Construite en 2011 dans la zone aéroportuaire, l’infrastructure peine à attirer les vendeurs de poisson pour des raisons d’affluence. Mais pas seulement
L’inauguration du Marché central à poisson avait suscité beaucoup d’espoir, se souvient Mme Nana Thiéro. Rencontrée derrière le siège de l’agence de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) au Quartier du fleuve, cette mareyeuse témoigne : «Nous avions commencé à le fréquenter.
Nous quittions nos maisons à 5h du matin pour y aller et nous rentrions souvent tard la nuit. Après deux semaines, nous avons décidé de reprendre service dans nos marchés respectifs, faute de clients. Vu l’endroit où il se trouve, le transfert des activités des mareyeurs sera très contraignant pour nous».
Ce témoignage résume en substance la problématique de la viabilité du Marché central à poisson de Bamako. Construite en 2011 dans la zone aéroportuaire grâce à un soutien financier du partenaire japonais, l’infrastructure attend d’être occupée, près de dix ans après sa réalisation pour mettre fin à la vente anarchique de poisson à travers la ville.
Il suffit pourtant de parcourir Bamako pour se rendre compte de cette nécessité. On y aperçoit de part à d’autre des routes et autres grandes artères, des points de vente de poissons frais exposés à l’air dans des conditions pas vraiment hygiéniques. Les étals sont envahis par de grosses mouches. Ils transforment ces coins en un marché spontané au fil du temps. C’est le cas du marché improvisé de vente de poisson derrière le siège de l’Agence de la BCEAO.
Ces coopératives de revendeurs de poissons n’ont toujours pas accepté de transférer leurs activités au Marché central à poisson de Bamako. Pour en savoir davantage, notre équipe de reportage s’est rendue à l’Agence de gestion du Marché central à poisson de Bamako. En ce jour, la cour dudit marché est presque déserte. Quelques grossistes y opèrent tout de même. Les 200 magasins et 117 places destinés à la vente au détail et au conditionnement du poisson ne sont pas toujours opérationnels.
VOCATION PREMIÈRE- C’est dans cette ambiance que nous avons rencontré la présidente directrice générale de cette Agence. Le Japon a financé la construction de ce marché, afin que nos mareyeurs et mareyeuses quittent cette insalubrité dans laquelle ils vendent les poissons, explique Mme Diawara Aïssata Hamata Touré. Sa vocation première est, selon elle, la vente du poisson en gros et l’approvisionnement des marchés de Bamako et ceux de l’intérieur du pays en poisson.
Il faut un marché moderne, semblable à un port sec où tous les grossistes de poisson doivent se retrouver pour vendre le poisson de bonne qualité et dans de très bonnes conditions de conservation, insiste la présidente directrice générale. «C’est pourquoi, ce marché a été créé. Les grossistes doivent se retrouver ici avec quelques détaillants», insiste Mme Diawara Aïssata Hamata Touré.
L’espace a pour but de mettre fin à la vente anarchique de poisson à travers la ville
Pour ce faire, un protocole d’accord a été signé le 17 janvier 2012 avec les coopératives de revendeurs de poissons qui se sont engagées à y transférer leurs activités. Un engagement formel qui n’a pas été suivi d’effet, car les coopératives n’ont jamais transféré leurs activités au Marché central à poisson, déplore-t-elle.
Mme Diawara Aïssata Hamata Touré explique : «À l’instar de mes prédécesseurs, je me suis investie pour faire venir les associations de revendeurs sur cet espace sans succès, pour l’instant. Plusieurs réunions ont eu lieu avec eux. Les promesses de regagner le marché n’ont toujours pas été tenues. Ils se plaignent de l’éloignement de l’endroit.»
Un autre facteur qui explique le peu d’engouement pour ce marché est que la gestion de l’infrastructure serait un autre point de discorde avec les acteurs du commerce de poisson qui voudraient se voir confier la direction de l’établissement. Ils réclameraient la paternité du marché. Ce qui n’est pas possible, parce que c’est un établissement public sur la gestion duquel l’État est très regardant, martèle Mme Diawara.
