Avec l’avènement de la IIIème République à l’issue de l’adoption de la Constitution par le peuple et sa promulgation le 25 février 1992 par notre cher regretté soldat de la démocratie son excellence Amadou Toumani Touré, les principes et valeurs démocratiques sont devenus la règle de gouvernance au Mali. Ceci eut comme corollaire le multipartisme intégral, les urnes comme seule voie d’accès au pouvoir et la qualification du putsch ou coup d’Etat comme « crime imprescriptible contre le peuple malien ».
L’une des caractéristiques fondamentales de la manifestation des principes et valeurs démocratiques est l’identification des électeurs à travers l’établissement des listes électorales qui sont permanentes aux termes de la loi.
Ce faisant, le processus démocratique met le citoyen au cœur du processus, ensuite les idées et les politiques, d’où la nécessité de création et d’animation des partis politiques pour assurer la vitalité de la gouvernance démocratique
Hélas, trois décennies de pratiques démocratiques ont mis à rude épreuve cette vitalité tant désirée mettant nos pratiques démocratiques sous anesthésie.
A qui la faute ? Bien malin qui pourrait objectivement répondre à cette question même s’il est au courant que l’on s’avise à accuser à tort ou à raison les partis politiques, la question de la gouvernance étant d’une complexité à nulle pareille.
Pour revenir à ce pan crucial à la vitalité du reste du processus électoral que constitue la Révision Annuelle des Listes Electorales, il sied de noter d’emblée que les principaux acteurs que sont les partis politiques n’ont pas à ce jour mesuré toute l’importance de cette étape. Sinon, comment comprendre le peu d’empressement que bon nombre d’entre eux manifestent à désigner leurs délégués pour former les commissions administratives de révision.
Notons que la Révision annuelle des listes électorales a lieu du 1er octobre au 31 décembre de chaque année.
Elle a pour objet la mise à jour du fichier électoral en vue des prochaines élections à travers :
– la validation pour les cas des omis, les nouveaux majeurs
– la radiation pour les cas de décès ou de perte de droit de vote,
– les transferts pour les électeurs ayant changé de domicile à l’intérieur de la juridiction ou entre deux juridictions.
Tenue problématique des élections en février 2022 comme facteur de découragement
Le débat récurrent du respect du délai des dix-huit (18) mois avec à la clé la tenue des élections (présidentielle et législatives) ou de la prorogation de la durée de la transition au-delà du temps imparti est un facteur qui démobilise car, habituellement, les citoyens lient la participation à la révision annuelle des listes électorales à la tenue proche des élections. Autrement dit, plus une élection est proche, plus les citoyens ont tendance à s’intéresser à la révision des listes électorales.
Dans cette optique, la fin problématique de la transition avec l’organisation des élections prévues en février 2022 devrait être un atout mobilisateur des citoyens autour de la révision annuelle des listes électorales. Mais le doute qui plane sur cette date fatidique démobilise et démotive les populations en dépit d’efforts déployés tant par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation d’une part et le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et partenaires soutenant des regroupements d’Organisations de la Société civile comme la COPER.
Et comme je l’ai si bien écrit dans les précédents articles « la transition est et reste pour la durée de 18 mois et ce, pour l’honneur des tenants du pouvoir et le bonheur des maliens lassés que la période d’exception ne s’étale indéfiniment au détriment de la double vertu de l’égalité et de légitimité du régime démocratique ». De ce fait, vouloir proroger la transition ne favorise point la consolidation des principes et valeurs démocratiques, loin s’en faut.
Pour mieux mobiliser les populations à participer à la gouvernance, plus précisément à s’impliquer dans la révision annuelle des listes électorales, l’engagement public clair et sans équivoque est nécessaire. Car dans le doute, le facteur sécuritaire, déjà obstacle évident, vient se greffer. Bref, les esprits avisés et déterminés savent qu’un obstacle peut être surmonté, mais à partir de 2 ou 3, l’équation s’annonce complexe à résoudre.
Insécurité comme autre facteur de démobilisation
L’insécurité qui sévit dans nos contrées ne permet pas une mobilisation à souhait des populations. La crise multidimensionnelle née de l’ambition démesurée des prétendants séparatistes des régions nord du pays s’est aggravée avec l’apparition du djihadisme aveugle tronquant les préceptes religieux en enfer pour les croyants.
A cette double terreur publique (séparatisme et djihaddisme) imposée aux paisibles populations du Mali, vient se greffer les actes ignobles des brigands vauriens décidés à tirer leur épingle du jeu à travers attaques et extorsions de biens (accaparements des bétails des éleveurs, détournements des biens publics et privés, menaces et tueries…).
Voilà autant de faits de terreur qui font peur aux populations, d’autant que ces djihadistes se disent contre toute forme d’élections, d’éducation à l’occidentale et pire de démocratie.
Un tel climat n’est pas propice à l’exercice de quelque droit citoyen que ce soit, notamment électoral, d’où l’impérieuse nécessité pour les autorités de la transition de corriger ces sinistres donnés en vue de faciliter la voie à la normalisation qui n’est autre chose que l’ordre constitutionnel normal (pouvoir civil issu d’élections libres et transparentes).
Conclusion :
En ce dernier jour du mois d’octobre 2021, le constat est la faible mobilisation des populations à participer à la RALE en dépit des efforts notables fournis par la Coalition des Organisations Partenaires du PNUD pour des Elections Réussies (COPER) présente sur l’ensemble du territoire national pour soutenir la révision annuelle à travers un plan d’action de septembre à décembre. Les deux facteurs ci-dessus mentionnés constituent de vrais obstacles au processus. Pour y remédier, l’interpellation est certes collective mais les autorités en premier lieu, d’autant qu’à cœur vaillant, rien n’est impossible. Alors, veillons à la sauvegarde des principes et valeurs démocratiques à travers le respect du délai de la transition se matérialisant par la tenue des élections et l’installation d’un pouvoir civil ; le tout dans un environnement sécuritaire digne de ce nom.
Recommandations pour la réussite de la RALE :
Programmer une révision exceptionnelle des listes électorales
Revoir le mode de constitution des commissions administratives en impliquant les organisations faitières de la société civile (femmes, jeunes, personnes vivant avec handicap…) en plus des délégués des partis politiques pour plus d’inclusivité et pour l’efficacité
Exiger des partis politiques recevant un financement public de prendre en charge leurs délégués au sein des commissions administratives.
Appuyer davantage les OSC dans le processus d’information, sensibilisation et mobilisation des populations autour de la révision des listes électorales.
Bamako, le 31 octobre 2021
Mamadou Fadiala KEITA, Juriste et Coordonnateur d’ONG