Un double coup d’État qui n’a pas été anticipé, une campagne de désinformation qui n’a pas pu être contrée, malgré des succès opérationnels indéniables qui n’ont sans doute pas été suffisamment exploités médiatiquement, sauf lors de l’élimination de chefs jihadistes, une communication rompant avec la formule « bien faire et le faire savoir » [« l’indicateur de réussite n’est pas le nombre de jihadistes tués », faisait valoir le général Lecointre, l’ex-chef d’état-major des armées… Mais c’est un « indicateur » qui parle aux populations], une lutte d’influence, menée par la Russie et la Turquie, que les rodomontades de Paris n’auront pas découragé, une « transformation » de Barkhane annoncée lors d’une conférence de presse donnée avant un sommet du G7 et non pas à l’issue d’une réunion du G5 Sahel…
Bref, tout cela a conduit à un « contexte politique malien hostile » pour la force Barkhane, comme l’a récemment décrit Florence Parly, la ministre des Armées. Un contexte marqué par l’arrivée, à la demande de la junte malienne, « formateurs militaires russes » dans le nord du pays ainsi qu’à des « provocations » à l’égard de Paris et de ses partenaires européens, ce qui n’a pu que dégrader les relations diplomatiques, comme en témoigne l’expulsion de l’ambassadeur de France en poste à Bamako.
Dans ces conditions, la question de la présence militaire française au Mali se pose. Et aussi celle, par conséquent, des pays européens dont les troupes sont engagées dans la force Takuba, laquelle relève de Barkhane. Aussi, une décision devrait être bientôt annoncée. Mais selon les échos parus dans la presse, elle est déjà prise : sauf un changement improbable de l’attitude de la junte malienne, le retrait des forces françaises et européennes [du moins, celles de Takuba] serait acté.
D’où, d’ailleurs, la visite effectuée au Niger par Mme Parly, les 2 et 3 février. « Les échanges porteront également sur les récentes évolutions politico-sécuritaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest et sur les modalités de l’évolution du dispositif de Barkhane », avait préalablement indiqué le ministère des Armées, dans un communiqué publié juste avant ce déplacement à Niamey.
« La France reste engagée dans la lutte contre les groupes armés terroristes, aux côtés des forces sahéliennes, en étroite coordination avec ses alliés européens et américain qui participent à la force Barkhane et lui apportent un soutien précieux », était-il encore avancé dans ce texte.
D’après des informations obtenues par Europe1, l’annonce du redéploiement français au Sahel sera « officialisée dans les quinze prochains jour ». Et d’ajouter que « tout l’enjeu pour l’exécutif sera de marteler que ce n’est pas un ‘échec militaire’, mais que le dispositif doit évoluer à cause de la junte qui montre aux Français la porte de sortie ».
Ce retrait militaire français qui s’annonce posera un défi logistique évident, avec déjà plus de 700 véhicules [dont 430 blindés] devant être « rapatriés », ou, du moins, redéployés, sans doute au Niger. Et il faudra aussi prendre en compte les moyens engagés par les partenaires européens de Takuba. Et ce désengagement, s’il se fait en partie par la route, s’annonce délicat, comme l’a montré la récente traversée du Burkina Faso par un convoi de Barkhane…
A priori, et étant donné qu’il n’est pas question d’abandonner la lutte contre les groupes jihadistes, dont l’influence pourrait gagner le golfe de Guinée, Paris souhaiterait continuer à accompagner les forces armées locales par des détachements ad hoc… à la condition que les pays concernés en fassent la demande. C’était déjà l’idée de la tranformation de Barkhane, telle qu’elle avait été décrite par le président Macron, en juin dernier. Restera à voir l’avenir de Takuba, sachant que le Niger ne souhaite pas la présence de cette force européenne sur son territoire. Pour le moment, du moins.