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Au Mali, le jeu trouble de la junte avec les mercenaires russes de Wagner
Publié le dimanche 17 octobre 2021  |  Le Figaro
Remise
© aBamako.com par A.S
Remise d`un hélicoptère Mi-35 à l`armée de l`air
Bamako, le 12 Janvier 2021, le vice Président de la transition, le colonel Assimi Goita a remis à l`armée de l`air, un hélicoptère de combat de marque russe de type Mi-35.
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LA CONVERSATION s’enflamme comme de la paille trop sèche. Dans ce « grin », ces cafés plus au moins formels qui fleurissent à Bamako, les mots claquent dans la semiobscurité. « Bien sûr que la France doit partir avec son Barkhane. Nous ne sommes plus une colonie », lance Mokhtar, un étudiant à la trentaine avancée.

En face, Abdoulayeabonde avec force, en appelant à « une libération du Mali » et à la fin « de l’exploitation des richesses par la France ». La perspective d’une arrivée de militaires russes, comme autant d’hommes providentiels,semble faire une unanimité soulagée.Que les soldats soient en fait des paramilitaires de « Wagner » n’y change rien. Pas plus que la réputation sulfureuse traînéepar cette « société » et ses « chiens de guerre », accusés de graves violations des droits de l’homme. Depuis que l’agenceReuters a révélé les négociations entre la junte, qui a pris le pouvoir au Mali en août 2020 et cette société, considérée comme extension occulte du Kremlin, Bamako ne parle plus que de ça. Selon l’agence, un accord aurait été négocié pour l’envoi d’unmillier de mercenaires au Mali, chargés de la formation des FAMa (Forces armées maliennes), de la protection des autoritésmais aussi de l’accompagnement sur le terrain. En échange la Société militaire privée (SMP), fondée en 2014 et financée par Evgueni Prigozhin, un proche des autoritésrusses, recevrait 9,15 millions d’euros par mois et l’accès à trois mines, dont deuxd’or, la principale ressource du sous-sol malien.

Ce montage n’a pas étonné, car il apparaît proche de celui utilisé en Centrafrique, où Wagner est présent depuis 2018.Des proches de la SPM se sont vu attribuer des sites aurifères via la société Lobaye Invest Ltd. Mais à ce jour, la signature d’un contrat au Mali n’a pas été confirmée.Selon plusieurs sources, le flou autour de cette signature provient d’une mésentente. L’accord entre Wagner et le Mali n’en serait pas vraiment un, mais plutôt un protocole d’entente (MoU) préambule à un contrat. Le texte aurait été signé début septembre dans la foulée d’une visite à Moscou de Sadio Camara, le ministre de la Défense. Il serait valable un mois mais on ignore « s’il a été prolongé » confie une source sécuritaire. « La partie malienne a du mal à offrir les garanties financières demandées. Elle propose des contrats d’exploations minières, qui demandent du temps et des investissements, quand Wagner veut des sites d’exploitation », continue-t-elle. Or, au Mali ces sites sont déjà très largement concédés. Les récentes agitations autour d’un gisement retiré à une société canadienne ont fait naître des doutes et des craintes dans les sociétés minières. « Mais rien ne démontre que ces problèmes soient liés à une arrivée Wagner », explique un diplomate au fait de ce dossier.

Livraison d’armes

La perspective d’un déploiement de mercenaires russes a aussi été avivée par l’indéniable rapprochement entre Bamako et Moscou. Si les liens entre les deux pays sont aussi vieux que l’indépendance en 1960, la signature d’un accord de défense en 2019 leur a donné du corps. L’irruption de la junte, avec des officiers formés enRussie puis la nomination au poste de premier ministre de Choguel Maïga, qui a étudié et vécu dix ans dans ce qui était alors l’URSS, y a ajouté un esprit.Ce même premier ministre a toutefois nié les négociations avec Wagner. « Je ne connais pas de Wagner. Le jour où le gouvernement malien signera un accord, on le rendra public », a-t-il assuré dans un entretien avec RFI en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Pourtant dans ce même cénacle, Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, l’a confirmé, affirmant que « le Mali s’est tourné vers une société militaire russe », avant évidemment de glisser qu’il « n’avait rien à voir avec ça ». Une déclaration étrange alors que Moscou avait jusqu’à présent toujours refusé le moindre commentaire sur les SMP, par ailleurs officiellement interdites en Russie. Dans la presse malienne, des « experts » et des « fuites » donnent également à croire à une arrivée prochaine de Wagner.

Un certain Alexandre Ivanov, bien connu en Centrafrique et assurant représenter des officiers opérant à Bangui est ainsi intervenu dans MaliActu : « Je pense qu’un tel travail sera effectué au Mali. » La livraison le30 septembre par la Russie, en avance sur planning, de quatre hélicoptères Mi-171avec des munitions a attisé les réseaux sociaux. Si elle n’a rien à voir avec Wagner mais s’est faite dans le cadre de l’accord signé en 2019, le trouble existe. « Que la Russie livre des armes à l’armée malienne qui a toujours été équipée de ce type de matériel n’a rien d’étonnant. Mais la maintenance comme les formations seront assurées probablement par des sociétés privées et là on ne peut pas exclure que cela soit une porte d’entrée pour Wagner », détaille un observateur. Une nouvelle livraison d’armes est attendue autour du 19 octobre. La question d’une implication de Wagner continue donc de planer, sans être réellement confirmée. Pour un ministre, qui tient à rester anonyme, tout ça n’est pourtant qu’un jeu de dupe. « Wagner va arriver. Il n’y a aucun doute et c’est le droit d’un État souverain. La  France ne peut s’y opposer et si elle choisit de partir, elle partira. Le gouvernement gagne  du temps pour rassurer ses partenaires mais  la décision est prise », dit-il. Pour Baba Dakono, secrétaire de l’Observatoire ci-toyen sur la gouvernance et la sécurité (OCGS), si la tentation Wagner a existé, elle  n’est plus réelle. « Le gouvernement ne prendra pas le risque de se couper de ses partenaires traditionnels. Ce ne serait pas simple inflexion mais un véritable renversement d’alliance ».

Au-delà de Paris, qui a claire-ment manifesté son hostilité aux mercenaires qualifiés « d’incompatibles » avec les hommes de Barkhane, l’Union européenne et l’Allemagne ont, certes sur un ton plus apaisé, aussi protesté. Les pays voisins de la  Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), sont montés  au créneau dans un communiqué du 16 septembre où ils « dénoncent fermement la volonté du gouvernement de transition  d’engager des compagnies de sécurité privées ». « Ces critiques directes et inattendues ont clairement surpris le premier ministre », reconnaît un conseiller à la primature. Un officier malien ajoute : « Nous ne sommes pas naïfs. Les résultats de Wagner sont appréciables en Centrafrique mais moins nets ailleurs en Afrique. » Rancœurs antifrançaisesAu-delà de Bangui, où la rébellion a tou-jours été relativement faible, les mercenaires russes ont marqué le pas face à des adversaires plus déterminés ou mieux armés. En Libye, en 2019, ils n’ont pas pu faire la  différence dans la banlieue de Tripoli, où ils  étaient en appui des troupes du maréchal  Haftar. Lancée à l’automne 2019, l’opération au Mozambique contre les groupes islamistes qui occupaient alors Cabo Delga-do, à l’extrême nord du pays, s’est soldée par un échec. Wagner a été remplacé par des sociétés sud-africaines puis par l’armée rwandaise. L’effet Wagner se fait néanmoins ressentir au Mali et a déjà mis sur la place publique les claires tensions entre la France et le Mali.
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