10, 30, 50,… 100 milliards volés ! Des chiffres hallucinants ! Ce n’est pas la France qui nous vole. Ce sont des Maliens qui volent pour enrichir la France et même certains pays voisins comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Pourtant, le vol a toujours été un acte condamné dans toutes les cultures de ce pays, de Kouroukanfouga à nos jours. Jadis, chaque famille malienne enseignait à sa progéniture de ne pas voler pour éviter à la famille et même au village tout entier le déshonneur. Lorsqu’un enfant était pris en flagrant délit de vol il était excommunié au mieux sinon tué au pire des cas.
Le Malien se tapait la poitrine en se glorifiant de sa lignée, de sa dignité,…de son « dambè ». Aujourd’hui, c’est l’argent et le pouvoir qui l’intéressent et il est prêt à utiliser tous les moyens pour être riche, pour conquérir le pouvoir ou le conserver. Quand on occupe un poste de responsabilité dans le privé ou le public, c’est la famille qui t’encourage à voler ou à tricher en te qualifiant de « dougawou den », surtout quand tu arrives à épouser une belle femme et à te construire une villa « high standing ». Quel paradoxe ! Comment sommes-nous arrivés là ? Que faut-il faire pour que la situation s’améliore dans l’avenir ?
Une chose me semble évidente, c’est que la plupart des dirigeants militaro-politiques qui ont eu accès aux rênes du pouvoir après le coup d’État du 19 novembre 1968 ont été formés dans des creusets socio-éducatifs érigeant le fric et le pouvoir en divinité. Idem pour beaucoup de « démocrates » de mars 91. En effet, dans bien des hautes écoles ou dans l’armée, on enseigne aux étudiants/militaires qu’ils constituent une élite dont le rôle est de s’enrichir et de régner sur des peuples sots et incultes. Cette religion (voir le Veau d’Or) impose sa loi et n’admet pas de contestation. Sous les législatures successives de 68 à nos jours, la sinistre farce de la « société civile » a prouvé que les hommes et les femmes qui n’épousent pas cette religion stricte ne peuvent plus survivre dans ce pays. Ce gros problème de moralité ne peut être combattu que par un nouveau type de citoyen malien.
Et ceux qui réagiront ne seront probablement ni parmi ceux qui trempent déjà dans la combine ni ceux qui sont résignés. Il reste les jeunes de 10 à 20 ans… Il faut les éclairer et leur faire confiance. Si eux ne réussissent pas à sortir leurs aînés du cauchemar, l’avenir de nous tous sera davantage très sombre. Je ne parle évidemment pas de pousser ces jeunes à apprendre à manier des machettes ou des kalachnikovs. Je parle de les instruire et de les éduquer (scolarité, livres, films – documentaires, réseaux sociaux…) sur les mécanismes politiques, économiques et psychologiques qui sont exploités pour les asservir. Lorsqu’ils seront suffisamment nombreux à être conscients de ces escroqueries/fourberies, ils commenceront à faire une masse critique suffisante pour renverser pacifiquement mais inexorablement la maffia politico-militaro-religieuse qui nous a toujours gouvernés et qui se trouve à l’origine du chaos dans lequel le pays est plongé.
Sambou Sissoko