Tous ceux qui ont connu l’ancien international de l’AS Réal, Drissa Tangara dit GMC auront le souvenir d’un homme correct, très discipliné. Il incarnait la sagesse au Réal. Un ancien arbitre international nous a dit qu’il avait de la peine à donner un carton jaune à GMC. Mais souvent il le fallait pour faire respecter la loi, même si c’était à contre cœur. Sa constance et son endurance ont fait de lui le patriarche de la maison. C’est pourquoi son tableau de bons souvenirs n’est garni que de l’histoire des Scorpions : tous ces temps passés avec Domingo, Ousmane Traoré dit Ousmane Bléni, Moctar Maïga, la belle époque de sa génération, les fortes sensations créées par l’attaque électronique.
A présent, GMC continue de servir l’AS Réal en sa qualité de secrétaire général adjoint du bureau dirigé par Dr. Seydou Sow. Sa passion, sa disponibilité pour le club sonnent comme une reconnaissance parce que le Réal lui a tout donné. Dans l’administration, dans la vie courante, il dit ne rencontrer aucune difficulté pour chaque service demandé. Drissa Tangara est notre héros de la semaine pour l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. L’histoire du sobriquet GMC ? Les dessous de la finale de la Coupe du Mali de 1987 ? Nous avons profité d’une cérémonie au terrain d’entraînement du Réal pour solliciter une interview. C’est dans un cadre convivial que l’entretien s’est réalisé quelques jours plus tard le samedi 25 décembre 2021. D’emblée, nous relevons que GMC a un niveau intellectuel exceptionnel. Il parle un français châtié et utilise les mots dans un langage facile et compréhensif. Cela se justifie logiquement par le baccalauréat, série lettres modernes qu’il a décroché en 1979, et les études supérieures à l’Ecole des hautes études pratiques (Ehep) et à Technolab Ista.
Drissa Tangara dit GMC a occupé durant sa carrière les deux postes de latéral. Parfois, il était positionné dans l’axe comme stoppeur devant feu Boubacar Sidibé alias Jardin ou Moussa Kéita dit Dougoutigui. Peu bavard, il reconnait n’avoir pas cette technique au-dessus de la moyenne qui caractérise certains joueurs. Il était par contre teigneux, dur sur l’adversaire. La grande estime et le respect dont il jouissait rappellent un autre joueur du Stade malien de Bamako, Aboubacar Vieux Djan Traoré. Les deux étaient respectés par tout le monde : dirigeants, supporters, coéquipiers et même les arbitres.
GMC avait aussi le secret de tirer les penalties avec un sang-froid extraordinaire. Chaque fois que le Réal en obtenait, il exécutait la sentence et nous n’avons pas souvenance de penalty raté même une seule fois par GMC. Comment il est devenu ce tireur attitré lors d’un match de Coupe d’Afrique des clubs champions contre M’Bila Zambie du Gabon ?
Lorsque le Réal a hérité d’un penalty, aucun joueur n’a voulu prendre la responsabilité de le tirer parce que c’était la balle de qualification. Nany se leva et désigna GMC, qui prit d’ailleurs le gardien à contre-pied. Depuis ce jour, il est devenu le tireur maison des Scorpions. C’est les compétitions inter scolaires qui ont conduit GMC dans l’un des clubs de la Cité des Balanzans, l’Avenir de Ségou en 1975. Dès son arrivée dans cette équipe, il joue la même année les championnats junior et inter ligues avec les séniors. Ces deux compétitions vont confirmer sa titularisation dans l’équipe A.
Admis au DEF en 1975, il décroche le bac en 1979 au lycée régional de Ségou. Il rejoint Bamako pour les études supérieures. C’est en ce moment qu’il rentre en négociations avec le Stade malien de Bamako. Effectivement tout s’est bien passé, et GMC devait commencer les entrainements, quand une sanction administrative va tout bouleverser.
A la suite d’un mouvement de grève de l’UNEEM, le gouvernement ferme les écoles. GMC rentre à Ségou. A la réouverture des classes, les Stadistes n’ont pas réactivé le dossier de transfert. L’emploi du temps très chargé de la 1ère A de l’Ehep ne lui permettait pas de jouer au ballon.
Pendant les vacances, Amary N’Daou fit appel aux jeunes joueurs ressortissants de Ségou à Bamako pour constituer l’équipe de l’Industrie textile du Mali (Itema), dont il était l’actionnaire majoritaire. C’était en prélude de la Coupe corporative. Au niveau des quarts de finale, Amary N’Daou confie la barre technique à l’ancien international du Réal, Ousmane Traoré dit Ousmane Bléni. Le transfert de GMC se négocie pendant cette compétition. Ousmane sollicite les parents du joueur pour donner un cachet de solennité à sa démarche.
En octobre 1980, Drissa Tangara signe sa première licence au Réal, et devint immédiatement un élément clé de cette génération dorée de l’AS Réal de Bamako, avec les Amadou Pathé Vieux Diallo, Drissa Konaté dit Driballon, Amadou Vieux Samaké, Boubacar Sidibé dit Jardin, Adama Fofana dit Agni, Boubacar Fofana, Papa Coulibaly, Seydou Traoré dit Guatigui et autres. Il est un maillon important du bastion défensif des Scorpions pendant neuf ans (1980-1989). Sa riche et longue carrière enregistrent deux finales de Coupe du Mali, toutes perdues face au Djoliba (1981) et devant le Sigui de Kayes (1987). A présent, l’enfant de Sonikoura ne digère pas toujours la défaite de cette finale contre les Kayesiens. Et pour cause !
