Le niveau de développement économique d’un pays est généralement mesuré par son niveau d’industrialisation. Quand on sait que toutes les sommes issues des ventes, sur toute la planète, de tous les véhicules, les montres, tissus ou cuirs et peaux, reviennent dans le pays de fabrication, on comprend aisément que les pays industrialisés sont des pays riches.
Mais l’industrialisation est le résultat d’une politique économique pensée et bien réfléchie. Elle ne s’improvise pas. Certaines données doivent être réunies pour que la politique d’industrialisation soit une réussite. Ce sont « les indispensables » sans lesquels on ne pourrait pas songer à une quelconque industrialisation.
I – LES TYPES D’INDUSTRIES.
En tant qu’activités de transformation de matières en produits finis, ou la qualification du « processus de valorisation d’un service », le mot « industrie » est souvent très utilisé. On parle même, peut-être par abus de langage, « d’industrie touristique » ou « d’industrie cinématographique », etc.
Les industries de transformation, classiquement les plus connues, regroupent diverses catégories qu’on appelle « branches » parmi lesquelles, on peut citer :
La branche des industries légères : agroalimentaires, textiles, cuirs et peaux, ameublement, etc.
La branche des industries pharmaceutiques.
La branche des industries lourdes : automobiles, trains, aviations, bateaux et autres navires,
La branche des industries extractives : or, diamants et autres métaux précieux, pétrole, gaz, eaux minérales,
La branche de l’électroménager.
La branche des matériaux de construction : fer à béton, tôles, pavées, carreaux, etc.
La branche des industries chimiques : engrais organiques et chimiques, etc.
Quelle que soit la branche d’industrie, la disponibilité des matières premières ne suffit pas. Un ensemble de préalables doivent être réunis : ce sont les indispensables à la réussite de toute politique industrielle.
Indispensable N°1 : les ressources humaines
Notre expérience professionnelle nous a conduit à visiter, outre les Unités industrielles de notre pays, beaucoup de zones industrielles dans d’autres pays.
En Tunisie, la zone industrielle de la « Charguilla » à Tunis, la zone industrielle de SFAX et des industries extractives comme FLUOBAR (extraction du fer et de la barytine) Compagnie Tunisienne de Forage (extraction de pétrole)
En Côte d’Ivoire la Zone industrielle de Koumassi,
Au Burkina Faso, la Zone Industrielle de Kossodo
En Guinée, la Zone Industrielle de Kagbelen
En Mauritanie, la Zone Industrielle de Nouakchott.
De ces expériences, nous retenons que les ressources humaines constituent sans aucun doute le premier indispensable pour la réussite d’une politique industrielle.
Des ingénieurs, architectes industriels capables de concevoir un schéma d’implantation d’une usine avec toutes les sécurités requises.
Des ingénieurs industriels capables d’assembler, de monter une chaine industrielle avec toutes les sécurités requises.
Des techniciens industriels capables de faire fonctionner à merveille une chaine industrielle
Des ingénieurs et techniciens industriels électromécaniciens, capables d’assurer la maintenance, l’entretien et la réparation d’une chaine industrielle.
Des formations de type général : « spécialité industrie » ou « spécialité mines » ne sont pas très efficaces. Des formations spécialisées, voire très pointues par branche, doivent être la règle : ingénieurs et techniciens diplômés en industrie :
spécialité « minoterie »,
spécialité « textile »,
spécialité « ciment » ou « chaux vive »,
spécialité « pharmaceutique »,
spécialité « brasserie ou fabrication de boissons »,
spécialité « pétrole, gaz, or et autres métaux précieux etc. »,
spécialité « matériaux de construction »,
spécialité « laboratoire », etc.
Ces ressources humaines nanties de formation de base très solide, avec un peu de mise à niveau, s’adaptent facilement et peuvent travailler sur les technologies de n’importe quel grand pays fabricant d’équipements industriels : technologies allemande, américaine, chinoise, française, indienne, turque, etc.
De nombreux pays africains dont le nôtre, ont d’importants efforts à faire dans la formation des ressources humaines en industrie. Les formations actuelles sont souvent de type « trop généraliste » et surtout très théorique, les structures de formation ne disposant pas souvent de salles de « Laboratoire » et « Travaux Dirigés » dotées d’équipements adéquats.
Indispensable N°2 : les énergies
A combien s’élève mensuellement la facture d’électricité d’une usine ?
Combien de litres d’hydrocarbures une Usine consomme par jour ?
Quelle quantité d’eau nécessite le fonctionnement d’une « Unité laitière », une « Unité de fabrication de jus » par jour ?
Quelle quantité d’eau nécessite le système de refroidissement d’une Unité industrielle ?
