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Le statu quo a permis à la Katiba Macina d’avoir sous son contrôle la quasi-totalité des villages du Centre
Publié le mardi 7 decembre 2021  |  Le Pays
MNLA
© Autre presse par DR
MNLA (Mouvement National pour la Libération de l`Azawad)
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La semaine qui vient de s’achever est marquée par l’attaque meurtrière d’un véhicule de forains à Songho. Si cette dernière a particulièrement ému par le nombre élevé des victimes et par l’atrocité du mode opératoire ; les attaques sur les routes, dans les champs et dans les pâturages, même à l’intérieur des villages sont quasi-quotidiennes. Les centres urbains sont peu ciblés, pour le moment, donnant leurre d’une accalmie. Si aucune partie du pays n’est épargnée, le Centre (les anciennes 4ème et 5ème régions) reste le théâtre d’attaques sur les routes et campagnes ainsi que d’affrontements entre les combattants de la Katiba Macina et les donsos d’autodéfense. Les populations attendent beaucoup de l’Etat à qui incombe en premier chef la mission de sécurisation de leur personne et leurs biens pour qu’elles puissent vaguer à leurs activités économiques et mouvoir librement à travers le pays. Pour ce faire, les autorités disposent de l’outil militaire (les forces armées) et de l’outil diplomatique (les négociations). Mais force est de constater que la situation au Centre donne l’impression que l’Etat n’est véritablement engagé ni dans la solution par l’utilisation légitime de la force ni dans la solution par les négociations. Ce statu quo fait l’affaire du JNIM d’Iyad et de Koufa qui exploite parfaitement la force et l’outil diplomatique pour prendre le contrôle des villages et campagnes du Centre, là ou bat le cœur du pays. Le groupe est en phase de réussir son coup.

En effet, le groupe a d’abord pris le contrôle des villages des cercles de la zone inondée sans grande résistance, après avoir éliminé ou faisant fuir toute voix discordante. Ensuite, il a mis le cap sur les villages et brousses situés dans la zone non-inondée avant de continuer plus tard son expansion vers les villages du cercle de Ségou. Dans les zones où il fera face à une résistance des milices d’autodéfense, les affrontements ont charrié leur lot de morts et de déplacés.

Pour le moment, rien ne semble pouvoir stopper la progression du JNIM qui partage de facto l’administration du Centre du pays avec l’Etat : les villages pour le premier et les centres urbains pour le second. Ces derniers mois, de nombreux villages des cercles de Bankass, Koro, Djenné et de Niono sont passés sous administration JNIM. Le groupe déploie désormais sa double stratégie pour mettre la main sur le reste des campagnes du Centre, notamment les villages du cercle de Bandiagara où Dana Ambassagou tente difficilement de lui barrer la route.

En effet, la Katibat Macina du JNIM, en plus du bénéfice de l’expertise militaire et tactique (fabrication et pose de mines, entrainement, financement, armes…) de la part de sa maison-mère, connait bien son terrain d’opération, physiquement et sociologiquement. Koufa et ses combattants exploitent ces atouts pour mettre en échec les initiatives de l’Etat visant à reprendre le contrôle des territoires qu’ils administrent et de continuer son expansion.

« Violences armées » et « Accords de survie » comme stratégie de conquête

Patiemment et méthodiquement, la Katibat utilise le bâton et la carotte pour arriver à ses fins. La carotte, ce sont les « accords de survie » pompeusement appelés « accords ou pactes de paix » ont mis permis à la KM de parachever le processus de contrôle de nombreux villages. Ces « accords de survie » sont devenus son outil diplomatique parce qu’ils sont présentés comme ‘‘intercommunautaires’’, ce qui donne l’occasion à ses combattants de se prévaloir du rôle d’arbitres, de faiseurs de paix, voire de défenseurs des populations. L’Etat qui n’est pas véritablement partie signataire perd le pied dans le secteur qui passe sous administration JNIM : fermeture des écoles classiques et des services publics (préfecture, mairie), payement de la zakat (impôt islamique), non-collaboration avec les forces armées maliennes et leurs partenaires internationaux, désarmement des milices si elles existent encore dans le village, femmes voilées, justice rendue selon leur loi, etc.

Le bâton est que « ces accords » sont précédés d’une période d’attaques meurtrières, d’assassinats ciblés, de rapts de bétail, de prise d’otages, de mise sous embargo, de destruction de champs agricoles, de poses de mines… La cohésion sociale et la cohabitation intercommunautaire sont mises en pièces notamment dans les régions où des milices d’autodéfense se sont constituées pour s’opposer à leur présence : le Pays Dogon, Djenné, Ségou, Burkina Faso. Bref, ces pactes sont présentés aux villageois et aux miliciens qui tentent de les protéger quand ils sont épuisés, désemparés, affamés suite à de longues semaines/de longs mois de répression. Ils ne cherchent qu’à « survivre » et paraphent les accords quitte à faire de difficiles concessions.

