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Décryptage : Quand la panique narcoterroriste nous tient !
Publié le samedi 16 octobre 2021  |  Mali Tribune
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Bamako et Paris n’accordent pas leurs violons sur les liens de coopération et le contreterrorisme. Dans une ambiance tendue, aux confins du leurre et de la ruse, Paris et Bamako se redécouvrent. Souvenons-nous ; les relations entre les exécutifs français et malien ont souvent été conflictuelles. Depuis 1960, elles ont connu 4 plaies, qui saignent toujours.
Ainsi va l’axe Bamako-Paris



Le premier Président du Mali indépendant, Modibo Keïta, a rompu avec la France du Général De Gaulle en 1960. 1ere plaie dans les relations entre Bamako-Paris. Le contexte de guerre froide et la ferveur des indépendances sur le continent ont été des facteurs déterminants dans le divorce entre Keïta et De Gaulle. Et pour cicatriser la plaie, Modibo Keïta contracte des accords de coopération militaires et économiques avec les pays du bloc de l’Est, dont l’ex Union soviétique de Nikita Khrouchtchev et la Chine de Liu Shaoqi. Les compagnons de Keïta diraient que son charisme et sa vision à long terme du Mali ont été décisifs pour relever le défi : autonomiser le Mali. Sans tambour, ni trompette, il a demandé le départ des troupes françaises en janvier 1961. Par cet acte, Modibo Keita exprime sa solidarité avec le FLN algérien de Ferhat Abbas, mais en profite pour nouer des alliances avec Alger. Par la suite, le soutien d’Alger à Bamako a été déterminant pour résoudre la 1ere rébellion (1963-1964) du Mali indépendant. Malheureusement, Modibo Keïta a été écarté par le 1er coup d’Etat du lieutenant Moussa Traoré, au nom du Comité militaire de libération nationale, CMLN. Devenu chef de l’Etat malien, Moussa Traoré réconcilie Paris et Bamako. Pour les panafricanistes, et une partie des artisans de l’indépendance malienne, il trahit l’esprit de Modibo Keïta : s’émanciper de l’ancienne colonie. Ainsi va l’axe Bamako-Paris !

La méfiance s’installe

Mais 34 ans après, à l’image de Modibo Keïta, en 1995, Alpha Oumar Konaré, premier Président du Mali démocratique, décline l’invitation : rencontrer à Dakar le Président français, Jacques Chirac. La raison : Konaré a le sentiment d’être invité comme un ministre des colonies par Chirac. 2eme plaie entre Bamako-Paris. Elle saignera moins longtemps en raison du contexte géopolitique apaisé du Sahel. Patatras ! 13 ans après, en 2008, le Président Amadou Toumani Touré, ATT, refuse de signer l’accord sur « l’immigration concertée » du Président français, Nicolas Sarkozy. 3eme plaie, à l’origine des tentatives d’isolement du pouvoir d’ATT. La suite, la méfiance s’installe entre Paris et Bamako. En 2012, le régime d’ATT est emporté par une mutinerie du capitaine Amadou Aya Sanogo, transformée en coup d’Etat militaire. La chute d’ATT est à mettre en lien avec la guerre de l’Otan (2011) en Libye. Guerre au cours de laquelle, le guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, est tué en octobre 2011.

Le bal du « qui dit mieux »

