«Je n’ai jamais été et je ne serai jamais une terroriste », martelait Reckya Madougou, peu avant l’annonce du verdict par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Pourtant, l’opposante béninoise et ancienne Garde des Sceaux, présidente du parti Les Démocrates, a bien écopé, ce samedi 11 décembre, d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle et de 50 millions de francs CFA d’amende. Trois autres prévenus, des camarades politiques, sont aussi condamnés à la même peine. Ce verdict était pourtant redouté par les avocats de l’opposante lorsqu’ils dénonçaient, au cours de l’instruction du dossier, que les droits de la défense ont été bafoués. Tant leur client partait à l’audience avec « une présomption de culpabilité ».
Toutefois l’ancienne Garde des Sceaux, tout en continuant de faire foi à la Justice de son pays, accepte d’être ce sacrifice pour la cause de la démocratie. « Je m’offre pour la démocratie. Si cela permet aux juges de la Criet de retrouver leur indépendance alors je n’aurais pas souffert inutilement ce calvaire», a-t-elle souhaité avant son retour dans la Maison d’Arrêt. Mais qu’est-ce que la Criet reproche à Reckya Madougou et ses coaccusés ?
Le procureur spécial de la Criet justifie son arrestation pour fait d’avoir financé des opérations « pour semer la terreur et saboter l’élection présidentielle ». Quant à ses coaccusés, ils sont jugés pour « association de malfaiteurs » ou « actes de terrorisme » ou encore « abus de fonction ». Mais en réalité, la conseillère du président togolais, Faure Gnassingbé, candidate recalée à l’élection présidentielle béninoise contestée d’avril 2021 a été arrêtée, le mercredi 3 mars 2021, pour des raisons purement politiques. Ses avocats ne cessent d’affirmer que son dossier d’accusation est « politique et sans preuve ».
Joël Aïvo, cet autre poids lourd politique écarté de la présidentielle, arrêté le 15 avril, est aussi jugé par la Criet pour quasiment les mêmes motifs. Il a aussi écopé d’une dizaine d’années de prison ferme.
Au Bénin, depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir, le président Patrice Talon s’est hélas doté d’une méthode honteuse : l’instrumentalisation de la Justice pour faire taire, écarter ou exiler ses opposants politiques. N’était-il pas déjà le cas depuis son premier mandat lorsqu’il avait pu faire exiler, à travers « un harcèlement judiciaire », Sébastien Ajavon. Cet homme politique et milliardaire béninois qui lui a pourtant permis d’être ce qu’il est aujourd’hui ?