C’est le mode opératoire utilisé pour prendre le contrôle de nombreuses localités des régions de Mopti et de Ségou pour ne citer que les cas emblématiques de Dinangourou et de Farabougou. Par la suite, certains villages se rendent compte que la paix espérée n’est qu’un droit de survie. C’est ainsi que surviennent parfois les ruptures d’accords suivies de la reprise des hostilités comme les récents exemples du cercle de Niono. Col. Souleymane Dembélé, Directeur de la DIRPA s’expliquant sur la détérioration de la situation sécuritaire dans le cercle de Niono, a déclaré qu’elle est « la résultante des pactes qu’ils [les habitants] ont signés avec ces gens-là [les combattants du JNIM] ». D’un secteur à un autre, d’une commune à une autre, ces « accords de survie » ont permis au JNIM (même s’il n’est pas parfois devant la scène) d’étendre son pouvoir sur de vastes territoires et cela au détriment de l’Etat. En attendant la paix, les populations de ces localités font le pari de la « vie ».

Le Mali est-il pris au piège au Centre ?

Bientôt la fin des trois jours de deuil national décrété suite à la tragédie de Songho et le « large ratissage » annoncé dans le secteur de l’attaque est peut-être déjà terminé. Dans les villages du Centre, les FAMA sont désormais partagées entre la crainte d’être attaquées et la crainte d’être accusées d’exactions. Les villageois se sentent abandonnés, les accusant de rester dans leurs casernes dans les villes. La force onusienne n’a pas pour mandat d’engager des combats contre qui que ce soit sauf pour se défendre, elle aide le Mali d’une autre manière. Quant aux forces françaises, elles sont réticentes à intervenir dans cette partie du Mali en raison de la coloration ethnique qu’on donne habituellement à toutes les attaques perpétrées ne ciblant pas les forces armées maliennes et leurs partenaires internationaux comme le prouve la dernière lettre-circulaire du Gouvernorat de Mopti adressée à ses Préfets. Tout compte fait, l’attaque de Songho a précédé d’autres attaques et a été suivie d’une autre attaque dans un champ de riz à Dogofry. Donc, personne ne hasarderait à parier que les attaques sont derrière nous dans le Centre.

Le statu quo profite au JNIM

La situation actuelle ne saurait perdurer. Il faut que les lignes bougent quelle que soient la direction qu’elles vont prendre :

1.Des négociations avec le JNIM font partie des recommandations du Dialogue National Inclusif (DNI). Ces négociations par villages qui n’engagent pas l’Etat permettent de sauver quelques vies mais peinent à apporter la paix. S’il faut négocier, ne faudrait-il pas que les hautes autorités s’y engagent véritablement avec tous les acteurs pour aboutir à un accord global de paix à l’issue de laquelle tous les groupes armés non-étatiques (djihadistes et milices) seront désarmés ? Cependant, un tel accord suppose que les autorités maliennes réussissent à faire accepter son bien-fondé à ses partenaires occidentaux et à ses voisins sahéliens. En effet, le JNIM surtout sa Katiba Macina a eu des ramifications dans de nombreux pays de la sous-région comme le montre le nombre de pays déjà ciblés. Même si le Mali abrite son état-major, Bamako ne saurait ignorer ses paramètres. En outre, quelles concessions le Mali pourrait faire au JNIM en contrepartie de la cessation des hostilités ? Les concessions qui lui sont faites dans le cadre des « accords dits locaux » sont lourdes de conséquences et ne garantissent pas forcément la paix comme nous l’avons déjà évoqué.

2.Le Mali et ses partenaires lancent une véritable offensive de traque des combattants du JNIM, notamment dans le Centre où il a désormais sa brigade la plus puissante et la plus expansionniste (le Togo est déjà dans son viseur). Quand les autorités auront ainsi repris l’avantage du terrain, des négociations peuvent être ouvertes avec tous les acteurs de la crise pour accompagner et consolider durablement le processus de réconciliation.

Tout compte fait, le statu quo profite au JNIM car il n’a rien à perdre à attendre. Mieux, il met à profit cet état pour continuer à asseoir son administration sur les territoires qu’il contrôle déjà et de continuer son expansion sur de nouveaux espaces. L’attaque de Songho mais aussi les nombreux précédents incidents survenus sur la RN15 et dans les villages situés autour de Bandiagara (enlèvements de véhicules et prise en otage de leurs passagers, attaque de villages, rapt de bétail, sabotage de ponts…) s’inscrivent dans sa double stratégie de « terroriser » d’abord avant de « proposer un accord » que les populations dos au mur se précipiteront de signer. Une fois les villages de Bandiagara et ceux situés des deux côtés de la RN15 tombés sous ses contrôles, la KM aura parachevé la conquête de l’ensemble des territoires de l’ancienne 5ème région (à l’exception des villes) et fait la jonction avec ses bases du côté burkinabé.

Ali Timbiné

Source : LE PAYS
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