PolitiqueEntretien avec le Pr Younouss Hamèye DICKO – Président du parti RDS et de l’ATIR ” Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont juré de piétiner ce Mali”
Publié le lundi 18 octobre 2021 | L’Inter de Bamako
Au cours de cet entretien, le Président du parti Rassemblement pour le Développement et la Solidarité (RDS) et de l’Alliance pour une Transition Intelligente et Réussie (ATIR), le Pr Younouss Hamèye Dicko se prononce sur les sujets d’actualités, entre autres, la présence du groupe russe ‘’Wagner’’, les Assises nationales de la refondation, la création de l’AIGE, la prolongation de la transition, le nouveau format du Sommet Afrique-France et les propos tenus par les autorités françaises contre le Mali. Sur ce point, pense le Pr Dicko, le Président de la République française Emmanuel Macron doit présenter ses excuses au Mali pour se racheter de son langage outrancier.
Le Malien : L’actualité au Mali reste dominée par la brouille entre Bamako et Paris à travers des échanges verbaux entre les autorités des deux pays. Quelles peuvent être les conséquences pour les deux pays ?
Pr Younouss Hamèye DICKO : Ce n’est point une brouille qu’il y a entre Bamako et Paris, ni entre le Mali et la France. Il y a, en réalité, une haine déclarée du Président Macron vis-à-vis des Autorités de la Transition au Mali ; voire vis-à-vis du peuple malien.
‘’ Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont juré de piétiner ce Mali’’
Je pense que Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République Française doit présenter ses excuses au Mali pour se racheter de son langage outrancier contre notre peuple ami du peuple français. Car, vieille nation s’il en est sur cette terre, le Mali a toujours été estimé et respecté par le Général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, François Hollande et même Réné Coty au temps du Soudan Français. Hélas, deux présidents français, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont juré de piétiner ce Mali, qui n’obéit pas à la volonté de la France, leur France, à eux, qui n’est pas celle du peuple français qui, lui, a le plus grand respect pour le Mali et notre peuple le sait et ne s’y trompe pas.
Le premier, le Président SARKOZY, ennemi notoire du Mali a créé un mouvement indépendantiste pour tailler un autre Etat dans le territoire national, en application de la « Théorie de la Croix Bleue » développée aux Nations Unies pendant les années 1980 et qui a abouti à la division du Soudan. Monsieur SARKOZY est aujourd’hui oublié ! Profitant de Barkhane, le Président MACRON a cru qu’il pourrait tromper la vigilance des Maliens. Il a rusé, il a trainé son action, a étendu donc le terrorisme sur l’ensemble de notre territoire pour nous faire peur et obtenir de nous ce qu’il cherche, qu’il connait et que nous connaissons ! Il n’a donc rien appris et rien retenu, donnant ainsi un réel contenu au mot du vainqueur de Dien Bien Fu, le Général GIAP : « le colonialisme est un mauvais élève » ! Le Président Macron dénie au Mali le droit de se plaindre et veut nous PUNIR parce que nous avons osé nous plaindre ! En fait les Autorités Maliennes ont parlé d’ABANDON alors que le peuple malien, lui, a parlé de FUITE !
A mon avis, le Président Macron est l’unique responsable de cette dite brouille ; je l’invite à prendre l’exemple sur le Président Alpha Oumar KONARE qui a dit, avec sagesse, « je suis devenu AINE sans être le PLUS AGE ». Ainsi, il appartient au Président de calmer la « brouille » au lieu de venir par maladresse verser du gasoil sur le feu. Les relations entre les deux pays sont bonnes et seront même très bonnes car les Autorités de la Transition ont montré leur maturité en ne rappelant pas notre ambassadeur à Paris, et le Président Macron, lui-même, après ses déclarations outrancières contre notre pays, n’a pas osé rompre ses relations avec le Mali ! En effet comment peut-il guerroyer au Mali et au Sahel, en ayant le Mali sur son dos et surtout le peuple malien ?
Quel serait son avenir en Afrique de l’Ouest ?
Je pense que nos deux pays ont un bel avenir devant eux. Le Président Macron doit méditer sur le sort du Président Sarkozy.
