset suivant vient renforcer le verset précédent : « … Et, dans votre recherche des objets de la vie présente, ne contraignez pas vos esclaves femmes à la prostitution, si elles veulent le mariage. Les contraint-on ? Dieu est alors, quand elles ont été contraintes, pardonneur, miséricordieux, vraiment », S 24V33. Comme on le voit on ne doit pas obliger son esclave femme, à la débauche. D’après Muhammad Hamidullah, le contraignant subira une peine et non pas la personne contrainte.
Dans le Coran il y a plus de quinze formes légales qui imposent l’affranchissement de l’esclave comme la réparation du meurtre, l’expiation du serment, du parjure dans le cas de proche parenté (le père, la mère, le frère, la sœur, les oncles germains, consanguins et utérins) ou de répudiation définitive par assimilation de la femme au « dos de la mère » et dans bien d’autres affaires qui ouvrent la voie à l’affranchissement.
6-La suppression de l’esclavage à la source
Dans la tradition antique, lors d’une razzia ou d’une guerre tout ce dont on s’emparait en matière de butin était considéré comme biens meubles : réserves alimentaires, troupeaux, femmes et hommes, ceux-ci étant systématiquement asservis : « Lorsque vous vous affrontez les dénégateurs, frappez-les à la nuque jusqu’à ce que vous leur fassiez éprouver la défaite. Puis liez-les solidement [c.-à-d. les prisonniers de guerre]. Alors, soit ensuite vous leur faites grâce, soit vous en demandez rançon, ce quand la guerre aura cessé… », S47.V4. Il y a bien là l’interdiction de mettre en esclavage les prises de guerre puisque ces dernières ne pourront qu’être libérées, ou gracieusement ou contre rançon.
C’est là, le tarissement de la source principale de l’esclavage.
Malheureusement l’exégèse de l’islam a légalisé le fait d’asservir les prisonniers et les captives de guerre contrairement au message coranique.
IV- Que dit la sunna du prophète (PSL)
Les esclaves non affranchis grâce aux formes précités bénéficient de beaucoup de recommandations positives émanant du prophète (PSL), telles que : l’obligation de nourriture, du logement, des soins et de l’habillement, de ne pas les charger de travaux pénibles, de les aider à porter leurs charges…
– Le prophète (PSL) établi un fonds équivalent au huitième des recettes de la Zakat pour affranchir les esclaves.
– Le prophète, lui-même, ne légua aucun esclave ou captif et son compagnon et confident Abou Bakr, achetait les esclaves pour les affranchir.
– Les réformes de l’islam ne sont pas limitées aux aspects économiques et sociaux. Elles ont aussi touché les aspects culturels. Le prophète (PSL) a dit : « Que personne de vous ne dise mon esclave ou ma servante, il doit dire mon garçon ou ma fille. »
Le Messager de l’islam, artisan de la réhabilitation de la dignité humaine des esclaves, a concrétisé tous ses propos dans la pratique. Qu’on en juge :
– Le prophète donna en mariage sa cousine Zaïnab Jahch à son ancien esclave Zaïd.
– Le prophète confia à Zaïd le commandement de l’armée musulmane lors de la bataille de Muta. Il confia au fils de Zaïd, Oussama le commandement d’une armée qui comprenait Oumar le futur calife.
– Bilal lbn Rabah, le noir, l’ancien esclave, a épousé la sœur d’Abdourahmane Ibn Haouf, un arabe blanc parmi les plus nobles et l’un des hommes parmi les plus riches de Médine.
– A tout cela, nous ajoutons que le premier muezzin de l’islam est Bilal Ibn Rabah, l’ancien esclave noir libéré par Abou Bakr. Quel honneur ! Et, j’en passe…
Muhammad Hamidullah, dans sa traduction et commentaire du Coran, Nouvelle Edition corrigée et augmentée 1989, écrit dans un de ses commentaires, à la page 595 : « Sarakhsi rapporte la parole de Muhammad (PSL) : ’’Pas d’esclave aux Arabes’’. »
S’il n’y a ‘’pas d’esclave pour l’arabe’’, il n’y a pas d’esclave pour tout musulman. Le prophète s’est adressé d’abord aux arabes et ensuite au reste du monde. Si les arabes ont des esclaves, c’est par transgression à la fois au message coranique et à la Sounna du prophète (PSL).
Ceux qui veulent justifier l’esclavage par la religion islamique, le font à partir d’assertions sans fondement. La réalité du point de vue du Coran et de la Sounna du prophète, c’est l’abolition pure et simple de l’esclavage.
