Le docteur Moussa Sow, sociolinguiste et ancien Directeur général de l’Institut des Sciences humaines de Bamako, vient de publier à titre posthume aux Ed Presses universitaires de Bordeaux, un ouvrage portant le titre de « l’Etat de Ségou et ses chefferies aux XVIIIe et XIXe siècles, côté cour, côté jardin. » L’auteur décéda le 19 août 2021 et l’ouvrage parut deux semaines après sa mort.
Cet ouvrage est la récolte issue de longues années de recherche sur le terrain à la fois au Fadougou, au Bélédougou et à Ségou, notamment au Bendougou Niamana et diverses localités intéressées par cette question de recherche. L’idée première de Moussa, sur laquelle nous avions longuement discuté, était que l’histoire de Ségou se comprenait mieux dans les périphéries qu’au centre beaucoup plus documenté aussi bien par des chercheurs nationaux qu’occidentaux comme J. Bazin, L. Kesteloot et même par des explorateurs européens comme Eugène Mage ou le docteur Quintin. Par conséquent, c’étaient ces zones partiellement investies qu’il fallait envahir et interroger pour avoir des réponses à caractère scientifique sur des questions de politique et de gouvernance au centre. Pour avoir fait une thèse à l’Université de Lyon II sur la littérature et les traditions orales, Moussa Sow se méfiait beaucoup des sources critiques qu’il connaissait bien et qu’il classait en 2 catégories, l’école de Kéla et celle de Kita. Il considérait que ces porteurs de la parole utile et historique étaient fortement liés à une famille, un clan ou une cour et fonctionnaient comme des hommes-lige de ces groupes. Leurs paroles, en raison des attaches et des intérêts personnels, pouvaient paraître comme biaisées.
L’Étude eut comme objet, à partir des sources écrites et orales, d’approfondir les connaissances sur les grandes chefferies des périphéries qui aident l’Etat de Ségou à se mettre en place et à fonctionner du point de vue politique et administratif. De cette manière, par cette recherche singulière sur la formation politique de Ségou, on comprend mieux pourquoi celle-ci domina dans le cours moyen du Niger aux XVIIIe et XIXe siècles et du coup de comprendre le rôle de ces structures dans le fonctionnement de l’État de Ségou. Moussa montre bien que sous Da Monzon Diarra, l’État de Ségou était passé de la phase de royaume à celle d’un empire compris au sens d’un agrandissement territorial soit par la guerre, soit par des moyens politiques. Selon Mr J.P. Colleyn, chercheur français au CNRS, les conclusions de Moussa Sow sur cette question seront difficilement remises en cause par les générations futures d’historiens.