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Le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, se prononce sur la situation au Mali et en Libye
Publié le mercredi 22 decembre 2021  |  TeN TV
Sergueï
© Autre presse par DR
Sergueï Lavrov, Le chef de la diplomatie russe
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Le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, se prononce sur la situation au Mali et en Libye dans l’interview, accordée à la chaîne de télévision égyptienne TeN TV (Moscou, 14 décembre 2021).


Question: Si je comprends bien, vous considérez l'Occident comme la cause de la destruction de la Libye en 2011 et des souffrances des Libyens depuis dix ans?


Sergueï Lavrov: Ce fait est impossible à nier. De plus, tout le monde reconnaît une autre réalité encore plus vaste: depuis que l'Occident a détruit la structure étatique de la Libye, un "trou noir" est apparu à la place de ce pays. Les extrémistes armés par l'Occident contre Mouammar Kadhafi ont traversé son territoire pour aller vers le Sud. C'est précisément l'origine de la crise observée depuis des années dans la région du Sahara-Sahel. Aujourd'hui, c'est l'une des zones les plus dangereuses du point de vue de la propagation de l'idéologie extrémiste et de la présence physique de différentes branches d'Al-Qaïda et de Daech. Des flux de migrants se sont dirigés vers le Nord à travers la Libye, dont l'Europe souffre et cherche à bloquer. Il faut assumer ses actes.

Question: La menace terroriste représente un sérieux défi pour les pays de la région du Sahara-Sahel. La Russie entreprend-elle des efforts pour aider ces pays?


Sergueï Lavrov: Le 11 novembre dernier, je me suis entretenu avec le Ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, et le 7 décembre avec le Ministre tchadien des Affaires étrangères Chérif Mahamat Zene. Nous sommes en contact étroit avec les autorités de la Centrafrique. Ils sont tous unis par la même volonté: mobiliser les forces pour combattre le terrorisme. Des filiales d'Al-Qaïda, de Daech ou de Boko Haram sont présentes dans ces pays de manière plus ou moins importante. Tout cela arrive déjà sur le littoral du golfe de Guinée, des groupes de bandits commencent à s'accumuler autour du lac Tchad. Ils commettent des incursions depuis leurs camps, terrorisent les habitants, exploitent activement les ressources naturelles des pays africains. Peu sont capables d'y faire face.Nous aidons le G5 Sahel. Ils forment actuellement des forces conjointes, qui sont en cours de mise en place. Au niveau bilatéral, nous fournissons aux pays de cette région les armements nécessaires permettant de renforcer leur capacité d'éradiquer la menace terroriste. Nous entraînons régulièrement les militaires de ces pays en Fédération de Russie, dans les établissements de notre ministère de la Défense, nous formons des casques bleus et des policiers. À l'heure actuelle, le Conseil de sécurité des Nations unies songe à faire participer l'Onu au soutien matériel des forces conjointes du G5 Sahel. Nos collègues occidentaux ne sont pas très enthousiastes à ce sujet. La Russie est prête à faire un pas concret pour que l'Onu prenne conscience de la nécessité de soutenir plus activement et substantiellement le travail du G5 en ce sens.


Question: Les déclarations du commandement des forces armées américaines expriment constamment des mises en garde contre toute présence militaire de la Russie dans les pays d'Afrique. Que pensez-vous de ces déclarations?


Sergueï Lavrov: C'est une réflexion impériale, une absence du moindre respect envers d'autres pays qui est inhérente aux États-Unis et à la manière dont ils agissent dans le monde non seulement envers la Russie, mais aussi la Chine et d'autres États qu'ils qualifient d’adversaires et de rivaux. Ils parlent et traitent de la même manière leurs alliés. Comment a été réglé le problème de la vente de sous-marins nucléaires à l'Australie? Ils ont décidé et ils ont fait.En ce qui concerne leur revendication de gestion de continents entiers en solitaire, je pense que les pays de la région, de l'Afrique, du Moyen-Orient sont des entités étatiques suffisamment mûres ayant une grande expérience historique pour comprendre toute la futilité de ce genre de déclarations.Les militaires américains ne sont pas les seuls à avoir parlé de l'inadmissibilité de la présence russe et chinoise en Afrique. Par exemple, Mike Pompeo, qui était mon homologue quand il était secrétaire d'État américain, avait voyagé (peu de temps avant la fin du mandat de Donald Trump) dans plusieurs pays africains les appelant partout publiquement à ne pas commercer avec la Russie ni avec la Chine, parce que soi-disant nous faisons du commerce pour "coloniser" tout le monde. Alors que les Américains le font uniquement pour renforcer la démocratie. Évidemment, le caractère anecdotique et la futilité de ce genre de déclarations sont flagrants pour tous.Les Américains, mais aussi nos collègues européens, éprouvent un tel sentiment de leur propre supériorité sur tous les autres. À chaque occasion, la France déclare que la Russie "n'ose pas" apporter une aide militaire à un pays comme le Mali. Alors que le gouvernement malien a officiellement tout expliqué de manière assez détaillée. Le Premier ministre a exprimé à l'Assemblée générale des Nations unies ses préoccupations vis-à-vis du fait que face à la menace terroriste qui ne diminue pas, et grandit, le gouvernement français a décidé de réduire la mission Barkhane. En particulier, deux bases ont déjà été fermées dans le Nord du pays, où la situation est la plus grave, et une troisième sera fermée d'ici la fin de l'année. Bien évidemment, dans ces conditions, les autorités maliennes doivent chercher une compensation à cette démarche française. Avec le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou, nous avons récemment parlé à nos homologues français au format "2+2". Nous les avons appelés à exclure les doubles standards dans la lutte contre le terrorisme. Si nous voulons tous aider l'Afrique, il faut le faire en unissant nos efforts et non par des tentatives de "jalonner" sa zone de responsabilité, "marquer" le territoire concerné sans laisser y entrer tous les autres. C'est une réflexion du XIXe siècle, même pas du dernier.
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