Dans une démocratie qui fonctionne comme il faut, l’armée dans un pays reste à sa place. Elle existe et demeure une force solide et structurée pour la défense de la nation. Lorsque la démocratie fonctionne, que le peuple est serein et rassuré, l’armée n’a ni de raison, ni l’opportunité, ni le soutien du peuple pour faire un coup d’État. Lorsque la démocratie a permis l’épanouissement d’un peuple, ce peuple n’admet pas d’insurrection.
Le succès des militaires au pouvoir au Mali et le soutien que leur apporte le peuple malien viennent du fait qu’ils permettent (les militaires au pouvoir) aujourd’hui d’envisager une alternative dans ce pays, ils redonnent de l’espoir. La France, l’Europe, si jamais votre bonne foi est réelle, si seulement vous pouviez admettre que vraisemblablement le succès du pouvoir en place au Mali a pris racine sur votre échec dans une démarche incompréhensible ; si vous pouviez admettre que ce peuple qui doit faire la démocratie au Mali a cessé d’y croire, elle ne voit plus en cette démocratie qu’une ruse de votre part pour mettre en place une machine d’exploitation sans pitié de leur pays, une machine de destruction de leurs libertés, leurs droits et leurs perspectives ; si vous pouviez admettre que vos méthodes puissent être perçues par les Maliens comme étant dans le but unique de votre seul intérêt ; si vous, la France et l’Europe, pouviez entendre enfin et comprendre et non juste vouloir vous faire entendre… Si votre bonne foi est réelle et qu’il y a plus de volonté de construire que de donner une leçon, vous ne jugeriez pas le courage et le sursaut d’espoir des Maliens comme étant un «entêtement».
Vous ne tenteriez pas par tous les moyens de renforcer en Afrique une situation qui détruit l’Union africaine (UA) plus que la construit. Si votre bonne foi pour la stabilité et la paix au Mali est réelle vous ne pouvez admettre comme seule solution, encourager et soutenir des sanctions qui ont pour but d’isoler le Mali et perturber l’Union africaine.
Pourtant, ces dernières décennies, le Mali fut bon élève et la France a été une maîtresse soutenue par l’Europe. Vous avez pu orienter le Mali vers ce que vous jugiez être le mieux. Depuis plus de trois décennies, des gouvernements se sont succédés au Mali avec votre bénédiction et votre guidance. Alors est-ce si surprenant que des êtres pourvus d’intelligence, que sont les Maliens, veuillent essayer d’autres méthodes après des décennies avec les mêmes solutions infructueuses et dix ans de détérioration de la sécurité et de la stabilité dans les deux tiers du pays ?
Plus de soixante ans de: «Tu es libre, mais tu fais ce que je veux» ! C’est désespérant, exaspérant, humiliant… Il faut que nos politiciens, au Mali, se remettent en question ; qu’ils voient leurs erreurs ; qu’ils trouvent la force et le courage de se dire et nous dire enfin au Mali qu’ils se sont fourvoyés et qu’il faut que nous pensions ensemble à la manière dont nous allons sortir de là et avancer.
Ils se sont fourvoyés ! Nous sommes, au Mali, là où ils ont mené l’armée malienne, le peuple malien. Ils se sont fourvoyés pendant que le Mali était pourtant considéré comme un modèle de démocratie et de bonne gestion par la France, par l’Europe ! Rokia Traoré, artiste