Pensez-vous que la présence de la société russe ‘’Wagner’’ est la solution à la crise sécuritaire que connait notre pays depuis quelques années ?
Non, je ne le crois pas ! De même je ne pense pas que nos Autorités pensent que la présence de WAGNER est la solution miraculeuse à la crise sécuritaire malienne. Je pense, cependant, que WAGNER est un outil dont nous devons nous servir, entre d’autres outils, pour chercher la solution de notre problème. Notre crise est multidimensionnelle et l’Armée Malienne, dans la conception des pères fondateurs, reste l’unique espoir pour sauver notre pays.
‘’On a détruit l’Armée malienne en faisant une deuxième fonction publique’’
Aujourd’hui, les régimes qui ont succédé à Modibo KeÏta, n’ont montré aucune vision, aucune stratégie de défense du Mali. Sans aucune prétention, je ne perçois aucune détermination pour restaurer une ARMEE MALIENNE ET LA REMETTRE DANS LE COMBAT. On l’a détruite en faisant UNE DEUXIEME FONCTION PUBLIQUE.
En ce moment, au lieu de s’attacher à lutter contre l’insécurité, on se déchire pour faire durer la transition ou pour arracher le pouvoir à ceux qui le détiennent. Aujourd’hui notre pays pour se défendre, a besoin de 60.000 soldats à 100.000 soldats. Nos réflexions sur cette question sont disponibles.
La prorogation du délai de la transition n’est-elle pas devenue une obligation pour le gouvernement sachant bien que les sanctions de la CEDEAO pourraient s’en suivre ?
Je ne peux pas prévoir l’avenir, mais de sérieux problèmes nous attendent. En 1991, la Transition a eu un seul Président et un seul Premier ministre ; le contexte était plus politique que sécuritaire. En 2012, la Transition a eu un seul Président et deux Premiers ministres ; le contexte était plutôt sécuritaire, mais aussi politique. En 2020, la Transition a eu deux Présidents et deux Premiers ministres ; le contexte est surtout sécuritaire.
‘’ Il est donc intuitif, sauf miracle divin, que le délai sera prolongé’’
Si les deux premières transitions se sont passées dans les délais prévus, la présente transition peine à trouver son élan. Le deuxième Premier Ministre de cette transition a introduit de nouveaux objectifs dans son programme et qui font éclater les délais prévus de la transition. Il a inscrit d’autres objectifs à la place des élections législatives et Présidentielles.
Il est donc intuitif, sauf miracle divin, que le délai sera prolongé.
Naturellement, la CEDEAO va réagir et il est erroné de dire que si nous sommes d’accord sur l’élongation de la transition, l’Organisation sous régionale ne peut rien contre nous ! La RDS a produit une étude en Décembre 2020 où il consacre 9 mois ( 25-09-20 au 25-06-21 ), entre autres, pour l’opérationnalisation des nouvelles régions, faire avancer l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, la gestion du front social, la prise des textes et règlement nécessaires ; 5 mois ( 25-06-21 au 25-11-21) pour l’organisation des élections législatives ; 4 mois (25-11-21 au 25-03-22 ) pour l’organisation de l’élection présidentielle. Et nous ajoutions ceci : « A la pratique, on verra s’il y a lieu d’envisager une rallonge de 2 mois ou pas ». Et nous proposons les tâches suivantes pour la Transition :
▪ La lutte contre l’insécurité
▪ Le découpage administratif équitable
▪ Les élections législatives
▪ L’élection présidentielle.
Comment avez-vous apprécié le nouveau format du Sommet Afrique-France sans les Chefs d’Etat africains ?
Ce « Sommet » m’a paru indécent ! Le français est une langue tellement riche et plaisante qu’on peut trouver un qualificatif plus accessible. En nommant ce rassemblement de jeunes africains autour du Suzerain Emmanuel Macron, de « Sommet », est plein de signification pour les Chefs d’Etat d’Afrique francophone pour lesquels le grand Seigneur n’a pas beaucoup de considération. Mais en acceptant d’y envoyer leurs jeunes, se respectent-ils ?
