La population de Dogofry est-elle condamnée à mort ? En tout cas, tel semble être le cas. Délaissés par les autorités maliennes, les habitants de la commune de Dogofry sont dans le dilemme de périr sous les balles des djihadistes pour pouvoir faire leurs récoltes ou rester à la maison et mourir de faim.
Située à 15 kilomètres du camp militaire de Diabaly, la population de Dogofry est la proie des djihadistes, sous le nez des militaires. L’attaque de la semaine dernière en est une parfaite illustration. Mercredi 10 novembre dernier, les habitants du village de Bamako Coura, à 15 km du camp militaire de Diabaly, ont été attaqués pendant qu’ils étaient en train de battre le riz de l’un d’eux.
C’est avec une voix pleine de désolation qu’un habitant de Bamako Coura, dont nous tairons le nom, nous a raconté la scène et a déclaré que la présence de l’armée ne rassure plus dans ces localités. Une présence militaire jugée figurative par la population. Lissez plutôt son témoignage !
« Le samedi 6 novembre, les djihadistes ont attaqué des habitants de notre village au champ alors qu’ils battaient leurs riz. Ce jour, ces habitants sans armes ont fui et les assaillants ont brulé tous leurs riz qui étaient regroupé en trois grands tas. Lors de cette attaque, nous avons appelé les militaires du camp de Diabaly à 15 km. Ils nous ont rassuré qu’ils viendront, mais nous ne leur avons jamais vu. Après cette attaque, les villageois se sont réunis et tous ont convenu qu’il faut travailler collectivement sous la sécurisation des donsos (chasseurs). Ainsi décidé, le champ de M. Boubacar Sanogo dit Monteur a été retenu pour le travail collectif. Le mercredi 10 novembre très tôt le matin, tous les hommes du village sont sortis et ensemble se sont rendus au champ de Monteur, le plus grand propriétaire terrien du village. Les travailleurs sont accompagnés par les donsos qui vont les sécuriser durant le travail. 10 machines dont la plus grande majorité sont des batteuses sont mobilisées. Bref, tous les moyens possibles ont été mobilisés pour que tout le travail se termine en un seul jour.
Vers 9 heures, des coups de feu retentissent. Ce sont environs 100 djihadistes qui attaquent les positions des donsos en infériorité numérique. Alors, nous qui travaillons, avons éteint toutes les machines et nous nous sommes tapis dans les tiges de riz. Malheureusement, les munitions des donsos ont considérablement diminué au bout d’une heure de combat. Ceux-ci nous ont demandé de fuir et ont appelé d’autres donsos ainsi que les militaires en renfort. Nous étions dans l‘obligation de fuir sous une pluie de balles. C’était le sauve-qui-peut. La scène était digne d’un film de fiction. Il fallait vivre la scène pour y croire. L’affluence des balles était telle que nous étions obligés de nous courber à la moitié de notre taille pour courir. Constatant que nous cherchions à nous rendre au village, les assaillants ont essayé de nous barrer les voies d’accès au village. Heureusement, les donsos ont pu les retenir et nous nous sommes sauvés. Lorsque d’autres donsos sont arrivés en renfort, les assaillants ont fui.
Toutefois, ils ont brulé tout le riz ainsi que toutes les machines et 20 motos avant l’arrivée des renforts. Nous déplorons 2 civils tués lors de la fuite 5 autres blessés qui ont été transportés à Niono pour recevoir des soins. Ce bilan humain nous a agréablement surpris tant le niveau de la violence était élevé.
A seulement 15 km et à moins d’un km du goudron, les militaires se sont pointés après que les assaillants aient déjà commis leur forfait et pris la tangente comme cela se passe dans les films américains. Mais, nous leur avons montré la base des assaillants qui n’est pas loin de notre village. Ainsi, ils ont pris la route avant de rebrousser chemin quelques temps après. Ils nous ont dit qu’ils ont reçu le coup de fil de leur hiérarchie leur ordonnant de ne pas engager le feu.
Actuellement nous avons la peur au ventre. Vers le côté de la base des assaillants, on ne peut pas s’aventurer au-delà de 500 mètres sans être la cible d’une balle. Présentement, beaucoup de villageois envisage de vider les lieux. Bien que nous ne soyons qu’à 15 km d’un camp militaire et à moins d’un kilomètre du goudron sur laquelle les militaires font des patrouilles tous les jours, notre sécurité est gravement menacée.
On a appris que le pays a acquis des nouveaux aéronefs de combat mais nous ne sentons pas cela ici. Nous nous demandons même à quoi sert la présence des militaires s’ils ne peuvent pas nous sécuriser. D’ailleurs, nous ne comptons plus sur les militaires. Leur présence est figurative. »