« Les symboles sont pervertis, le patrimoine agressé, les mosquées désacralisées, les mausolées dépréciés, les cimetières méprisés… »
Ce que nous sommes en train de vivre n’est rien de moins qu’une perte de valeurs, de repères et comme le disait mon regretté grand frère l’anthropologue, chercheur, premier commissaire au tourisme du Mali, Filifing sako, après tout ce qui s’est passé au Mali, “nous avons besoin d’un réarmement moral”.
“L’UNESCO NE PEUT PAS FINANCER L’AMOUR DES TOMBOUCTIENS POUR LEUR PATRIMOINE “, disait Ismaël Diadié Haïdara, l’écrivain et philosophe.
L’occupation de Tombouctou, le 1er avril 2012 a été un véritable choc, un coup de massue, nous croyions à un poisson d’avril, mais nous avons eu droit au plus amer des poisons. Pourtant, cela n’est pas arrivé sans signes, des signes que nous avons superbement ignorés. Il y avait une prolifération de mosquées et en 2006 pour la première fois il y a eu plus d’une mosquée de vendredi à Tombouctou. Dans les mosquées, des éléments de la Dawa islamique qui pêchaient à outrance, passant la nuit dans les mosquées, y faisant la cuisine. Des actes de banditisme, des braquages, le recul de la fréquentation touristique.
En 2008 des touristes sont enlevés au quartier Abaradjou en plein jour, un d’eux sera tué. En 2010, Dramane Baba Wangara initie le comité pour la correction des mœurs, se jette à l’eau et cette structure organise des assemblées générales dans tous les quartiers de la ville de Tombouctou couronnées par une mémorable assemblée générale le 10 juin à la place sankoré. Des résolutions fortes concernant la dépravation vestimentaire, la consommation d’alcool, la prolifération des bars sont prises. Malgré l’engagement des autorités municipales, des leaders spirituels, les choses ne bougent pas, la marée sociale se poursuit. En 2012 avec l’occupation c’est presque un coup d’arrêt à toutes les dérives mais pas comme souhaité.
Dix mois plus tard Tombouctou est libérée mais se retrouve dans des chaînes plus lourdes avec une frénésie de rattrapage. Des défilés ininterrompus de mode féminine, la reprise des bars, la grande consommation d’alcool, de tramadol, la constitution de clans. Et c’est encore le patrimoine qui prend un grand coup avec comme summum, du jamais vu à Tombouctou, l’occupation de ‘’djaman hana’’ (cimetière avec une histoire particulière) et de tous les djaman hana avec des rôtisseries, des PÂTISSERIES, des buanderies, des herberies et autres conneries.
Tombouctou dont la médina était exempte de chiens est devenue la ville des 3333 chiens entretenus en meutes et hordes par des enfants mineurs qui s’adonnent à toutes sortes de pratiques. Les symboles sont pervertis, le patrimoine déprécié, agressé. Et les mosquées sont désacralisées, les mausolées dépréciés, les cimetières méprisés, les valeurs deviennent la risée pour des gens qui ont d’autres visées. Du coup il y a un élan farouche à faire mentir certaines convictions. À Tombouctou il est dit “qu’on a beau aimer la nourriture pour autant on ne peut se résoudre à manger sa propre langue”, ‘’les Méhounayeurs’’ ( ce qui sont en quête de la pitance quotidienne) balaient cela d’un revers de patte; il est dit aussi “que si le bois de cimetière pouvait générer un quelconque bonheur , l’étranger ne le trouverait point pour se l’approprier “, encore balayé d’un coup de pied, à l’intérieur des cimetières on mène toutes sortes d’activités, on offre et on consomme de la viande grillée saupoudrée de poudre d’os de saint (n’est – ce pas fatouma Harber, la bloggeuse de Tombouctou ?). Il est dit aussi quand une assemblée est silencieuse “sommes- nous donc à une maison funéraire ? ” balayé aussi parce que rien ne distingue plus les funérailles du mariage à Tombouctou. La liste est longue, très longue et nous continuons malheureusement à descendre. Il faudrait pourtant que nous croyons en notre patrimoine, il est exceptionnel, Tombouctou est devenue une reine enchaînée et seules les ‘’Toumbout’idjé’’ (les enfant de Tombouctou) peuvent briser ses chaînes.