L’impunité persiste pour des meurtres présumés commis des militaires et par des groupes islamistes armés.
Le 25 octobre, un jour seulement après la fin de la visite d’une délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies au Mali, huit personnes, dont un jeune garçon et un octogénaire, ont été retrouvées mortes dans le village de N’Dola, dans la région de Ségou au centre du pays. Un villageois qui a aidé à enterrer les morts a déclaré à Human Rights Watch qu’ils avaient été exécutés lors d’une opération antiterroriste du gouvernement.
« Nous avons trouvé cinq corps à environ deux kilomètres du village, près du pont », a-t-il déclaré. Ils avaient les yeux bandés et plusieurs d’entre eux avaient la gorge tranchée. Le garçon et son oncle ont été retrouvés environ un kilomètre plus loin.
Tout en reconnaissant que les Forces armées maliennes ont bien mené une opération près de N’Dola ce jour-là, un porte-parole du gouvernement a déclaré qu’elles avaient procédé à « l’interpellation de 14 suspects », et nié toute implication dans des exécutions extrajudiciaires dans le village.
Depuis la fin de l’année 2020, la région de Ségou est secouée par des affrontements entre les combattants Al-Qaida de la Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) d’une part, et l’armée qui est parfois soutenue par des groupes d’autodéfense dont les membres sont connus sous le nom de Dozos, d’autre part.
Human Rights Watch a reçu des informations d’allégations distinctes concernant d’autres abus plus récents dans la région de Ségou, notamment le meurtre d’un sage dans un village par les forces de défense locales, et la décapitation d’un membre des forces de défense civile capturé par un groupe armé islamiste.
Un responsable de Ségou a indiqué que sur les sept « cercles » (zones administratives locales) de la région, cinq étaient «occupés » par des combattants du JNIM qui ont chassé des enseignants et des professionnels de la santé. Ces combattants contribuent à l’insécurité alimentaire en attaquant et en tuant des agriculteurs, et en assiégeant et en organisant le blocus de villages.
Human Rights Watch a par ailleurs documenté comment les forces de sécurité gouvernementales se sont rendues responsables de dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées présumées lors d’opérations antiterroristes. Les Nations Unies et d’autres organisations ont également fait état d’exactions commises par les Dozos à Ségou depuis la fin de l’année 2020, notamment l’enlèvement de nombreux villageois pour obtenir des rançons, l’assassinat de leaders communautaires qui refusent de rejoindre leurs rangs et le viol collectif présumé d’une femme.
Ces derniers mois, des dizaines de milliers de villageois ont fui leurs foyers en raison des violences. « C’est atroce – la vie humaine est perturbée de manière insensée et prise en étau par les groupes armés de tous bords », a déclaré un sage de Ségou.
Le gouvernement malien devrait faire davantage pour exercer sa responsabilité de protéger les civils. Les autorités devraient enquêter sur les allégations d’abus commis par l’armée ainsi que par les groupes armés d’opposition, et traduire les responsables en justice. Les Nations Unies et les partenaires internationaux du Mali devraient multiplier leurs appels à l’ouverture d’enquêtes, au respect de l’obligation de ne laisser aucun crime impuni, et à une meilleure protection des civils.