Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, avait affiché la couleur vendredi dernier en affirmant que le Mali n’excluait “rien” dans ses relations avec la France, qui a déployé depuis 2012 plus de 5000 soldats au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane.
Les relations franco-maliennes ont franchi hier un nouveau pas vers leur rupture, avec la décision des militaires au pouvoir au Mali d’expulser l’ambassadeur de France à Bamako, dans un contexte de conflit diplomatique autour de l’arrivée des mercenaires de la société de sécurité russe Wagner, auxquels les membres de la junte malienne ont fait appel.
“Le gouvernement de la République du Mali informe l'opinion nationale et internationale que ce jour (...) l'ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (et) qu'il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l'invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures”, a annoncé un communiqué lu par la télévision d'État, repris par les agences de presse.
Cette décision intervient, explique la junte, suite aux déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le-Drian, qualifiées par Bamako d’“hostiles” et d’“outrageux” à l’égard d’Assimi Goïta et de son entourage.
“Le gouvernement du Mali condamne vigoureusement et rejette ces propos qui sont contraires au développement de relations amicales entre nations”, ajoute le texte lu à la télévision d’État.
Le départ forcé des soldats danois du Mali, considérés comme indésirables par la junte, a provoqué la colère de Paris et de son chef de la diplomatie qui a qualifié la junte d’“illégitime” et ses décisions d’“irresponsables”.
Mais cela fait quelques mois que les relations franco-maliennes ont amorcé une mauvaise pente, après la décision française de revoir sa présence militaire au Mali, à travers l’opération Barkhane qui compte plus de 5000 militaires français.
Ce qui n’a pas été du goût d’Assimi Goïta, qui a ouvertement accusé la France d’abandonner son pays, où les Russes cherchent à s’implanter via Wagner, dont la mauvaise réputation en Syrie et en Libye et la proximité de son patron avec le président russe Vladimir Poutine ne sont pas pour rassurer la communauté internationale.
Dans un Sahel en proie à l’instabilité politique et sécuritaire, en raison d’une forte présence terroriste et de fréquents putschs militaires contre des dirigeants démocratiquement élus, l’arrivée de Wagner à Bamako a été en effet dénoncée de toutes parts, à commencer par les États-Unis dont l’implication dans le dossier malien n’est pourtant pas trop affichée, Washington préférant jusque-là soutenir le processus conduit par l’ONU.
Si chaque pays est en droit de choisir ses partenaires, ce qui est reproché à la junte au pouvoir c’est le fait de vouloir faire feu de tout bois pour justifier sa volonté de demeurer au pouvoir pour cinq années supplémentaires, alors que la période de transition est arrivée à son terme.
La question qui se pose à la lumière de l’évolution de la situation sur le plan diplomatique, Bamako pourrait-il aller jusqu’à rompre ses relations avec Paris ?
Si c’est le cas, la France va-t-elle retirer ses soldats du Mali avec toutes les conséquences que cela pourrait engendrer dans la lutte contre le terrorisme dans ce pays et le Sahel ?
Isolé par les pays de la Cédéao et pressé par les grandes puissances, Assimi Goïta pourra-t-il tenir le coup trop longtemps, même avec l’appui russe au Conseil de sécurité de l’ONU ?