La visite du chef d’État français à Bamako lundi est une opportunité pour crever l’abcès qui gangrène la relation entre les deux pays depuis quelques mois
Le président de la République française, Emmanuel Macron, est attendu lundi dans notre pays où il rencontrera le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, avant de se rendre à Gao pour partager un dîner de Noël avec les militaires de l’opération Barkhane.
Pour la première fois, les deux chefs d’État aborderont de vive voix un certain nombre de sujets, dont le nouveau format de Barkhane, la coopération militaire avec la Russie et la situation politique.
Cette visite pourrait être l’occasion de clarifier les choses sur le plan sécuritaire, à la lumière notamment des derniers développements intervenus. Une conciliation des points de vue pour harmoniser la conduite à tenir face aux défis de l’heure, paraît possible. Et c’est certainement ce que souhaitent les autorités de la Transition qui n’ont jamais nié l’importance de l’apport des troupes françaises, tout comme celui des Casques bleus dans la stabilisation de notre pays.
Elles ne sauraient pour autant, lors des échanges qui meubleront cette visite, taire les tares dont l’évocation heurte visiblement l’allié français.
Paris n’a jamais caché son agacement face au changement intervenu à la tête de la transition malienne en mai dernier. Et le message délivré par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga à la tribune des Nations unies à New York en septembre dernier, accusant la France “d’abandon en plein vol”, a davantage tendu la relation bilatérale. Mais comment ne pas être d’accord avec les officiels maliens quand on voit la France réduire ses effectifs, sans une réelle concertation avec le Mali.
Ce n’est tout de même pas difficile de comprendre l’inquiétude de Bamako et sa volonté de trouver d’autres partenaires capables de l’épauler contre l’hydre terroriste, loin d’être vaincu, malgré les sévères coups que les soldats français et maliens lui ont porté. Le départ de la force Barkhane de Kidal, Tessalit et Tombouctou, laisse un vide qui n’échappe pas au plus mauvais des stratèges militaires.
Pendant ce temps, la situation sécuritaire continue de se dégrader. Le pays est encore sous le choc du drame de Songho, dans la Région de Mopti, où 31 personnes, dont des nourrissons et leurs mères, ont péri dans le feu suite à une attaque terroriste, particulièrement cruelle. Le bilan en rappelle d’autres – Sobane Da, Ogossagou et Ouatagouna -, d’une ignominie tout aussi indescriptible, mais également les attaques qui ont récemment visé des véhicules de transport dans le Cercle de Niono.
Gloire au Seigneur qui a voulu que les passagers de ces véhicules ne soient dépouillés que de leurs biens, quand ils n’ont pas été tout simplement contraints à les regarder partir en fumée. La Région de Kayes n’est pas épargnée non plus. Tout comme celle de Sikasso.
Clairement, les terroristes veulent transformer les axes routiers stratégiques en mouroirs. Les économies locales, estropiées par ricochet, flancheront inéluctablement. Les populations deviendront alors si vulnérables qu’elles n’auront d’autre choix que de pactiser avec le diable.
Songho ne bouclera peut-être pas la série noire. Puisque les lugubres individus qui nous imposent la guerre resteront ce qu’ils ont toujours été, c’est-à-dire des fanatiques arriérés. Que les autorités de la Transition fassent, dans ces conditions, de la sécurité leur priorité absolue relève du bon sens.
Tout comme cette volonté assumée de multiplier les partenaires, de sorte à ne plus dépendre d’un seul allié. La coopération militaire entre le Mali et la Russie occupera, sans doute, une place de choix dans les échanges entre Emmanuel Macron et le colonel Goïta. Les susceptibilités quant aux intentions de nos autorités de contracter avec le partenaire russe, ont servi de levier pour braquer la communauté internationale.
L’ancienne puissance coloniale a mobilisé tous ses alliés occidentaux pour barrer la route du Mali devant la Russie. Même l’Oncle Sam est entré dans la danse avec le récent communiqué du Département d’État, mettant les autorités maliennes en garde contre l’arrivée de soldats russes sur notre sol. On aurait dit que nous n’étions plus État souverain qui mérite d’être compris et accompagné par la communauté internationale.
Les puissances mondiales ayant les gros moyens militaires regardent ailleurs quand elles ne font pas le service minimum, pendant que les populations maliennes continuent de subir le joug meurtrier des hordes obscurantistes, prétendument mobilisés pour défendre l’islam.
Le Mali a besoin de soutien. Mais un soutien qui nous permet de venir à bout d’un ennemi retors et cruel.
C’est pourquoi, Bamako accueille son allié français Emmanuel Macron à bras ouverts. Car, le Mali et la France ont plus à gagner en taisant leurs divergences. Le Mali n’est pas dans une « bonne posture » sur le plan sécuritaire et la France a tout intérêt à faire en sorte que son intervention au Sahel ne se solde pas par un échec. Cette partie de l’Afrique fait partie de sa zone d’influence. Ses alliés occidentaux semblent décidés à l’épauler pour qu’elle ne perde pas pied en Afrique de l’Ouest.
Si les relations entre nos deux pays sont glaciales, c’est que l’Hexagone exige que la situation politique se gère à ses conditions, qui ne sont pas forcément celles susceptibles de sortir notre pays du gouffre dans lequel il est plongé depuis une décennie.
Certes, il faudra revenir à l’ordre constitutionnel. Mais ce mantra répété pour exiger l’organisation des élections, ramène la crise à sa seule dimension politique.
Or, c’est précisément le très peu de tout ce qui est démocratique et républicain qui émerge dans les Régions de Mopti et Ségou où les élections sont certainement le cadet des soucis des populations. À ce sujet, les recommandations issues de la phase communale des Assises nationales de la Refondation dans ces régions sont éloquentes.