En louvoyant avec la CEDEAO, pour ne pas proposer un chronogramme clair et précis de ortie de Transition, comme on le lui exige, le Colonel Assimi Goïta joue la montre et contraint l’organisation sous-régionale à… ne pas franchir le Rubicond de sanctions plus sévères et donc plus impopulaires ! Le risque est de trop tirer sur une corde déjà suffisamment tendue !
Ce dimanche 12 décembre, la CEDEAO a manifestement atteint ses limites de recours contre les autorités militaires maliennes. Les menaces de renforcement des sanctions à l’orée de janvier 2022, ne sont rien moins qu’une situation de non sanction. Car le Colonel Assimi Goïta n’a pas bougé d’un iota : ce sont bien les assises nationales de la refondation qui décideront d’un chronogramme de sortie de la Transition. En renvoyant la balle dans le camp du peuple, ou du moins ce qu’elles présentent comme tel, les autorités de Bamako renvoient la balle dans le camp d’une organisation ouest-africaine qui, déjà impopulaire, se garde jusqu’ici de tirer trop loin le bouchon pour ne pas heurter les intérêts de la population. du coup, la junte militaire apparaît comme des victimes en bute à l’hostilité internationale car voulant sauvegarder les intérêts de leur peuple.
Courber l’échine et laisser passer l’orage
Le taiseux Rambo de Farabougou est indubitablement un fin stratège : il a fini par prendre dans la nasse les vieux routiers de la politique que sont les Chefs d’Etat de la sous-région ouest-africaine. Le sommet de la CEDEAO de ce 12 décembre était attendu comme celui de la dernière chance pour la junte malienne. L’orage de la batterie de mesures, édictées à l’issue de la rencontre d’Acra du 7 novembre dernier, a laissé des traces. Plus de 150 hautes personnalités maliennes, dont le Premier ministre lui-même et la quasi-totalité de son gouvernement, sans compter les représentants du peuple nommés par… Assimi, se retrouvaient devenir subitement des parias. Les incidences sur leur vie personnelle et l’impact sur l’efficacité de leurs activités respectives traduisaient la sévérité d’une décision sans commune mesure dans les annales des relations internationales du Mali, voire de la sous-région ouest-africaine.
La réaction de la CEDEAO était certainement à la mesure d’une attitude de la junte malienne que les chefs d’Etat voisins n’étaient pas loin de considérer comme de l’outrecuidance. C’est en effet la junte malienne qui, après déjà le 18 août 2020 à la chute de IBK, avait clairement indiqué qu’elle n’entendait guère s’éterniser à la tête d’un pouvoir qu’elle avait raflé pour parachever une lutte populaire. Cette même junte, après avoir chassé le 26 mai 2021 suivant le Président et le Premier qu’elle avait installés au pouvoir, renouvelait le même engagement face à la communauté internationale. Ecrire une simple lettre, seulement deux jours avant la rencontre du 7 novembre de la CEDEAO, pour signifier qu’elle n’entendait pas respecter sa parole donnée a fait passer la junte malienne, aux yeux des partenaires, comme composée d’officiers félons. Les événements précédant cette conclusion auraient pourtant dû préparer à cette issue. Le nouveau Premier ministre, issu de la contestation à laquelle les Colonels de Kati avaient fini par se réconcilier, n’avait pas tardé à croiser le fer pour justifier, à long terme, une prolongation à laquelle aspiraient bien évidemment ses ‘’maîtres’’ du Camp Soundjata. Les charges répétées contre la France et la Minusma entrent dans un contexte, présenté côté jardin à l’interne comme une émancipation des solutions imposées par l’extérieur, et de ce côté-ci de la cour, avec d’ailleurs quelques raisons, comme une alternative à l’immobilisme confinant à une impasse.
