Plusieurs semaines depuis la COP 26 consacrée à la sauvegarde des écosystèmes et un grave problème continue de tarauder des concitoyens de l’intérieur inaudibles à des milliers kilomètres de Glasgow où s’est déroulé le conclave planétaire sur la conservation de la nature. Leurs gémissements et cris du cœur retentissent en effet depuis le Cercle de Keniéba où bruissent des grincements de dents à la fois contre la nuisance mortelle des industries extractives et l’abattage sans ménagement et sans discernement du patrimoine végétal local.
C’est la substance, en tout cas, d’une salve de mécontentements exprimés par les représentants de nombreuses associations de la société civile qui convergent périodiquement dans la capitale régionale (Kayes), pour dénoncer et tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences macabre de l’utilisation massive des produits chimiques par les exploitants aurifères ainsi que sur l’exploitation abusive de ce qu’il reste de leurs migres forêts.
«Des arbres âgés de 300 ans pour certains et d’autres auxquels s’associent des croyances séculaires sont frauduleusement déracinés et embarqués dans les camions à des destinations inconnues», s’est ainsi insurgé un leader associatif lors d’une récente rencontre, sanctionnée par un ultimatum des participants aux exploitants pour qu’ils arrêtent la saignée végétale en cours. Ils pointent ainsi du doigt des Chinois dont la convoitise du bois de veine malien a manifestement atteint les proportions d’une maladie incurable. En effet, selon plusieurs témoignages concordants, l’impitoyable machine d’extermination de cette précieuse richesse florale jouit d’un incroyable confort depuis près d’une décennie. Si bien que le célèbre «Guenou», un bois très prisé en Chine, est en passe de devenir moins rare dans ce pays qu’au Mali. C’est en partie grâce à la complicité de partenaires maliens parmi lesquels l’incontournable «Entreprise Cissé», du nom du repreneur privé de l’unique société nationale de traitement du bois au Mali. Celle-ci, confie-t-on, passe également pour le vecteur principal ou exclusif d’exportation massive des troncs de Guenou qui traversent tout le pays et passent entre les mailles de tous les filets de contrôle forestier pour atteindre Bamako en pleine zone industrielle. C’est là, explique-t-on, que la précieuse marchandise est traitée et chargée dans les containers avant d’être massivement acheminée à l’extérieur sans obstacle. Pour ce faire, des arbres entiers sont d’abord manutentionnés à l’aide de machines et découpés de manière à optimiser leur chargement. C’est le rouage par lequel une bonne vingtaine de containers de 25 tonnes en moyenne est chargée chaque jour. Chaque cargaison à destination de la Chine représente pas moins de 2 400 pieds d’arbre abattus, selon les spécialistes, qui estiment par ailleurs à 40 années le temps qu’il faut pour entretenir un seul arbre de Guenou jusqu’à l’âge adulte. «Le plus grave c’est que cet abattage impitoyable n’est jamais suivi de repiquage de nouveaux pieds», déplore un expert et fervent défenseur de l’environnement, lequel s’égosille depuis quelques années, par le biais de son ONG, pour obtenir une optimisation des coupes de bois de façon. Son projet vise notamment à préserver une manne de 175 milliards de manques à gagner par an pour un investissement annuel de 30 milliards sur lequel 23 millions d’euros ont pu être décaissés.
L’initiative a bizarrement tourné court et s’est brusquement interrompue alors qu’elle préconise la plantation massive d’arbres ainsi qu’une transformation locale du bois avant son exportation. Mais, pour ce faire, il fallait observer un moratoire des coupes obtenu auprès du ministre de l’environnement, Housseini Amion Guindo, sous forme d’une décision d’interdiction temporaire de l’exportation du bois. Toutefois, la mesure ne va pas résister à la boulimie des entreprises chinoises et de leurs complices maliens, qui ont réussi à la transgresser au détour d’une dérogation pour les cargaisons déjà constituées. L’impitoyable machine a ainsi repris de plus belle au risque d’entraîner la disparition, une bonne fois pour toutes, de l’espèce au nom des besoins de consommation chinoise.