‘’Nos Etats ne doivent plus jamais accepter d’envoyer leurs enfants à un homme qui les méprise’’
Mais, Monsieur Macron a fait une découverte désagréable. Les jeunes sont moins dociles que leurs Présidents et le Président Macron, en a pris pour son compte. En tout cas, les jeunes Maliens, dont Adam Dicko, ne m’ont point déçu et le Président Macron a compris qu’il doit « arrêter » son paternalisme ! Je serais étonné qu’il recommence l’exercice. Et de même nos Etats ne doivent plus jamais accepter d’envoyer leurs enfants à un homme qui les méprise !
La mise en place de l’AIGE (Autorité Indépendante pour la Gestion des Elections) est-elle la solution pour des élections transparentes, crédibles et justes au Mali ?
Bien sûr que la mise en place de l’Autorité Indépendante pour la Gestion des Elections (AIGE), à elle seule, n’est pas la solution pour des élections transparentes, crédibles et justes. En fait, c’est l’opportunité du moment de sa mise en place qui fait débat et non la pertinence de sa mise en place. C’est le DNI qui a adopté la création de l’Organe Unique de Gestion des Elections ; donc le peuple malien est acquis à cette autorité.
‘’Pour ces élections, il est objectivement impossible d’obtenir une AIGE crédible’’
Toutefois, pour ces élections, il est objectivement impossible d’obtenir une AIGE crédible ! Le temps d’une transition est insuffisant pour mettre une telle Autorité en place ; ainsi, elle sera bâclée et ceux qui sont en place aujourd’hui n’ont pas le monopôle de la vertu au Mali. Même par appel d’offre, ils s’arrangeront pour que les hommes et femmes soient pris à l’exclusion des autres, surtout que cette deuxième transition est fermement EXCLUSIVE. L’indépendance de l’AIGE suppose des hommes intègres (cela ne manque), une indépendance financière et logistique, une sécurité revenue, un fonctionnement démocratique et républicain.
Dans les circonstances actuelles, l’AIGE sera celle du vainqueur et non de notre peuple ; on veut faire adopter notre avenir par des Chefs de villages et autres en écartant les partis significatifs. On pratique à la fois stalinisme, populisme, démagogie et exclusion de tout ce qui réfléchit et qui « gêne ». Attention compatriotes, il ne s’agit plus d’une transition mais d’un régime qui s’établit pour perdurer et qui se déploie pour gagner les élections prochaines.
Les Assises nationales de la refondation ne seront-elles pas un Dialogue national inclusif bis ? Quelles sont les conditions de participation du parti RDS à ces Assises ?
Les Assises Nationales de la Refondation (ANR ) ne seront pas un Dialogue National Inclusif (DNI) BIS parce qu’elles ne sont pas inclusives ni aux ateliers des TDR et donc ni à leur tenue ! Les organisateurs ont soigneusement éliminé les partis politiques et la société civile ; ils veulent patrouiller dans un pays plat sans vagues et sans mamelons ; s’ils trouvent des rivières, ils les assèchent pour passer et s’ils trouvent des collines ils les écrasent pour passer. Je perçois dans tout cela une odeur inacceptable de stalinisme qui cherche à imposer ce qui n’est pas consensuel.
‘’ Ces assises sont sous le sceau du populisme et du stalinisme’’
Cette élimination de la classe politique et de la société civile et ce refus d’inclusivité signent déjà l’échec des Assises Nationales de la Refondation. Ce refus d’inclusivité ENLEVE TOUT CARACTERE NATIONAL aux ANR ! Ces assises sont sous le sceau du populisme et du stalinisme et nous suggérons vivement aux organisateurs de revenir vers le peuple avant qu’il ne soit trop tard. Il me semble urgent, très urgent que SEM le Président de la Transition, Chef de l’Etat, Colonel Assimi GOITA siffle la partie afin que les organisateurs n’engagent définitivement la Transition dans une aventure dont nul ne connait l’issue ni vis-à-vis de la nation, ni vis-à-vis de la Communauté Internationale.
Les ANR ont pour unique objectif de sortir des délais des 18 mois de la Transition et de la prolonger pour rester plus longtemps au pouvoir illégalement.
Le RDS ignore le contenu des TDR car les organisateurs n’ont même pas eu le courage d’inviter le RDS à leurs soi-disant ateliers.