La suite : confusion, résurgence de la rébellion du Mouvement national de l’Azawad (MNA, 2011), devenu plus tard MNLA, terrorisme, opération Serval (France) au Mali en 2013. Rappelons que la France est intervenue au Mali à la demande du Président de la Transition malienne, Dioncounda Traoré, et sur la base de la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’Onu. Mais très vite, malgré le remplacement de Serval par Barkhane en 2014 pour lutter contre le terrorisme, la situation sécuritaire au Mali s’emballe. Les critiques envers la France deviennent prégnantes. Les relations entre Paris et Bamako se dégradent et ouvrent une nouvelle plaie, la 4eme, la plus béante. C’est le contexte d’aujourd’hui. « Aussi, la nouvelle situation née de la fin de l’Opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome… », extrait du discours du Premier ministre, Choguel K. Maïga, Assemblée générale, l’Onu, 25 septembre 2021. « […] Je rappelle que le Premier ministre malien est l’enfant de deux coups d’état […]. Donc la légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle […]. C’est inadmissible, ce qu’a dit le Premier ministre malien. C’est une honte », extrait de l’entretien sur RFI du président français, Emmanuel Macron, 30 septembre 2021. Entre le Premier ministre malien, Choguel K Maïga, 63 ans, et le Président français, Emmanuel Macron, 43 ans, 20 ans d’écart, c’est le bal du « qui dit mieux ». Ça ressemble parfois à une cour de récréation. Dommage !

La passion l’emporte sur la raison

D’un côté, il manque une parole mesurée et nuancée. Et de l’autre, il y a un discours diabolisant. Dans les deux cas, la passion l’emporte sur la raison. La panique narcoterroriste (Amara : 2015) nous tient. Évidemment, la crise sécuritaire, la pression des citoyens sur les exécutifs à Paris (anti-pass sanitaire) comme à Bamako (exigence de résultats contre la crise sécuritaire) chatouille. Évidemment, la perspective de la présidentielle et des législatives de 2022 en France et le rejet des futures assises nationales par une partie de la classe politique à Bamako excitent aussi ces tensions. Évidemment, de part et d’autre, le rapport à la langue est différent : les expressions « abandonner en plein vol » ou « enfant de deux coups d’Etat » sont représentées différemment. Mais en toute objectivité, ces tensions viennent des difficultés de Paris et Bamako à construire des rapports de partenariat d’égal à égal, ancrés dans le respect mutuel.

Maïga et Macron se jaugent

Bon, probablement les circuits complexes de la diplomatie n’auront pas de mal à raccommoder tout ça. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Maïga et Macron se jaugent. Nommé en juin 2021 dans un contexte de crise sécuritaire, Maïga doit faire ses preuves. Il pense déjà à l’heure des comptes au cas où le Président de la transition, Assimi Goïta, décide de changer de Premier ministre. Avant d’être nommé Premier ministre, Maïga réclamait la relecture de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, issu du processus d’Alger. Sera-t-il débattu aux prochaines Assises nationales ? Quant au Président Macron, il œuvrerait déjà pour sa réélection. Pas surprenant lorsqu’il dit que « le système politico-militaire » algérien s’est « construit sur la rente mémorielle » et la « haine de la France ». La réaction d’Alger ne s’est pas fait attendre : interdiction des avions français de survoler son espace aérien, rappel de l’ambassadeur algérien à Paris, ballet diplomatique entre Bamako et Alger. Sans aucun doute, la thématique migratoire dans la future campagne électorale française n’est pas étrangère à cette tension entre Alger et Paris. Alors même qu’en février 2017, Macron candidat à la présidentielle de la même année, disait à Alger que la colonisation était un « crime contre l’humanité ». Quand les stratégies politiques nous tiennent ! Pourtant, ailleurs, les relations entre Paris et Abidjan, entre N’Djamena et Paris, entre Paris et Rabat sont moins tempétueuses.

Les citoyens au milieu de nulle part

Pour finir, la complexité des liens entre Paris-Bamako nous enjoint à cicatriser nos plaies, et construire des rapports bienveillants et non-violents. Aujourd’hui, les défis au Sahel, c’est de permettre le retour des enfants à l’école à la rentrée prochaine là où c’est possible, réinstaller des services publics de proximité, créer les conditions d’accès à un emploi, permettre aux agriculteurs de cultiver leurs champs librement, aux éleveurs de paître leurs animaux librement, etc. Certains citoyens (réfugiés, déplacés…) sont au milieu de nulle part. Donc, donnons-nous la main (Irma Cere no Kabe en Songhay) pour gagner la lutte contre le narcoterrorisme et le retour à la paix.



Mohamed AMARA

Sociologue

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