Il ne faut pas confondre ce que font les musulmans et le message coranique.
Souvent, pour dominer et asservir leurs semblables, certains ne s’embarrassent pas à justifier leurs actes à travers la religion.
IV-Conclusion
D’après le Dr Al Ajamî, il y a plus de quatorze siècles, le Coran avait opté pour une stratégie par paliers afin de planifier la disparition de l’esclavage :
➢ rappel coranique de ce que tous les êtres sont libres et égaux ;
➢ prise de conscience de l’inhumanité fondamentale de l’asservissement de son propre frère en humanité ;
➢ mesures encourageant de diverses manières l’affranchissement et l’émancipation accompagnée des esclaves ;
➢ interdiction de mettre en esclavage prisonniers et captives de guerre.
Si le Coran a programmé la disparition de l’esclavage, l’exégèse islamique a programmé son maintien. L’exégèse a fait la part belle à des us et coutumes anachroniques au détriment du texte sacré. Le Droit islamique a donc laissé l’esclavage perdurer dans les sociétés musulmanes, en opposition avec l’idéal coranique. Situation inacceptable à laquelle il faut trouver une réponse.
Aujourd’hui encore, plus de quatorze siècles après la révélation coranique, on trouve dans notre pays des âmes obscures qui justifient la pratique de l’esclavage.
Comment laisser perdurer dans notre société des pratiques infamantes comme l’esclavage en violation à la fois des droits de l’homme et de nos religions.
De nos jours, les peuples les plus forts sont ceux qui accordent les mêmes droits et les mêmes statuts à leurs concitoyens. Au contraire, ceux qui admettent et tolèrent les pratiques de l’esclavage sont à la traîne du développement de l’humanité.
Au moment où nous parlons de refondation et de l’émergence d’un Malien de type nouveau, cessons l’hypocrisie ! Quelle démocratie peut-on instaurer entre un maître et son esclave ?
Notre objectif est de voir se réaliser le postulat suivant : ceux qui se disent nobles, sont des nobles sans esclaves, et ceux qu’on traite d’esclaves, sont des nobles sans maîtres.
Il nous faut établir dès à présent un dialogue franc et citoyen, pour que le nouveau Malien ne soit jugé que par le mérite de ses actions et non par sa famille d’origine.
Lutte contre l’esclavage à Kersignané : Tiémoko Diarra et les siens sont-ils persécutés à Bamako ?
Tiémoko Diarra et trois jeunes de sa famille, tous des militants anti-esclavagistes engagés, séjournent actuellement à la Maison centrale d’Arrêt de Bamako. Leurs proches n’hésitent pas à établir un lien entre cette incarcération et leur engagement contre l’esclavage, à Kersignané.
Certains meneurs des associations anti-esclavagistes n’ont pas la vie tranquille à Bamako. Un certain Tièmoko Diarra et trois jeunes de sa famille dont le fils de son grand frère, séjournent à la Maison d’Arrêt de Bamako. Selon leurs proches, cette incarcération n’est pas étrangère à leur opposition à l’esclavage à Kersignané, dans le cercle de Bafoulabé, région de Kayes.
Selon nos informations, le sieur Tièmoko Diarra a été enlevé à son domicile par des hommes armés en tenue civile. Les mêmes informations précisent qu’il n’avait reçu aucune convocation de quiconque. Les recherches effectuées par ses parents ont permis de le retrouver à l’Interpol de Bamako. Par la suite, il a été mis à la disposition du Tribunal de grande instance la Commune VI qui l’a placé sous mandat de dépôt à la Maison centrale d’Arrêt de Bamako. Le nommé Tièmoko Diarra paie-t-il pour son opposition à l’esclavage à Kersignané, commune de Diallan, dans le cercle de Bafoulabé ? Membre-fondateur d’une association de lutte contre l’esclavage dénommé Cadre Stratégique Permanent pour l’Association Contre la Domination et l’Esclavage (CSP-ADCE), il est connu pour son engagement dans le combat contre ce phénomène.
Et derrière les déboires du sieur Diarra, le nom d’un certain Mamadou Djassa Lah revient de façon régulière. Vrai ou faux ?
Il revient au gouvernement de la République de tirer cette affaire au clair et de faire en sorte que la justice et les forces de sécurité ne soient pas des instruments pour persécuter les anti-esclavagistes dans leur lutte.