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Modibo Mao Makalou, économiste : « Dialoguer avec l’ensemble des forces vives pour un consensus national »
Publié le samedi 18 decembre 2021  |  Mali Tribune
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Une semaine après la 60e session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), Modibo Mao Makalou, économiste fait une analyse des conclusions.
Mali-Tribune : Nous avons fait déjà 16 mois sur les 18 mois prévus par la Charte de la Transition. En toute objectivité, est-ce qu’en deux mois pourrions-nous organiser des élections avec cette insécurité grandissante et la cacophonie politique qui prévaut au sein de la classe politique?



Modibo Mao Makalou : Gouverner c’est prévoir dit l’adage, mais gouverner c’est aussi choisir et donc mécontenter. Au Mali, alors que les autorités de transition affichent désormais ouvertement leur volonté de reporter les élections présidentielle et législatives prévues le 27 février 2022, le « Cadre d’échange de Partis et de Regroupements de Partis politiques pour une Transition réussie au Mali » rejette cet éventuel report. Les membres du Cadre réclament la tenue des élections générales à l’échéance initialement prévue du 27 février 2022, ce qui correspond aussi aux exigences de la Cédéao.

Les Assises nationales pour la Refondation (ANR), voulues par les autorités de la Transition ont débuté le 11 décembre 2021 aux niveaux des Communes et prendront fin le 30 décembre 2021 au niveau national. Toutefois, une partie de la classe politique, des groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du Processus d’Alger et les partisans de l’imam Mahmoud Dicko ont déclaré leur non-participation aux ANR. Il appartient donc au Président de la Transition, chef de l’Etat de continuer à dialoguer avec l’ensemble des forces vives afin d’obtenir un consensus national pour la sortie de crise et d’assurer l’organisation transparente et crédible des prochaines élections générales dans un climat apaisé.

Le Mali traverse une crise multiforme et multidimensionnelle, les défis sont nombreux et les moyens limités. Le gouvernement doit assurer la sécurité des Maliens sur toute l’étendue de son vaste territoire de même que la cohésion nationale pour atteindre la paix et la sécurité. Ceci est un vaste chantier qui exige que le gouvernement consulte régulièrement les forces vives à travers un dialogue fécond et la relégation des querelles de clochers entre les acteurs politiques au second plan pour que les Maliens aillent à l’unisson pour sortir de la crise afin de pouvoir se projeter dans un avenir de paix, de sécurité et de prospérité.

Mali-Tribune : Quelle analyse faites-vous du 60e sommet ordinaire de la Cédéao qui a eu lieu le 12 décembre 2021 à Abuja au Nigéria. Et pourquoi à votre avis visiblement les chefs d’Etat de l’instance sous-régionale n’ont pas été convaincus par la lettre de deux pages du Président de la Transition, Assimi Goïta qui s’engageait au plus tard le 31 janvier 2022 à fournir un chronogramme détaillé des élections ?

M. K. : En effet, la soixantième session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao s’est tenue le 12 décembre 2021 à Abuja, en République fédérale du Nigeria, sous la présidence de Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président de la République du Ghana, et président en exercice de la Conférence.
En réalité la Conférence a été sensible à la lettre du président de la Transition du Mali qui était portée par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale puisqu’un répit a été accordé à la Transition pour fournir un chronogramme détaillé à la Cédéao, au plus tard le 31 décembre 2021 étant donné que les ANR auraient été finalisées. Selon le communiqué final de la Conférence, les décisions qui ont été prises s’agissant du Mali, la Conférence a pris note d’une communication officielle, adressée par les autorités maliennes à la Cédéao le 9 décembre, pour l’informer que le chronogramme des élections sera transmis au plus tard le 31 janvier 2022, et pourrait être discuté avec une mission de la Cédéao. Il est également indiqué dans ladite communication que la loi électorale pour l’organe unique de gestion des élections a été adoptée par le gouvernement et transmise au CNT.

La conférence déplore vivement le fait que l’échéance du 27 février 2022 pour la tenue des élections risque de ne pas être respectée. La conférence demeure préoccupée par les risques pour la région d’une intervention de société de sécurité privée au Mali. En conséquence, la conférence rappelle la nécessité urgente de respecter la date du 27 février 2022 pour la tenue des élections. Elle décide du maintien des sanctions déjà imposées. Si à la fin de décembre 2021 aucun progrès tangible n’est réalisé dans la préparation des élections, des sanctions additionnelles seront imposées dès le 1er janvier 2022. Ces sanctions incluront notamment des sanctions économiques et financières. La conférence demande au Médiateur d’effectuer une mission à Bamako pour en informer les autorités maliennes elle appelle la communauté internationale à soutenir la mise en œuvre desdites sanctions imposées au Mali.

Mali-Tribune : La Cédéao menace le Mali de nouvelles sanctions si les autorités maliennes ne respectent pas le calendrier électoral établi en avril dernier par le gouvernement Moctar Ouane. Selon vous, quelles pourraient être la nature de ces nouvelles sanctions? Faut-il s’attendre à une intervention militaire de la force en entente de la Cédéao comme le présagent certains observateurs ?

M M. K.: La conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao du 7 novembre 2021 a décidé de la mise en vigueur immédiate de sanctions ciblées contre tous ceux dont les actions impactent négativement sur le calendrier de la transition tel qu’arrêté par les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao. Ces sanctions incluent notamment l’interdiction de voyage pour ces personnes et leurs familles et le gel de leurs avoirs financiers. À cet effet, la conférence a demandé au président de la commission de la Cédéao de compiler et soumettre la liste des individus et groupes d’individus concernés. La Cédéao prévoit plusieurs types de sanctions envers les pays membres qui n’honorent pas leurs obligations à son encontre. Ces sanctions peuvent être d’ordre politique, judiciaire, économique, financier et commercial. C’est le Conseil de Médiation et de Sécurité de la Cédéao qui édicte les sanctions. Une intervention armée de la Cédéao au Mali ne me semble pas être à l’ordre du jour du Conseil de médiation et de Sécurité de la Cédéao puisqu’il me semble que les négociations entre la Cédéao et les autorités de la Transition progressent malgré quelques écueils.

Mali-Tribune : Des voix se lèvent de plus en plus pour demander le retrait du Mali de la Cédéao. Si cela se concrétise quel est la procédure à suivre ?

M M. K.: La Cédéao a été créée le 28 mai 1975 par le Traité de Lagos (Nigéria), elle regroupe 15 Etats et a pour objectif de promouvoir la coopération économique et politique entre les Etats membres. Un des principes fondamentaux de la Cédéao est de promouvoir et consolider les systèmes démocratiques de gouvernement dans chaque Etat membre tel que prévu par la Déclaration de Principes Politiques adoptée le 6 juillet 1991 à Abuja.

Selon le traité révisé de la Cédéao du 24 juillet 1993 en son article 91, tout Etat membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un (1) an, sa décision au secrétaire exécutif qui en informe les Etats membres. A l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet Etat cesse d’être membre de la Communauté. Au cours de la période d’un 1 an visée au paragraphe précédent, cet Etat membre continue de se conformer aux dispositions du présent traité et reste tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité.

Propos recueillis par

Ousmane Mahamane

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