Cette attitude devait inévitablement conduire à l’adoption de sanctions, dont la menace avait été maintes fois brandie par la CEDEAO suivie par le reste de la communauté internationale. D’où les mesures d’interdiction de voyage et de gel de comptes bancaires infligées à plusieurs responsables du pouvoir actuel. La communauté internationale n’est pas dupe, à l’instar de nombre d’observateurs à l’‘interne, la volonté de s’en remettre aux Assises nationales de la refondation est destinée à faire passer la pilule d’une prolongation de la Transition, devenue l’objectif majeur des proconsuls de Kati et pour lequel aucun des engagements souscrits, après leur premier coup d’Etat 18 août 2020, n’a reçu un début d’exécution. Aucun chantier n’a été initié, hormis la très populaire mais très éphémère croisade contre la corruption et l’impunité. Cette action a vite éprouvée ses limites, après l’incarcération d’anciens ministres d IBK qui, si les enquêtes avaient été un peu poussées, devaient être rejoints en cellules par nombre d’officiers généraux toujours en activité et d’ailleurs bien en cours comme mentors des officiers de la junte.
La dernière chance… reportée
De même que les Chefs d’Etat, y compris Emmanuel Macron, ne sont guère dupes : les sanctions finiront toujours par impacter la population, les personnalités concernées étant disposées à vivre sur les ressources de l’Etat au détriment du peuple, tout en se défaussant sur la communauté internationale, aux yeux d’une population instrumentalisée comme c’est le cas actuellement, des déboires consécutifs. De même, la politique des sanctions conduit toujours à l’absence d’alternatives autres que le départ des dirigeants jugés coupables. Or, dans le cas du Mali, comme de plusieurs pays, ceux-ci passent comme des héros aux yeux de la population instrumentalisée par des missi dominici mobilisés à coups de prébendes pour noyauter toute velléité de contradictions à l’interne. Tout cela participe de l’intransigeance du Colonel Assimi Goïta à persister dans la posture actuelle de ne guère déférer aux injonctions communautaires sous-régionales.
La stratégie de la montre a donc fini par produire ses effets : la bourrasque des sanctions du 7 novembre passée, en courbant l’échine, Assimi a mis à profit la fenêtre des sanctions qui lui ont été épargnées ainsi qu’à Abdoulaye Diop, pour tergiverser jusqu’au bout. A terme, le Colonel Assimi obtiendra bien sa ‘’prolongation’’ et la communauté internationale, CEDEAO en tête, sera mise devant le fait accompli qu’elle finira bien par accompagner.
Ainsi, l’arrivée ce 20 décembre d’Emmanuel Macron et sa rencontre prévue avec le Président de la Transition malienne, le Colonel Assimi Goïta, apparaît donc comme une victoire incontestable pour le patron de la junte de Kati. Sans présumer de l’ordre du jour de son agenda, cette initiative du Président français conforte des autorités transitoires de plus en plus isolées sur la scène internationale. A la fois surprenante et inattendue, la visite de Macron, contrairement aux assertions d’un groupuscule d’ultras, ouvre une fenêtre riche en perspectives de réconciliation d’abord pour sortir de l’impasse. Les autorités maliennes sont l’objet de condamnations et de mises en garde répétées, comme récemment celle la diplomatie américaine qui avertit du détournement « des fonds qui pourraient être utilisés pour soutenir les forces armées et les services publics maliens ».
Pour l’heure, nonobstant les résultats de l’entretien entre les deux hommes, l’arrivée de Macron dans le dossier malien apparaît comme une reprise en main et pourrait marquer un coup d’arrêt du cercle vicieux des sanctions comme réponses aux tergiversations des proconsuls de Kati.
Il n’y avait donc nul bravache dans la bravade du Président de la Transition à résister aux pressions et menaces de renforcement de sanctions. Visiblement, le Colonel Assimi avait misé avec raison sur la nécessité pour la communauté internationale de sortir d’une attitude sans issue autres que le renforcement de la précarité malienne déteignant sur les pays voisins et favorisant l’expansion du terrorisme.
Mais la lassitude envers le Mali et le caractère inextricable de sa situation hybride pourraient venir à bout de la patience et des volontés les mieux disposées. La prolongation de la transition, qui plus est sans perspective définie, génère une illisibilité, du moins pour l’heure, de la situation politique du Mali. Ces incertitudes institutionnelles nourrissent les réticences des partenaires à s’engager ou à davantage consolider leurs implications aux côtés d’un pouvoir d’exception dont l’essence est l’absence de légitimité autre que celle offerte par les armes et soutenue par les intimidations d’une rue instrumentalisée et d’une rare violence !