La différence de mental
“Il est évident que je continue de souffrir moralement de cette finale de Coupe du Mali de 1987. Parce que le Réal l’a perdue de façon lamentable. C’est-à-dire qu’après la demi-finale contre le Stade malien, les dirigeants ont conclu que c’était fini. C’était le relâchement total. L’équipe n’est rentrée à l’internat que le vendredi. Aucun responsable ne s’est présenté, à plus forte raison l’entraîneur. Les joueurs se sont débrouillés pour trouver à manger. Le lendemain c’était le même scénario. A 15 h, il a été décidé de vider les lieux, au niveau du terrain d’entraînement du Stade nous croisions Salif Kéita dit Domingo. Il venait rendre visite à l’équipe. Informé de la situation, il nous demanda de retourner à l’internat et s’engagea à tout prendre en charge jusqu’au dimanche. Les joueurs étaient démotivés. Ce n’est qu’à quelques heures du match que l’entraineur arriva. Son classement n’a pas fait l’unanimité, cela a une nouvelle fois exacerbé la tension. Au même moment, l’adversaire était requinqué à bloc pour aborder la finale. C’est cette différence du mental qui a tranché. Voilà pourquoi cette finale est l’un de mes plus mauvais souvenirs”.
Avec l’équipe nationale au sein de laquelle sa première sélection date de 1981, il a joué les tournois Cabral et la coupe Cédéao. Aujourd’hui GMC regrette n’avoir pas remporté de Coupe du Mali avec son club. Par contre, il a à son actif trois titres de champion (1981, 1983, 1986).
Drissa Tangara dit GMC est né le 14 mars 1956 à Niangasso, cercle de San. Il est marié et père de six enfants, dont deux garçons. Aucun d’eux n’a été sportif. Il a tout fait pour le garçon aîné, mais il n’a pu être assidu. La cadette a été même sélectionnée en équipe nationale de basket-ball. Elle a préférée se concentrer sur les études.
Dans la vie GMC aime la franchise, et déteste le mensonge. Des principes calqués sur son sérieux qu’il a hérité de sa famille. L’éducation donnée par son père reposait sur la rigueur, le respect de soi et de la parole donnée.
Faut-il rappeler que Drissa Tangara dit GMC est détenteur d’un diplôme universitaire de technicien supérieur, spécialité secrétariat de direction. A son admission au bac (série philo- langues), il est orienté à l’EN Sup, mais pour des convenances personnelles, l’enseignement ne l’enchantait pas trop. A défaut d’un transfert à l’ENA, il se contente de l’Ecole des hautes études pratiques. A sa sortie, il est directement recruté dans la fonction publique et affecté à Haoussa Foulane, la frontière Mali-Niger, dans la région de Gao.
Les dirigeants du Réal lui conseillent de rester et lui accordent une somme forfaitaire de 10 000 FCFA en attendant la régularisation de sa situation. Des démarches furent alors entreprises par les dirigeants de son club et le ministre des Sports, des Arts et de la Culture pour une nouvelle affectation à Bamako. Parce que GMC devait jouer les quarts de finale de la 18e Coupe d’Afrique des clubs champions et les éliminatoires de la Coupe Cédéao avec les Aigles. Son département de tutelle, le ministre de l’Intérieur s’est opposé à toute négociation.
Une riche carrière administrative
L’affaire a traîné pendant plus d’un an. Le salut viendra de son homologue des Sports, N’tji Idriss Mariko, qui régularisa sa situation et l’affecta à la direction nationale des sports. Il y passa dix-huit mois. Sur ce point précis, GMC tient à remercier l’ancien capitaine des Aigles, Kidian Diallo, pour son accompagnement. Sur demande du directeur national Ibrahim Diakité, GMC est muté au budget où il passe cinq ans (1984-1989). En 1989, il est transféré au ministère de l’Energie pour servir au Projet sel gemme de Taoudéni.
Il était à l’antenne de Bamako avec des missions au nord. Son affectation dans ce projet a consacré également sa retraite footballistique. Parce qu’il n’avait pas le temps maximal pour suivre les entraînements.
Les événements du 26 mars 1991 ont eu raison de ce projet. Les rebelles se sont emparés de la logistique du programme. GMC est affecté à la direction administrative et financière du ministère des Mines, de l’Hydraulique et de l’Energie pour servir à la division du personnel (1992). A l’arrivée du ministre Yoro Diakité à la tête de ce département, il est muté au cabinet (1993) jusqu’en 2003.
Au mois d’août de la même année, il est détaché auprès de l’Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et de l’électrification rurale (Amader) pour servir à la direction générale jusqu’en 2016, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Ce rappel de la carrière administrative a l’avantage de comprendre qu’il est l’un des rares anciens joueurs de l’équipe nationale, sinon du football malien à ne pas tirer le diable par la queue.
Nous ne pouvions quitter l’ancien international de l’AS Réal sans lui poser la question de savoir, ce que signifie le surnom GMC ? Qui n’a rien à avoir avec les initiales de son identité. C’est à l’issue d’un match entre les élèves et leurs professeurs, parmi lesquels il y avait un ailier gauche virevoltant. Face à son étudiant, il n’a pu développer ni sa vivacité, ni sa vitesse, ni sa rapidité. En un mot Drissa l’a mis sous l’éteignoir en le stoppant dans toutes ses tentatives. Ses camarades l’ont surnommé “Allemand Nèguè”. C’est-à-dire l’homme dur comme le fer d’Allemagne. C’était à l’époque où les gros camions de marque allemande, GMC, étaient à la mode. Le raccourci est vite trouvé pour remplacer “Allemand Nèguè” par GMC.