PROBLÈME À BRAS LE CORPS- Toutefois, pour favoriser l’installation des vendeurs de poisson, des propositions ont été faites dans ce sens. Il s’agit, entre autres, de l’appui à la formation des grossistes, l’intervention auprès de l’État pour faciliter l’écoulement des produits. Outre l’appui logistique pour la livraison des commandes sur les marchés de Bamako, une politique de diminution de la taxe douanière a été proposée. L’objectif est de convaincre les revendeurs à transférer leurs activités au Marché central à poisson de Bamako.
Le ministre délégué en charge de l’Élevage et de la Pêche a pris le problème à bras le corps. En accord avec son collègue de l’Économie et des Finances, il a été décidé d’appliquer dans six mois, un demi-tarif sur les frais douaniers pour ceux qui accepteront de venir s’y installer.
En attendant, les marchés traditionnels semblent avoir de beaux jours devant eux. Du marché Dossolo Traoré, en passant par le Nouveau marché de Médine, les Halles de Bamako et la rue de la BCEAO, les vendeurs se frottent les mains.
Le marché Dossolo Traoré abrite le plus grand point de vente de poisson frais à Bamako. Plus de 1.000 vendeuses y exercent, nous explique le président du Collectif national des acteurs des marchés du Mali, Abdoulaye Cissé. Comme au niveau de la plupart des marchés, ici les poissons frais sont étalés à même le sol, sur du plastique. L’environnement est insalubre.
Selon Abdoulaye Cissé, le Marché central à poisson de Bamako n’est pas un espace idéal pour la vente de poisson frais. L’endroit est trop éloigné de la ville. Les détaillants ne pourront pas y rester parce que les clients ne viendront pas, explique-t-il. Vouloir forcer les poissonniers à y transférer leurs activités, c’est prendre le risque de créer des points de vente anarchiques à travers la ville de Bamako, car ils abandonneront les marchés pour occuper les rues, croit savoir Abdoulaye Cissé. Pour lui, le transfert n’arrangera pas les revendeurs, car aucun client ne quittera par exemple un quartier comme Lafiabougou pour aller acheter un kilo de poisson au marché central, argumente-t-il.
La meilleure alternative est la construction de points de vente modernes, d’étals en carreaux et l’installation de robinets au niveau des marchés qui doivent être dotés de toutes les commodités nécessaires, suggère-t-il.
Babba B.COULIBALY
LES ATOUTS DU MARCHÉ CENTRAL À POISSON
Le marché central à poisson a été construit en 2011 dans la zone aéroportuaire. Il dispose de 200 magasins sous forme de kiosques. L’espace comprend trois hangars de 117 places destinées à la vente au détail et au conditionnement du poisson. Il compte sept chambres froides de stockage, dont quatre d’une capacité de 40 tonnes et trois d’une capacité de 20 tonnes.
Il est équipé de tables de vente qui permettent de respecter les conditions d’hygiène. Le coût de location de chaque magasin s’élève à 10.000 Fcfa. Une étal se loue à 17.500 Fcfa par mois. Les tables de vente sont louées entre 25 et 50 Fcfa par jour.
Outre les 600 caisses isothermes dans lesquelles les vendeurs peuvent mettre leurs poissons, le marché est doté d’un hangar pouvant accueillir cinq conteneurs, réalisés en 2016 au profit des grossistes. Il comprend une aire de vente en gros, bâtie sur une superficie de 1.077 m2 divisée en 60 stands d’une superficie de 720 m2. En plus des surfaces de déchargement et de traitement du poisson frais, le Marché central à poisson de Bamako comprend une unité de fabrique de glace d’une capacité de 15 tonnes. Il est aussi doté d’un château d’eau, de bureaux et d’installations connexes.