Outre-Rhin, le débat sur l’engagement militaire de l’Allemagne au Mali n’est pas nouveau. Mais, ces derniers jours, il s’est encore accentué après les propos de Christine Lambrecht, la ministre allemande de la Défense, ceux de Eva Högl, la commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr [forces armées allemandes].
Pour rappel, l’Allemagne compte environ 1350 soldats au Mali, répartis entre la mission de formation des forces armées maliennes [FAMa] conduite par l’Union européenne [EUTM Mali] et la Mission miltidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA].
Par ailleurs, au Sahel, la Bundeswehr conduit également la mission « Gazelle », laquelle mobilise des nageurs de combat de la Deutsche Marine [Verwendungsgruppe 3402] pour former les forces spéciales nigériennes. Par commodité, elle a été intégrée à la participation allemande à l’EUTM Mali.
Peu avant Noël, Mme Lambrecht a évoqué une redéploiement des instructeurs militaires allemands de l’EUTM Mali au Niger, par souci de sécurité.
« La sécurité de nos soldats est pour moi la première des priorités. […] Au Mali, la Bundeswehr a pour mission de former l’armée locale. Nous devons maintenant vérifier si l’entraînement des soldats maliens n’est pas possible de la même façon, et même en mieux, dans un autre endroit, plus sûr pour nos soldats », a en effet affirmé Mme Lambrecht dans les colonnes de Bild am Sonntag, peu après avoir pris ses nouvelles fonctions.
Mais au-delà des considérations autour de la sécurité, cet éventuel redéploiement du Mali vers le Niger pourrait évidemment être motivé par l’arrivée – présumée – du groupe paramilitaire russe Wagner à Bamako.
Si les autorités maliennes ont démenti avoir passé un accord avec celui-ci, il n’en demeure pas moins que des mouvements aériens inhabituels posent question, des avions militaires russes ayant enchaîné les rotations entre Moscou et Bamako. C’est notamment le cas du Tu-154 qui, immatriculé « RA-85042 », est utilisé par l’unité aérienne 223 des forces russes, laquelle a été soupçonné par les Nations unies d’avoir transporté des mercenaires de Wagner en Libye.
Quoi qu’il en soit, la commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr a ensuite enfoncé le clou, après avoir passé les derniers jours de décembre 2021 au Sahel, a appelé le gouvernement allemand à revoir les opérations menées dans la région, voire à envisager un retrait du Mali.
S’agissant de la MINUSMA, « beaucoup dépendra de l’évolution de la situation au Mali. La mission est de sécurisé le traité de paix [les accords d’Alger entre Bamako et les indépendantistes du nord du Mali, ndlr] et de restaurer les structures étatiques », a commencé par expliqué M. Högl dans un entretien donné à l’agence DPA. « Il y a eu second d’État [en mai 2021, ndlr]. Quand j’étais là-bas, l’élection [prévue en février 2022] venait d’être annulée et reportée à une date indéterminée. [Aussi], je mets un gros point d’interrogation sur cette mission », a-t-elle dit.
Effectivement, en décembre, les Assises de la refondation malienne ont recommandé de prolonger la transition de six mois à cinq ans, sans fixer de date pour la tenue d’élections. Ce qui signifie que la junte a l’intention de garder le pouvoir… Et cela coïncide avec les informations faisant état de l’arrivée de Wagner.
Quant à l’EUTM Mali, Mme Högl a plaidé en faveur d’un redéploiement vers le Niger, où elle a eu « l’impression » que « malgré les difficiltés, ce pays présente plus de possibilités en termes d’accompagnement et de formation qu’il n’y en a au Mali ». Et de souligner que, au Niger, il « existe une démocratie semi-établie avec des élections et un gouvernement qui s’attaque aux problèmes ».