Fermée depuis 2016 pour des raisons de mésententes entre les fidèles musulmans, cette mosquée du quartier de Nafadji en Commune I du District de Bamako, derrière le Centre de Santé Catholique de Nafadji (Paroisse Saint Martyr de l’Ouganda), connue sous le nom de la ‘’Mosquée des wahhabites’’, est actuellement en proie à toutes les mauvaises pratiques. Pire, cette maison de Dieu est, selon une source que nous avons approchée, à la merci de drogués et d’obsédés sexuels qui s’y rendraient à des heures tardives.
Une mosquée devenue architecture de décoration d’un quartier, un abri pour les animaux, le quartier général consommateurs de drogues diverses, une maison close pour des obsédés sexuels… A distance, l’on voit une mosquée attractive avec son beau minaret orné de trois mégaphones bien fixés donnant envie à un musulman étranger d’aller y prier. Mais, il y a cinq ans, aucune prière n’y est dirigée pour cause de mésentente entre les fidèles. Une fois à l’intérieur de la cour, l’on est abattu à la vue de ce qui reste de cet édifice dédié à Dieu.
Les herbes ont pris le pouvoir dans la cour. Portes, fenêtres et ventilateurs muraux ont disparu. Ampoules, fils électriques et accessoires de décoration interne de la mosquée, tout a été vandalisé ! A l’intérieur de cette maison complètement en ruine, l’on trouve parfois des moutons ou des ânes. Voilà ce qu’est devenue cette mosquée : un lieu sale, lugubre, malodorant… Seul le portail a résisté avec une partie de la clôture car, par endroits, des pans entiers de la clôture sont tombés, n’ayant sans doute pas résisté aux assauts des amoureux clandestins nocturnes, des drogués ou même d’animaux qui la sautent pour accéder à la cour pour des besoins divers.
Le 26 octobre 2021, à notre passage dans les lieux, nous avons pu rencontrer Mamadou Keïta, l’un des fidèles dont le père faisait l’entretien de la mosquée. « Ecoutez, je connais l’histoire de cette mosquée du début jusqu’à la fin. Elle a été construite devant moi et mon père, qui n’est plus, l’a entretenue jusqu’à sa fermeture », nous a-t-il confié.
Selon lui, cette mosquée, bien qu’on l’appelle ‘’Mosquée des wahhabites’’ est loin d’être la leur. « Ce n’est pas pour les wahhabites. Avant, la mosquée était en banco et il y avait un peulh du nom de Wassoulou Kane, un sunnite, qui dirigeait les prières en qualité d’imam. Dans cette mosquée, sunnites et wahhabites ont toujours prié ensemble. Entre-temps, les wahhabites, à travers Mahamadou Fané, ont trouvé un financement et la mosquée a été bâtie en dur. A son ouverture, les clés ont été remises à Mahamadou Fané puisque c’est lui qui avait mobilisé les fonds en cherchant un partenaire. Ce dernier n’a pas voulu remettre la clé à Wassoulou Kane en tant que premier responsable de la mosquée. C’est à partir de là que les incompréhensions et la mésentente ont commencé », a-t-il ajouté.
LIMAMA tranche …
Pour une solution consensuelle, selon Mamadou Keïta, l’affaire a été portée à la connaissance de la Ligue Malienne des Imams et Erudits pour la Solidarité islamique (LIMAMA) qui a tranché en faveur de Wassoulou Kane. «LIMAMA a indiqué que Fané ne peut pas être imam juste parce qu’il a fait venir un partenaire pour construire la mosquée. Mais, elle a aussi précisé qu’il peut l’être si seulement Kane l’accepte. Puisque Kane est vieux, il a donc accepté Fané comme imam et devient ainsi son premier adjoint », a-t-il précisé.
Lorsque Fané est décédé, avance-t-il, logiquement, c’est Kane, son premier adjoint, qui devait prendre la relève. « Wassoulou Kane devait être imam principal. Mais à la grande surprise de tous, les wahhabites, majoritaires dans la mosquée, ont imposé, avec la complicité du président du comité de gestion de la mosquée, le fils de Fané comme imam principal. Il s’agit de Hamine Fané. Depuis ce jour, les sujets de mésentente et les querelles ont recommencé dans la mosquée. A chaque fois que les choses dégénéraient, j’appelais la police qui venait les disperser. Finalement, il a été décidé que Wassoulou Kane et fils de Fané se partagent les heures de prières. Ainsi, Kane devrait dirige les prières de la nuit et Hamine Fané a été chargé de diriger celles du crépuscule. Curieusement, quand Hamine dirigeait la prière, Kane priait avec les fidèles, mais au tour de Kane, Hamine faisait révolter une partie de la mosquée qui boudait alors la prière. Un jour, les wahhabites ont décidé d’interdire Kane de diriger la prière. C’est ainsi qu’il a eu une violente altercation entre les deux parties suite à laquelle tous les tapis de prière ont été brulés. Donc, pour éviter le pire, la police est venue fermer la mosquée. Cela s’est passé depuis 2016 et jusqu’à ce jour (26 octobre 2021,) elle reste fermée à tous les fidèles musulmans », a-t-il expliqué.
Un nid des drogués et fornicateurs
Il ajoute : «Les voleurs ont emporté tous les objets de valeur. Aujourd’hui, en plus des animaux, la mosquée est devenue un lieu de rencontre des consommateurs de drogues, ainsi que des obsédés sexuels. Pour mettre fin à ces pratiques strictement interdites dans des lieux de culte, nous avons commencé des démarches pour la réouverture de la mosquée. Mais, ces initiatives tardent à aboutir. Nous avons eu des rencontres au niveau de la mairie qui a souhaité que les wahhabites soient toujours impliqués dans la gestion de la mosquée. Une proposition que les sunnites ont refusée sous prétexte qu’ils sont capables de répéter les mêmes querelles. Donc, le blocage est à ce niveau. Pour le chef du quartier, il faut se passer des deux personnes (Kane et le jeune Fané). Cette proposition a été acceptée par Kane qui a tout de même indiqué qu’il acceptait cela si et seulement si cela permettra d’amener le calme dans la mosquée. Cependant, il refuse catégoriquement toute option qui consistera à maintenir Hamine Fané comme imam. Ce que les wahhabites ont rejeté tout en souhaitant que la gestion de la mosquée revienne à Hamine Fané. Pour calmer les tensions, nous avons tenu une dernière réunion au cours de laquelle il a été décidé de choisir une nouvelle personne qui n’est ni Kane, ni Fané pour diriger les prières. Mais là aussi, les wahhabites sont contre. C’est à ce niveau que nous sommes aujourd’hui et la mosquée reste donc toujours fermée. »