Pour les derniers voeux aux Armées de ce quinquennat qui se termine, et après avoir présenté sa vision de l’Union européenne [UE] lors d’un discours au Parlement européen de Strasbourg, le président Macron s’est rendu au camp d’Oberhoffen, près de Haguenau, afin de mettre l’accent sur les régiments de l’armée de Terre spécialisés dans le renseignement.
Étant donné l’évolution de la sitation au Sahel, et plus particulièrement au Mali, où la junte au pouvoir a allégrement franchi toutes les lignes rouges fixées par la France, on s’attendait à une mise au point du président Macron. Or, celui-ci a visiblement préféré esquivé le sujet.
Pour rappel, après coup d’État réalisé en deux temps, les autorités maliennes de transition ont renoncé à organiser des élections en février prochain, contrairement à leurs engagements. Ce qui a valu au Mali d’être sévèrement sanctionné par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [Cédéao]… avec le soutien affiché de la France. En outre, soupçonnées de vouloir faire appel au groupe paramilitaire russe Wagner [ce dont elles se défendent], il a été constaté une présence de plus en plus importante de « formateurs » russes, dont on ignore le statut, auprès des Forces armées maliennes [FAMa]. Enfin, Bamako a récemment fait connaître son intention de revoir les accords de défense avec Paris, lesquels fixent les modalités de la présence militaire française au Mali.
Lors de ses voeux aux Armées, le président Macron n’a pas manqué de faire le tour des opérations en cours [et même passées], tout en saluant les succès obtenus par les forces françaises. Et, s’agissant de celles conduites au Sahel par la force Barkhane et le groupement européen Takuba, il a fait court. Sans doute a-t-il considéré que ce n’était ni le moment, ni le lieu, pour aborder les sujets qui fâchent. « Notre action s’ajuste, le combat contre le terrorisme continue et se transforme. Je salue l’engagement de nos partenaires européens et africains ainsi que la qualité des travaux menés en commun pour pouvoir prendre, face à une situation très évolutive, les bonnes décisions », a-t-il ainsi seulement commenté.
Un autre sujet potentiellement épineux est celui de la stratégie en Indo-Pacifique, mise à mal en septembre 2021 après la décision de l’Australie de former une alliance avec les États-Unis et le Royaume-Uni [AUKUS] et, ainsi, de renoncer aux douze sous-marins commandés auprès de la France. Dans cette partie du monde, a dit M. Macron, « nos bâtiments et les avions projetés de l’armée de l’Air & de l’Espace donnent crédit et poids à la stratégie que nous avons définie, cruciale pour la France et l’Europe. Une stratégie indépendante, pleinement souveraine. Une stratégie de puissance d’équilibre ô combien importante », a-t-il relevé.
En parlant d’équilibre, le locataire de l’Élysée a insisté sur la contribution des forces françaises à celui de l’Europe, en particulier via les missions de l’Otan, organisation dont il considérait, naguère, qu’elle se trouvait en état de « mort cérébrale ».
« Je n’oublie pas la contribution de nos armées aux équilibres de notre Europe. Nous avons continué à nous déployer pour la sécurité de nos partenaires européens, dans le cadre des missions de l’Otan et les missions eFP [enhanced Forward Presence – Présence avancée réhaussée, ndlr] chez nos amis baltes. Et nous continuerons à la faire dans la durée », a déclaré M. Macron.
Pour rappel, dans le cadre de la mission Lynx, l’armée de Terre a déployé un sous-groupement tactique interarmes [S/GTIA] en Estonie, au sein d’un bataillon multinational dont le Royaume-Uni est la nation-cadre.
Pour M. Macron, il est ainsi question d’aller encore plus loin, au moment où, alors que les relations avec la Russie sont particulèrement tendues, l’Otan envisage de mettre en place dans la région de la mer Noire un dispositif similaire à celui qui est actuellement déployé dans les trois États baltes et la Pologne.
« Nous avons indiqué notre disponibilité à aller plus loin. Et dans le cadre de l’Otan, à nous engager sur de nouvelles missions afin de prendre toutes nos responsabilités dans des missions de type eFP, en particulier en Roumanie, si elles étaient décidées », a indiqué Emmanuel Macron.
« Solidarité à l’égard de nos amis européens, dans le cadre de l’Otan, engagement accru de la France, de même que nous avons continué à conduire des opérations en Méditerranée orientale, en mer Noire, dans le golfe Persique… Partout où la sécurité directe au voisinage de notre Europe était en jeu », a résumé le chef de l’État.
Enfin, soulignant que les engagements pris à l’occasion de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 avaient été tenus durant son mandat, avec « 198 milliards d’euros […] mobilisés sur la période 2019-2023 », afin de « rendre aux armées les moyens adaptés, modernes, puissants, innovants pour mieux remplir leurs missions aujourd’hui, et demain », M. Macron a insisté sur la nécessité de poursuivre cet effort.
« L’enjeu des prochaines années […] sera d’adapter davantage notre modèle d’armée aux nouvelles menaces », a-t-il dit. Et cela d’autant-plus, a-t-il continué, que « la France doit défendre ses intérêts et porter ses valeurs, celles de l’Europe, dans un monde où la compétition stratégique s’accentue, avec une désinhibition des comportements de certains États, tandis que la menace terroriste reste forte ».