Pour ne citer que cela. Les Unités industrielles sont de grandes consommatrices d’énergies. Une politique d’industrialisation réussie exige que le pays soit capable de satisfaire les besoins énergétiques à la hauteur des ambitions de la politique industrielle projetée.
Nous ne disposons pas de statistiques, mais à en juger par les délestages récurrents, il semble évident que notre pays doit faire d’importants efforts en matière de fourniture énergétique aux Unités industrielles.
Pour pallier aux insuffisances de la production énergétique nationale, quasiment toutes les Unités ont recours à des solutions de substitution comme des groupes électrogènes. Ce qui renchérit le coût de fabrication et ne favorise pas leurs compétitivités.
Indispensable N°3 : les infrastructures de transport.
Formées de routes, de chemins de fer, de voies fluviales, et mêmes aériennes, les infrastructures de transport constituent le troisième indispensable pour la réussite d’une politique industrielle, à plusieurs titres. En effet les emplacements des sites industriels sont choisis en fonction :
Soit de la proximité aux clients, généralement dans les centres urbains. Dans ce cas, des infrastructures de qualité sont nécessaires pour transporter les matières premières et autres consommations jusqu’aux Usines.
Soit de la proximité aux fournisseurs des matières premières. Dans ce cas, des infrastructures de qualité sont nécessaires pour transporter les produits finis vers les centres urbains, lieux de concentration des clients.
Il n’est de secret pour personne que le pays souffre énormément de manque d’infrastructures de transport.
La voie ferroviaire est quasiment à l’arrêt.
La voie fluviale est saisonnière pour pouvoir desservir les régions du nord
Le réseau routier est l’un des mauvais de la sous-région. Comparée aux pays voisins, Abidjan, Conakry, Dakar, Ouagadougou, Bamako est la capitale la plus mal lotie en infrastructures routières. Il n’existe quasiment pas une seule route longue de 10 km qui ne soit exempt de trous, aux bordures rongées. Même le quartier Hamdallaye ACI perd son statut de vitrine de la capitale, envahie par les eaux en hivernage. La situation à l’intérieur du pays est encore plus catastrophique. En raison de la corruption, notre pays est devenu « l’inventeur des routes de durée de vie d’une année ».
Sur ces routes, de mauvaise qualité, permanemment embouteillées, les temps de livraison sont plus que doublés. Les coûts de maintenance, d’entretien et de réparation des parcs automobiles augmentent les frais généraux et plombent toute compétitivité.
Indispensable N°4 : le financement.
Les industries sont des investissements lourds et très coûteux. L’accompagnement des systèmes de financement est indispensable pour l’émergence d’un tissu industriel.
Les problèmes d’accès aux concours bancaires avec le « déplacement des centres de décisions de beaucoup de banques hors du pays » et les taux d’intérêts excessivement élevés constituent de sérieux obstacles auxquels la volonté politique pourrait apporter des solutions.
Les efforts des Autorités en matière d’appui aux créateurs d’entreprises sous forme de garanties et les mécanismes de résilience en place gagneraient à être renforcés.
Outre ces « indispensables », il faut noter l’interdépendance entre les activités économiques. L’économie est un « tout ». D’autres aspects de la vie sont très nécessaires pour l’émergence d’un tissu industriel. A titre d’illustrations.
La législation du travail : le code du travail et le code de prévoyance sociale, de conception pour une économie socialiste nous paraissent totalement dépassés. La dichotomie CDD, CDI avec des conditions de ruptures excessivement couteuses constituent des freins à l’expansion économique. Il en est de même des systèmes de rémunération basés sur le « fonctionnariat ».
La législation fiscale, nonobstant les avantages prévus au Code des Investissements, mérite des toilettages en des endroits.
Le système judiciaire est le garant de la sécurité judiciaire, la quiétude et donc la promotion des investissements et de l’industrialisation. Les investisseurs étrangers et locaux doivent pouvoir compter sur la justice du pays.
Le système de santé : les besoins en santé s’accroissent avec le regroupement des centaines d’employés sur un site industriel.
En conclusion, des économistes comme le Brésilien Furtado affirmait que le « sous-développement était la règle et que le développement était l’exception » Pour l’académicien Français Alain Peyrefptte « Du Miracle en Economie, Leçons au Collège de France », Editions Odile Jacob » Mai 1995, certains peuples seraient plus disposés au développement que d’autres.
Mais les avancées enregistrées par certains d’Asie, le Brésil et certains pays d’Afrique notamment anglophones, prouvent à suffisance que le développement économique et social en général et particulièrement est une question de volonté politique. Un seul régime ne peut pas tout faire. Evidemment les questions de formation sont permanentes dans la vie d’un pays.
Dans certains, des régimes se sont attachés à résoudre définitivement les questions énergétiques. D’autres ont résolu des questions d’infrastructures de transport.
Il est de la plus haute importance que nos Politiques aient une certaine vision pour leur pays. /